Bon pour le corps et l’esprit, la voile thérapeutique se pratique en Seine-Maritime. 400 personnes en situation de handicap lourd, pour la plupart résidents en établissements spécialisés, bénéficient du programme adapté du club de voile Saint-Aubin Elbeuf.

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Vent dans les cheveux, bercés par le clapotis des vagues délicates de la base nautique et de loisirs de Bédanne, cet après-midi de septembre, une trentaine de navigateurs en situation de handicap voguent à bord de First class 7.5, voiliers de compétition.

La plupart résident en établissements spécialisés, tel que des MAS (maisons d’accueil spécialisé), FAM (foyers d’accueil médicalisé), structures d’hébergement et de soins accueillant des adultes dont le handicap les empêche de réaliser seuls les actes de la vie quotidienne.

Ces personnes ont besoin d’une surveillance médicale et de soins constants et sortent peu de leur structure d’accueil.

Aptitudes sensorielles et sociales

Cette activité voile, cette sortie, a donc une saveur particulière. Au contact des éléments naturels, l’eau, le vent, leurs sens sont en éveil. Ils partagent le bateau avec d’autres bénéficiaires, de quoi développer des aptitudes sociales et découvrir l’autre.

« On n’a pas tous les mêmes besoins en termes de sensation donc il faut commencer tout doux et au fil de la séance ou pourra y aller un peu plus fort », explique Christian Maron, coordinateur éducatif et pédagogique à l’EEAP (établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés) Tony Larue, formé à la voile grâce au programme du club de voile Saint-Aubin Elbeuf.

Grâce aux sensations du bateau on arrive à avoir des réponses comme un sourire, un lever de tête, ça peut paraître pas grand chose mais ça leur fait beaucoup de bien car c’est un public très sédentarisé.

Walid Tiarci, responsable technique qualifié du club de voile Saint-Aubin Elbeuf

"Certains n’ont pas conscience d’eux-mêmes, ne peuvent pas verbaliser", poursuit Walid Tiarci, responsable technique qualifié du club de voile. 

Travail sur le corps et les repères dans l’espace

Le club possède six voiliers adaptés, ainsi qu’un bateau spécialement conçu avec des sièges coquilles, fixations pour fauteuils et moteur électrique. Une fois à bord, les enfants que Christian Maron encadre à l’EEAP, travaillent leurs muscles sans même s’en rendre compte.

« Sur leur fauteuil roulant, toutes les sensations sont diminuées alors que sur le bateau les mouvements sont là en permanence, donc il faut parfois s’appuyer sur la fesse droite ou sur la fesse gauche, développe l’éducateur Christian Maron. Le bateau va les amener à se pencher un petit peu en avant donc inconsciemment ils vont devoir se redresser. »

Ça facilite le contact et la relation avec l’adulte, ça demande de la persévérance, de la concentration, de l’observation parfois même aussi une espèce de concurrence avec le copain d’à côté.

Christian Maron, coordinateur éducatif et pédagogique à l’EEAP Tony Larue

La voile est particulièrement adaptée pour travailler sur l’hyper et l’hyposensibilité vestibulaires dont souffrent beaucoup de personnes avec TSA (trouble du spectre de l’autisme). « Certains vont avoir besoin de beaucoup bouger donc ça va être très difficile de les canaliser, surtout les enfants, et comme le bateau est tout le temps en mouvement, ça permet de les apaiser », analyse Walid Tiarci.

Plus calmes, « ils s’évadent moins dans des objets ou dans des stéréotypies (paroles ou gestes répétitifs sans signification apparente), ça facilite aussi le contact et la relation avec l’adulte », développe Christian Maron.

La voile permet également un travail de gestion des émotions. « Sur l’eau tout est décuplé et c’est très intéressant de travailler avec eux sur la peur, l’euphorie », complète Walid Tiarci.

Un besoin de sport adapté criant

Le club de voile Saint-Aubin Elbeuf a démarré son activité de voile thérapeutique il y a quinze ans à l’initiative Jean-Paul Réné, président du club. « On était un club sportif de haut niveau et j’avais envie qu’on partage notre passion avec un maximum de gens, se souvient-il. C’est quand même formidable de pouvoir apporter sa petite pierre dans la société où on vit. »

D’abord avec Christian Maron et les enfants de l’EEAP Tony Larue de Grand-Quevilly, puis avec d’autres.

Rien qu’en Seine-Maritime, au 31 décembre 2023, 27 673 personnes sont en situation de handicap avec un taux d’incapacité de 80% et plus, dont 2 267 jeunes, âgés de moins de 24 ans, selon les chiffres de la MDPH 76 (Maison départementale des personnes handicapées de la Seine-Maritime).

Près de 5 000 personnes supplémentaires en cinq ans. Le besoin de structures sportives permettant d’accueillir ces publics est criant.

La plupart des participants présents lors de cette sortie ne s’expriment pas par la parole, ou très peu mais ceux qui le peuvent ne boudent pas leur plaisir.

« C’est que du bonheur ! » sourit Samuel Berger, pour qui c’est une première. Glwadys Capron, elle aussi, découvre la voile pour la première fois et souhaite revenir, « on est bien ici », souffle-t-elle.

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Voile thérapeutique avec le club de voile Saint-Aubin Elbeuf ©Stéphanie Letournel et Emmanuelle Partouche. Montage Romuald Sevestre

50 sorties pour an pour 400 bénéficiaires

Aujourd’hui, une vingtaine de structures spécialisées voguent avec le club, avec plus de 400 résidents bénéficiaires, de 6 à 70 ans. Au total, le club citoyen, comme aime à l’appeler son président, organise une cinquantaine de sorties adaptées chaque année.

Jean-Paul Réné se réjouit de voir évoluer la pratique sportive des personnes en situation de handicap ces dernières années et surtout depuis cet été, grâce aux Jeux paralympiques. « On a vu tant de sourires et tant de partage, tant de fraternité, s’égaye-t-il. C’est notre petite motivation à nous, c’est ce qui nous fait avancer. »

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