Un chiffre décrit bien la révolution qui se déroule en ce moment dans les cabinets de médecins généralistes. Avant la crise du coronavirus, 60 téléconsultations se pratiquaient par semaine. Aujourd'hui, nous sommes passés, en Normandie, à 600 .... par jour. Qu'en pensent les médecins généralistes ?
Sa salle d'attente a été désertée. Mais dans son cabinet, Thierry Ozenne, médecin généraliste à Creully (Calvados), ne chôme pas. Il découvre à 61 ans la téléconsultation.
"Je fonctionne avec la plateforme Drakkar, proposée par l'URML* et ça marche très bien. Notamment pour le suivi des patients atteints du Covid-19. Ils sont très rassurés de nous voir, même virtuellement."
*l'URML : Union Régionale des Médecins Libéraux de Normandie
Depuis bientôt trois semaines, 2/3 de ses consultations se font via un écran d'ordinateur. Quand c'est nécessaire, il reçoit ses patients, qui présenteraient les symptômes du Covid 19, à part, dans un autre lieu.
" Pour éviter toute contamination entre patients, nous avons crée un centre spécial "covid" sur la commune de Creully, dans le cabinet des kinés, qui se trouve inoccupé pendant le confinement, ", précise Thierry Ozenne, également maire de la commune.
Les médecins font de la récup' pour s'équiper
Thierry Ozenne s'est équipé de surchaussures et "tenez, je viens de recevoir les masques FFP2 de l'ARS. Ils m'en ont envoyé 10 pour la semaine, alors qu'on doit normalement en changer toutes les quatre heures. On a aussi les masques chirurgicaux."A quelques kilomètres, à Epron, le docteur Stéphane Bâtard a dû bricoler pour s'équiper. Il utilise des masques FFP2 périmés de 2001, "mais ça va". Il a récupéré des surchaussures chez un patient, peintre en bâtiment.
Il a réussi à trouver "des gels hydroalcooliques que mon fabriquant a fait faire dans une entreprise de spiritueux, ça ressemble à des bouteilles de vin, s'amuse-t-il avant d'ajouter "on aurait aimé ne pas avoir à gérer cet aspect logistique."
Téléconsultation : les avantages et les inconvénients
La téléconsultation répond bien aux besoins actuels, reconnaît Stéphane Bâtard. Cela permet de mieux respecter le confinement pour les patients. Il cale toujours une séance de téléconsultation entre deux auscultations physiques pour bien désinfecter le cabinet. "Donc oui, c'est pas mal, dit il, mais c'est ce que j'appelle une consultation dégradée".On ne capte pas du tout les mêmes expressions qu'une véritable consultation. Et puis surtout, je ne peux pas palper un ventre, regarder le fond d'une gorge. On perd en qualité.
En cas de doute, Stéphane Bâtard se rend chez le patient ou le fait venir au cabinet pour poser son diagnostic et il admet que "le confinement a eu une vertu, c'est d'arrêter toutes les autres épidémies. On a une amplitude horaire toujours aussi large car on passe beaucoup de temps à expliquer le Covid. C'est LE thème qui accapare les téléconsultations mais le nombre de patient a quand même baissé.
Si ça reste compliqué de faire la différence entre une grippe ou le Covid 19, les médecins généralistes peuvent néanmoins vite repérer les détresses respiratoires en téléconsultation. Il suffit de faire parler une personne assez vite pour voir si le souffle est normal ou non.
Stéphane Bâtard, médecin à Epron
Heureusement, nous avons beaucoup de patients Covid, qui vont bien.
Dans son cabinet, à Caen, Valérie Mauger-Frémont pratique aussi beaucoup la téléconsultation. Quand elle voyait encore ses patients, elle aussi avait dû se débrouiller avec les moyens du bord.
"J'ai ressorti la surblouse de mon cher père, ancien radiologue, pour me protéger", dit-elle. D'ailleurs, c'est plus rassurant, pour ce médecin et ses patients, de se voir pour le moment par écran interposé.
Cela lui permet, notamment, de suivre régulièrement des malades, qui ont contracté le coronavirus. A travers de simples questions "Comment vous sentez-vous ?" "Comment se passe votre traitement ?", elle peut ainsi s'assurer que le patient ne présente pas de complications.
Les médecins généralistes jouent ainsi les sentinelles et travaillent main dans la main avec leurs collègues hospitaliers, pour faire tampon et éviter de surcharger les services d'urgences. D'ailleurs, cet après-midi, Valérie Mauger-Frémont a quitté son cabinet du centre-ville pour se rendre au samu où elle fait de la régulation jusqu'à ce soir.