Le refuge de la Société Normande de Protection des Animaux à Rouen est saturé. Il accueille 106 chiens et 60 chats. Certains attendent une famille adoptive depuis longtemps. Comment fonctionne le refuge ? Quelles sont les nouvelles règles d'adoption ? On vous explique tout.
A peine les portes franchies, les aboiements résonnent à nos oreilles. Le matin, le refuge est fermé au public pour que les animaliers s'occupent des chiens et chats.
Tout commence par un contrôle visuel des soigneurs. Quand Julie Philippe arrive près des box des chiens, c'est l'euphorie. Sa visite semble très attendue.
Le matin, ils sont contents de nous voir. Le contrôle visuel, c'est pour vérifier l'état de santé global de l'animal. Ensuite, on nettoie les box à grandes eaux avec des produits spéciaux qui sont sans danger pour leurs pattes. C'est important de nettoyer les box pour qu'ils ne pataugent pas dans leur urine et leurs excréments qui pourraient provoquer des lésions au niveau des pattes.
Julie Philippe, animalière au refuge de la Société normande de protection des animaux.
Parfois, Julie Philippe est obligée de mettre une tenue renforcée spéciale pour rentrer dans certains box avec des chiens qui pourraient s'avérer dangereux. C'est le cas notamment avec ceux qui viennent tout juste d'arriver et dont on ne connait pas encore bien le comportement. Les animaliers portent donc cette tenue quand ils vont dans la partie fourrière où se trouvent les chiens retrouvés sur la voie publique. Le refuge de la Société Normande de Protection des animaux (SNPA) assure aussi le rôle de fourrière pour la ville de Rouen et des communes avoisinantes.
Les maires ont en effet l’obligation légale de capturer les chiens et les chats errants sur leur commune afin de les conduire en fourrière. Cela permet de limiter la divagation des animaux et les conséquences que cela implique. Le propriétaire d'un animal qui entre en fourrière dispose de 8 jours pour le récupérer. Passé ce délai, l'animal entrera dans un parcours d'adoption.
La ville débourse, pour les 8 jours de fourrière, 80 euros par animal.
20 000 € de frais vétérinaires par mois
Prendre soin de tous ces animaux en attendant leur adoption a un coût, notamment 20 000 euros de frais vétérinaires même si ce professionnel propose au refuge un tarif inférieur à ce qu'il pratique dans sa clinique ouverte aux particuliers.
On est obligé de facturer les soins car on a des frais et que ça coûte du matériel mais le but n'est pas de gagner de l'argent sur le dos de la société normande de protection des animaux ou d'autres associations avec lesquelles on travaille. Si on a choisi ce boulot, c'est parce qu'on a cet attrait pour les animaux. On se dit qu'on fait une bonne action.
Matthieu Broussois, vétérinaire
Chaque jour, des animaux sont emmenés dans une clinique vétérinaire pour des soins lourds ou des stérilisations. Par ailleurs deux fois par semaine, un vétérinaire vient sur place au refuge. "Ces animaux ont des pathologies ordinaires mais ils sont également aussi souvent plus stressés. D'une part, car les problèmes de comportement c'est une des premières causes d'abandon donc les animaux qui se retrouvent ici avaient déjà des problèmes de comportement avant et d'autre part, forcément, comme ils sont enfermés une grande partie de la journée ça peut entrainer des problèmes de comportement. Or, pour les animaux comme pour l'homme il y a un lien entre les problèmes de comportement et des problèmes dermatologiques ou digestifs. Donc il y a une recrudescence de ce genre de problème ici", détaille Matthieu Broussois.
Venir soigner les animaux au refuge c'est une gestion différente des soins en clinique. Il y a ici un côté vétérinaire de campagne. Comme avec un troupeau, il faut gérer les risques de contamination entre ces animaux qui vivent dans la promiscuité.
Des bénévoles indispensables au bon fonctionnement du refuge
Pour le bien-être des animaux, des bénévoles passent chaque jour sortir les chiens. Ils peuvent ainsi se promener le long de la Seine et sortir de cet univers stressant. Le plus souvent ces bénévoles sont des retraités qui ont du temps.
