Pendant longtemps, les sourds, isolés ont dû se contenter d’une gestuelle simpliste ; de ce fait, ne disposant pas d’une langue élaborée, ils passaient parfois pour fous. C’est dans les familles de sourds qu’ont pu s’élaborer les premiers fondements de la LSF
Histoire:Les entendants associent automatiquement le langage à l'oral. Le terme même de langue en est révélateur. Aristote exprimait cela très clairement, en disant que quelqu'un qui ne parle pas ne peut pas penser.
L'Abbé de l'Épée est sans doute la figure historique la plus connue de la population sourde. Cet entendant est à l’origine de l’enseignement spécialisé dispensé aux jeunes sourds, ainsi que l’accès à des méthodes gestuelles pour mener à bien cette éducation.
Dès le milieu du 18e siècle, le courant de la pédagogie pour malentendants a donné naissance à deux méthodes très distinctes : la méthode française, basée sur l’écriture et les signes, et la méthode allemande, basée exclusivement sur l’usage de la langue parlée, et qui exigeait de savoir lire sur les lèvres. Cette méthode, qui avait pour but l’intégration totale des sourds dans le monde des entendants, avait toutefois le désavantage de privilégier une parfaite articulation plutôt que le sens réel du mot.
Ces deux méthodes, très différentes l’une de l’autre, sont à l’origine d’un conflit qui a fait l’objet du Congrès de Milan en 1880.
Lors de ce Congrès, les participants (tous entendants) ont conclu que seule la méthode orale (méthode allemande) serait maintenue dans les écoles pour sourds et malentendants, partout en Europe. Au terme de ce congrès, de nombreux pays européens interdirent la langue des signes. Seuls les Etats-Unis d’Amérique ont refusé d’approuver cette décision. Du coup l'Europe a pris beaucoup de retard pour l'enseignement de la langue des signes et il a fallu attendre les années 1970 pour que certaines associations militantes se mettent à défendre la LSF comme langue à part entière (mouvement appelé "le réveil sourd"). En 2005, une loi la reconnaît officiellement comme langue à part entière.
Grammaire:
La langue des signes n'a pas du tout la même construction qu'une langue parlée. Il s'agit d'une langue complète, comportant un lexique et une grammaire bien spécifique. Elle permet également d'exprimer toutes sortes d'idées, allant du concret à l'abstrait.
C'est ce qu'explique dans ce numéro de "Décryptage" Stéphanie Jacob, Maître de conférence en LSF à l'Université de Poitiers.