Nous avons pu constater, quelques jours avant sa repose officielle prévue le jeudi 28 juillet 2022, l’état de la statue de Napoléon après plusieurs mois de restauration. Plus aucune trace de calcaire ou de pollution, de nouveaux détails visibles : l’empereur et ses ornements sont resplendissants.
A notre arrivée à la fonderie Coubertin, à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines) , Napoléon et son cheval se cachent derrière un échafaudage. Pas de vision globale de la statue, nous sommes déçus. En fait, c’est une aubaine. Nous pouvons grimper sur la structure, nous approcher au plus près de la sculpture, et constater la magnificence de l’Empereur et de sa monture.
« On voyait des orbites toutes noires, on ne lisait plus le visage », nous explique Philippe Pagnon, à quelques centimètres de l’immense tête de Napoléon – une tête surdimensionnée par rapport au reste du corps, d’ailleurs. Le superviseur de la restauration parle avec emphase de cette œuvre réceptionnée dans les Ateliers Saint-Jacques à l’été 2020.
Lorsque leur travail commence réellement, après avoir mené différentes études, à l’été 2021, Philippe Pagnon et son équipe font face à un adversaire coriace : des croutes noires très épaisses, d’environ 1 demi-centimètre. Sur la tête par exemple, il a fallu « nettoyer », « faire des reprises en patine », puis mettre « un film protecteur ».
Après tout ce travail, « on peut voir que c’est très granuleux ». Le bronze, en effet, n’est plus lisse comme il pouvait l’être lors de l’installation de la statue, en 1865. « C’est l’action de la corrosion », explique Philippe Pagnon. En cause, l’atmosphère saline de la ville de Rouen, proche de la mer. Mais aussi la pollution liée à l’activité industrielle. « L’eau chargée de tous ces produits a coulé sur le visage de la statue et enlever de la matière » pendant plus de 150 ans.
Malgré cet aspect granuleux, l’évolution esthétique de la statue est fabuleuse. Pour preuve, ce montage « avant-après », ci-dessous. A gauche, le moment de la dépose de la statue en 2020. A droite, le visage après restauration.
Depuis un an, cette statue du sculpteur Gabriel Vital-Dubray a exigé beaucoup d’attention. Dans un premier temps, il a fallu évaluer les problèmes de structure. Quelques soucis de sécurité urgents ont dû être réglés, et notamment une fissure dans une patte du cheval. « On pouvait y passer la main », se souvient Philippe Pagnon. La statue était gorgée d’eau, la ferraille rouillait à l’intérieur.
Les rouennais vont "redécouvrir" la statue
Mais le travail ne s’arrêtait pas à la statue elle-même ! La sculpture de 5 mètres de haut (et plus de 7 tonnes) repose sur un socle qui mesure lui aussi 5 mètres. Les dernières étapes du processus concernaient les ornements de ce socle. Sur les cadres, les blasons, les décors, etc., de nouvelles croutes noires, qu’il a fallu retirer.
Le plus difficile a été d’enlever ces croutes sans endommager le bronze. « Sous la croute noire, on revient sur du métal à nu. On est donc obligé de refaire une oxydation pour harmoniser l’ensemble ». Une manipulation qui se fait au chalumeau.
Ce travail de restauration terminé, là encore, le résultat est prodigieux. Si dessous, un nouveau montage : avant (en haut) et après restauration (en bas).
« Ici vous avez Napoléon avec les notables de Rouen. Ça redonne une lecture à tous les détails de la sculpture. Les rouennais vont redécouvrir ces œuvres. Ils vont penser qu’il y a de nouvelles choses. Mais elles étaient là, elles étaient juste perturbées par la pollution et par le temps. »
Pour être tout à fait juste, il y aura bien de nouvelles choses: les équipes de Philippe Pagnon ont dû réaliser des reproductions de la légion d’honneur, car « il en manquait deux, qui avaient été volées».
La statue devrait être reposée le jeudi 28 juillet à partir de 7h du matin sur son socle, devant la mairie de Rouen. Un peu plus de 2 ans jour pour jour après sa dépose.
Deux années de restauration, mais aussi de polémique. Retirer la statue de son socle avait été perçu par certains comme une tentative de déboulonnage pilotée le maire de la ville, Nicolas Mayer-Rossignol, qui avait proposé de remplacer Napoléon par une figure féminine comme Gisèle Halimi.
Une concertation publique avait été organisée, lors de laquelle 68% des votants avaient indiqués être favorable au retour de l’empereur. Un débat qui n’a pas laissé Philippe Pagnon indifférent. Selon le restaurateur, même si ce que symbolise Napoléon peut déranger, cette statue « est quand même une œuvre, c’est une belle sculpture ». Elle n’a d’ailleurs pas été aussi belle depuis bien longtemps. Après cette cure de jouvence, aucun doute que les rouennais seront conquis par ce Napoléon rajeuni.