Sans ces bénévoles, ces chiens sortiraient peu. J'adapte le gabarit du chien à la personne qui le sort pour qu'il n'y ait pas de problème à l'extérieur. La règle d'or reste la sécurité. Ces bénévoles nous rendent service mais ils se font plaisir aussi.
Emilien Couturier, directeur de la SNPA
Pour ces bénévoles, le refuge de la SNPA accueille aussi des jeunes en situation de handicap suivis par l’Institut Médico-Educatif (I.M.E.) de Canteleu à côté de Rouen. "Il y a un côté thérapeutique pour ces jeunes. Ils peuvent être parfois un peu excités ou énervés. Promener les chiens peut les apaiser. C'est une manière aussi de sortir du quotidien et de la structure de l'IME et cela leur donne une certaine autonomie à force de venir ici. Cela peut également changer leur rapport à l'animal dont ils peuvent avoir peur à priori", nous explique Jérémy Mollo, éducateur à L'Institut Médico-Educatif de l'Idefhi de Canteleu.
Certains chiens attendent une adoption depuis deux ans
Tous les animaux de ce refuge sont en attente d'adoption. Les chats sont ceux qui partent le plus vite. La maison du chat a récemment été construite à la SNPA et permet aux adoptants de passer un moment agréable avec les chats qui ont de l'espace.
Du côté des chiens, les familles qui vivent en ville, cherchent souvent de petits chiens. Ils partent donc très vite. La majorité des box est donc remplie de grands gabarits dont de nombreux chiens de catégorie qui ont plus de mal à trouver une famille.
Certains chiens sont ici depuis longtemps parfois 2 à 3 ans car on ne pratique pas l'euthanasie. Seul un animal, en fin de vie, qui souffrirait peut-être euthanasié ou, sur avis du vétérinaire sanitaire, un animal extrêmement dangereux. Par ailleurs, on travaille avec la Police nationale. Si je décèle chez un chien un potentiel particulier, je peux l'orienter comme chien d'intervention ou pour un chien qui a du flair vers la brigade cynophile.
Emilien Couturier, directeur du refuge de la SNPA
Adopter un animal, un véritable engagement
Pour adopter un chien ou un chat, il faudra désormais obligatoirement signer un « certificat d’engagement et de connaissance », selon un décret entré en vigueur au 1er octobre 2022. Il concerne tous les futurs propriétaires d’animaux de compagnie. Il fait partie d'une nouvelle loi qui « vise à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes ».
Le futur adoptant doit compléter et signer le document à minima 7 jours avant l’acquisition de l’animal pour pouvoir adopter. Ce délai permet d'accorder à l'adoptant un délai de réflexion après lecture des informations contenues dans le certificat. Et dans la même optique de ne pas adopter sur un coup de tête : dans ce refuge, il faut avoir fait au minimum 3 promenades avec le chien.
Par ailleurs, l'adoption n'est pas gratuite. Il faut participer aux frais engagés par le refuge. L'adoption d'un chien est de 250 euros, et 300 euros pour un chiot. La stérélisation étant obligatoire pour certains chiens, il faut compter 150 euros supplémentaires.
L'adoption d'un chat est de 220 euros et de 250 euros pour un chaton.
Le refuge assurant le rôle de fourrière pour les chiens errants sur la voie publique de Rouen et ses alentours, depuis plusieurs mois, la structure ne peut plus accepter d'abandons de chiens.
250 000 euros de déficit pour la SNPA
Quand le directeur de la SNPA, Emilien Couturier a pris ses fonctions, il y a 6 ans, le déficit était de 500 000 euros. Un déficit qu'il a pu réduire à 250 000 euros mais les frais sont importants.
Nous déboursons 20 000 euros de frais vétérinaires par mois, 2700 euros de croquettes tous les mois et demi ainsi que les salaires et les frais énergétiques qui ne font qu'augmenter.
Emilien Couturier, directeur de la SNPA
Un budget difficile à équilibrer alors que la Société normande de protection des animaux est indépendante et ne dépend pas de la SPA nationale. Ce refuge ne vit que de dons et de legs.