A 93 ans, Jean-Claude Guezennec, le président et créateur de l'association Archimède films a tiré sa révérence.
Il a formé sur Rouen de nombreux cinéastes et professionnels de l'image. Jean-Claude Guezennec, cet ancien professeur du lycée Corneille à Rouen, qui avait consacré sa vie au cinéma et à l’éducation, s'est éteint ce 23 juillet à l'âge de 93 ans.
Installé à Bihorel depuis des années, il était président de l’association Archimède Films, qui aidait des jeunes à construire une première expérience cinématographique, et sa disparition a suscité beaucoup d'émotion dans l'univers de la culture rouennaise. Sur les réseaux sociaux, la sénatrice centriste Catherine Morin Desailly a ainsi été une des premières à saluer sa mémoire.
"Jean Claude Guezennec a marqué de son empreinte la vie cinématographique et culturelle de notre région et a contribué à la création d’outils favorisant l’éducation à l’image , la création et la production cinématographique. C’était un homme délicieux dont l’expérience était inestimable, qui gardait une extraordinaire fraîcheur de cœur et un enthousiasme communicatif."
Très impliqué dans le milieu associatif, ce passionné de cinéma fût à l'origine de la création du premier BTS audiovisuel du Lycée Corneille ainsi qu’une première association appelée alors l’IRIS ( institut Régional de l’Image et du Son ) qui allait donner suite en 2000 au Pôle Image de Haute Normandie. En 2015, ce Pôle Image fusionnera avec la maison de l’image de Basse Normandie et donnera naissance à l’actuelle agence Normandie Images.
Dans un portrait de lui réalisé en 2016, la ville de Bihorel avait tenu à retracer tout le parcours professionnel, artistique et associatif de celui qui avait d'abord souhaité consacrer sa vie "au service des autres" :
“C’est ce que j’ai enseigné toute ma vie. Et avant de l’enseigner, il fallait d’abord que je commence à l’appliquer moi-même”.
Prof, un "vrai métier"
Jean-Claude Guézennec avait été attiré très jeune par le cinéma. “Je voulais intégrer une école de cinéma mais pour mes parents, ce n’était pas un vrai métier. Dans les années 30, le cinéma était mal vu : c’était un divertissement populaire qui avait le tort de s’adresser au corps, aux sentiments. Prof, c’était un vrai métier. Et comme j’étais un enfant docile…”
Elève brillant, Jean-Claude Guézennec décroche l’Agrégation de Lettres classiques. D’abord nommé en Algérie durant la guerre, il est ensuite affecté à Rouen en 1957, au Lycée Corneille pour y enseigner le français et les lettres classiques. Il y fera toute sa carrière. Dès lors, il s’installe à Bihorel où il s'est éteint.
“On m’a donné les 6e et les 4e la première année. La rédaction, c’était bien, mais un peu rasoir, alors on s’est lancé dans l’écriture d’un scénario. Si les idées étaient bonnes, on tournerait un film”. Le film sort un an plus tard. “C’est un petit film de 30 minutes. Il a reçu un grand prix dans un festival. Ensuite, les élèves ont voulu continuer. On a créé Archimède”, avait-il raconté à l'époque.
Archimède Films existe toujours. C'est une association bihorellaise qui œuvre pour l’éducation à l’image. Elle est au coeur de ce qui a fait sa vie : le cinéma, l’éducation, la transmission, l’association. Chaque été, comme cette année, elle organise des stages cinéma à l'attention des plus jeunes.
Un citoyen Bihorellais très impliqué
A Bihorel, Jean-Claude Guézennec s’était très vite engagé dans la vie locale et citoyenne . “On est tout de suite venu me chercher pour le scoutisme”. Il devient chef de troupe à Bihorel et responsable régional de la branche éclaireurs, rédacteur en chef de la revue nationale.
Le scoutisme le fait connaître. Très vite, dès 1965, on le sollicite pour figurer sur une liste à l'occasion des élections municipales et il est finalement élu en 1971 conseiller municipal dans l’équipe de Claude Leveau. “Je le connaissais depuis que j’avais 8 ans. On avait créé ensemble le club Mermoz à Paris. On s’est retrouvé à Bihorel par hasard”.
L’inauguration de l’école Georges Méliès reste pour lui un grand souvenir. “En 1974, de nouveaux quartiers du Chapitre ont été inaugurés. A l’époque, on avait demandé à plusieurs conseillers de donner des noms de rue”. Il donnera à l’école le nom de son maître. “Méliès est le grand créateur du cinéma. On a eu l’honneur de pouvoir faire venir son fils pour l’inauguration de l’école”.
Côté cinéma, il réalise en parallèle des films avec l’école Larpin, le collège Michelet grâce à Archimède films.
Le cinéma, un travail d'équipe avant tout
Dans les années 90, le club de football de Bihorel le sollicite à son tour. De 1993 à 2003, Jean-Claude Guézennec est vice-président du club. En 2001, il crée l’association Passion-foot avec Bruno Mignot, éducateur et ancien joueur professionnel.
“Le terrain de foot est un lieu d’éducation prodigieux”, racontait-il.
Mais durant toutes ces années, l’éducation à l’image reste sa plus grande passion. Jean-Claude Guézennec organise ainsi l’enseignement du cinéma au Lycée Corneille et contribue à y créer le BTS Audio Visuel. Il devient chargé de mission auprès du Recteur de l’Académie de Rouen pour le développement du cinéma et de l’audiovisuel. En 1981, il est devient membre d’une commission inter-ministérielle pour l’enseignement du cinéma.
“Je crois beaucoup en l’enseignement du cinéma. C’est de l’éducation à l’image, cela forge l’esprit. Et puis cela donne aux jeunes des habitudes de rigueur. Le cinéma, c’est aussi un travail d’équipe. Cela développe la solidarité chez les enfants”.
Archimède films, un outil d'insertion
Créée en 1958, l’association aide les jeunes tentés par un métier de l’audiovisuel à tester leurs aptitudes et à s’orienter dans la profession. Elle contribue aussi à l’insertion professionnelle des jeunes techniciens de l’audiovisuel et du cinéma. Elle travaille en particulier dans les milieux ruraux et quartiers dits sensibles, à l’éducation à l’image des jeunes. Enfin, elle produit des films d’intervention sociale ou de prévention, notamment pour la gendarmerie nationale. Dans ce cadre, elle a réalisé des films de formation pour le personnel destiné à accueillir les femmes victimes de violences.