Une grande avancée vient d’être faite dans le traitement des lymphomes. Une étude mondiale, pilotée par le professeur Tilly du centre Becquerel de Rouen (Seine-Maritime), a découvert un nouveau traitement très prometteur.
Le professeur Hervé Tilly est un éminant hématologue du centre Henri Becquerel de Rouen. Pendant, plusieurs années, il a piloté une étude sur le traitement de certains lymphomes. Les résultats sont très encourageants et ont été publiés dans la prestigieuse revue The new England journal of medicine. L’article était intitulé « Polatuzumab Vedotin in previously untreated diffuse large B-Cell lymphoma ».
Les lymphomes sont des cancers de la lymphe et des ganglions. C’est la sixième incidence de cancers en France (après les cancers du sein, de la prostate, des poumons, etc.). En tout, à peu près 16 000 nouveaux patients sont touchés par cette maladie chaque année dans le pays. Il y a plusieurs types de lymphomes.
Le plus fréquent, c’est le lymphome B diffus à grandes cellules. C’est un lymphome agressif, qui représente 45 % des lymphomes environ et il est très évolutif. On peut en mourir si on n’est pas traité. C’est sur ce type de cancer que l’étude a porté.
Depuis 20 ans, il est traité avec de la chimiothérapie et l’administration d’un anticorps. Avec ce traitement les chances de guérison avoisinent les 65 %. Le traitement proposé dans l’étude du professeur Tilly a permis une diminution de 27% des rechutes et des décès. Ce nouveau médicament comporte un anticorps spécifique qui reconnaît les cellules du lymphome et qui est couplé : on lui attache une molécule de chimiothérapie, qu’il va aller amener spécifiquement vers la cellule cancéreuse, là où le traitement précédent touchait l’ensemble des cellules. Seule la cellule malade est traitée.
Notre journaliste est allée à la rencontre du professeur Tilly à Becquerel. Il lui a détaillé cet essai clinique :
« L’étude a été conduite de manière internationale : 23 pays y ont participé. Près de 900 patients ont été inclus dans cette étude. La France y a joué un rôle important car il existe dans notre pays le réseau LISA : un ensemble de médecins qui s’occupent du lymphome. En France, 45 hôpitaux dont le centre Henri Becquerel ont participé à cet essai. Ce réseau de patients est tout à fait unique dans le monde. »
Up to 40% of patients receiving the standard R-CHOP regimen for diffuse large B-cell lymphoma have refractory disease or relapse. A modified regimen might improve outcomes. New research findings are summarized in a short video. https://t.co/WZ0xuPhotS pic.twitter.com/cO0I6nOj95
— NEJM (@NEJM) January 29, 2022
En quoi consistait l’étude ?
« L’essai consistait à remplacer un des anciens traitements. Depuis 20 ans, il n’y avait aucun bénéfice dans le traitement du lymphome. Il était important de chercher un médicament qui puisse emmener un gain. Ce nouveau médicament va cibler spécifiquement les cellules du lymphome. Dans cette nouvelle combinaison, il était comparé au traitement ancien et on montre qu’il y a plus d’efficacité avec ce traitement et il n’y a pas plus de toxicité avec ce traitement ciblé. »
Ce traitement sera-t-il proposé bientôt aux malades en France ?
« On espère ! Il a encore des étapes à passer. Il faut prendre un peu de recul sur les données, il faut aussi que les agences voient le dossier et qu’on propose une possibilité de l’utiliser et de le rembourser. »
Quel a été le rôle des patients qui ont participé à ce protocole ?
« On remercie particulièrement les patients qui participent aux essais cliniques. Ce n’est pas évident car ce sont des traitements nouveaux avec des possibilités d’effets secondaires importants et dont on ne connait pas toujours l’efficacité. Dans cet essai, on tirait au sort deux traitements. Les patients ne savaient pas quel traitement ils avaient, moi je ne le savais pas non plus. Il faut remercier ces patients qui donnent un espoir pour eux mais aussi de manière très solidaire vis-à-vis des prochains patients. »
Une reconnaissance réciproque comme en témoigne cette malade dont les résultats d’examen sont aujourd’hui rassurants : « dans ma famille, on a toujours eu un problème médical. J’ai toujours donné mon sang, c’est d’ailleurs suite à un don de sang que mon cancer a été détecté. J’ai toujours voulu apporter à ma façon un remerciement à la médecine. C’est ma manière de remercier le monde médical. Je n’ai jamais hésité, j’ai dit oui tout de suite. » précise Annette, patiente suivie par le professeur Tilly.
Si ce nouveau traitement est validé par l’agence du médicament et le ministère, il faudra attendre au moins un an avant qu’il soit mis sur le marché. Si c’est le cas, ce traitement sera administré à tous les patients souffrant d’un lymphome B diffus à grandes cellules.