La jeunesse montre des signes inquiétants de souffrances psychologiques avec la crise sanitaire. Culpabilité, isolement, incertitude quant à leur avenir, leurs problèmes s'accumulent et les services psychiatriques sont débordés. Reportage en pédiatrie au CHU de Rouen.
Ils ont longtemps été les oubliés de la pandémie. Des enfants et des adolescents contraints de renoncer aux amis, aux loisirs et aux pratiques sportives pour, dit-on, protéger la vie de leurs ainés. Un choix assumé par les dirigeants politiques et légitimé par les recommandations du conseil scientifique. Une vie sociale sacrifiée sur l’autel de la solidarité intergénérationnelle dont les dommages collatéraux s’avèrent aujourd’hui dramatiques.
"Pendant le premier confinement j’étais coupée de tout. Pas de collège, pas de copain, pas de sortie… J’ai donc passé beaucoup de temps sur les réseaux sociaux. J’ai toujours été un peu complexée donc je regardais des vidéos sur les régimes et puis avec les algorithmes d’internet j’ai été inondée par les programmes de régime amincissant" raconte, lucide, une jeune adolescente de 14 ans hospitalisée pour la deuxième fois au CHU de Rouen. Depuis la crise sanitaire, elle est victime de troubles alimentaires de type anorexie. Pour elle, ce sont les restrictions de liberté qui ont porté atteinte à sa santé physique et mentale.
Une génération sans horizon
Dans un âge où la sensibilité est exacerbée, l’absence de perspectives positives peut être le déclencheur de pathologies psychiatriques. Au service pédiatrique de Rouen, les hospitalisations ont doublé depuis septembre. "Avant le Covid, le cadre socio-éducatif expliquait en grande partie les troubles de la santé mentale d’un jeune. Aujourd’hui les ados déprimés viennent de toutes les classes sociales" analyse, Adlane Inal, pédopsychiatre au CHU de Rouen.
Avant on pouvait s’appuyer sur leurs projets d’avenir pour les aider à remonter la pente…aujourd’hui c’est plus difficile mais on leur dit qu’ils trouveront eux même les solutions. C’est important car ce sont eux les forces de vie de demain.
Pour l’adolescente en souffrance, l’espoir semble pourtant a porté de mains. La simple évocation d’une vie libre, semble lui redonner le sourire. "J’ai envie d’aller à la piscine, au karting ! De voir ma famille et d’aller en vacances au ski !"
Des services psychiatriques sans moyen
En attendant la levée des restrictions, il faut continuer de soigner et d’accompagner cette jeunesse en détresse rappelle le pédopsychiatre.
La question c’est de savoir comment on peut s’occuper de nos patients en ayant toujours le même personnel ! En l’occurrence en pédopsychiatrie il n’y a pas de miracle, quand on veut que les gens aillent mieux, on a besoin de temps et de personnes.
Les psychiatres, eux aussi, s’attendent à une autre vague de malade avec les dépressions. Plus sournoise que les infections au Covid, elle sera, selon les spécialistes, tout aussi redoutable.