Depuis lundi 24 avril 2023, des panneaux, courriers et affiches annonçant un projet d’oléoduc en plein centre-ville circulent à Rouen. Il s’agit d’une action de sensibilisation écologiste.
Ces affiches et courriers peuvent inquiéter au premier abord. Puis en se penchant un peu plus sur les détails, on se rend compte que quelque chose cloche. Et pour cause, il s’agit d’un canular à échelle nationale. Rouen, Grenoble, Lyon, Marseille… en simultané des bénévoles et artistes du collectif « Le bruit qui court » ont déployé de nombreux moyens pour rendre crédible un projet d’oléoduc d’envergure européenne.
« On a fait en France, ce que Total veut faire en Ouganda »
Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, « Le Bruit qui court » raconte comment ils ont « trompé pendant une journée TotalEnergies, on te raconte la vérité derrière le canular géant EACOP de Total (…) on a commencé par envoyer des milliers de fausses lettres d’expropriation à des gens de quartiers aisés en France et en Belgique. Puis on a créé des zones de chantier, on a fait des marquages au sol et installé des faux panneaux de construction »
En parallèle, les « artivistes » ont créé un site internet, un compte Twitter, LinkedIn, une pétition et même un centre d’appel pour répondre au public « tout en parodiant l’argumentaire de Total ».
Le but de cette action : « Si le projet n’est pas acceptable en Europe, pourquoi le serait-il en Afrique ? »
« Beaucoup d’énergie pour rien ! »
Pierre Machéré, habite au centre-ville de Rouen. Il fait partie des destinataires de ce courrier : « j’ai trouvé que c’était un peu vague comme contenu même s’il y avait 4 termes juridiques dedans. Je trouvais ça étonnant de faire passer un pipeline rue du Gros Horloge ! J’ai tout de suite été voir sur internet et j’ai vu que le même groupe avait fait ça dans d’autres villes. »
Ce Rouennais dit ne pas comprendre ce mode opératoire et pense que ça peut générer de la peur « deux de mes voisins âgés de plus de 90 ans se sont affolés ». Il conclut en disant « que d’énergie dépensée pour quelque chose qui ne se passe pas en France et on ne sait pas ce que ça apportera en Afrique ! »
A Rouen, 200 courriers identiques ont été distribués. Le collectif « Les amis de la Terre » ont participé aux actions
« le principe du canular est assez peu connu en France mais il permet de faire le buzz très rapidement et d’amener une information assez massive et j’espère une conscientisation ensuite car on va avoir tout le décryptage du canular et l’aspect pédagogique ensuite. » explique Laura Thieblemont Militante "Les Amis de la Terre"
Elle précise que certains citoyens ont découvert le projet et étaient « sincèrement scandalisés et ont demandé comment se mobiliser ». Laura Thieblemont ajoute que « des élus de la majorité se sont insurgés contre l’aspect peu sérieux d’un canular. Pour eux, la forme étant plus importante que le fond ».
Sortir de l’aspect confidentiel
Les amis de la Terre ont publié deux rapports importants sur Total et sur EACOP avec ‘une sphère de conscientisation qui reste confidentielle » reconnait la militante. «
Le but, c’est d’élargir la sphère de connaissance de ce projet de manière à amener une véritable opposition. Il va y avoir l’assemblée générale de Total le 26 mai, plus on va être nombreux à dénoncer ce projet plus on pourra peut être apporter une renonciation.
Laura Thieblemont, Militante "Les Amis de la Terre"
Quel est le projet de Total en Ouganda et en Tanzanie ?
TotalEnergies projette de forer 426 puits de pétrole en Ouganda, et d’acheminer cet or noir par un oléoduc chauffé et enterré sur plus de 1 440 km. Il traversera la Tanzanie pour déboucher sur l’océan Indien où des tankers achemineront le pétrole vers le reste du monde.
La cellule investigation de Radio France a enquêté sur ce mégaprojet. Retrouvez ces conclusions en vidéo ci-dessous :