Bob Maloubier, saboteur au service de Churchill et aventurier

Saboteur au service de Churchill pendant la guerre, parachuté en France à deux reprises, notamment dans le Limousin au lendemain du débarquement du 6 juin 1944, père des nageurs de combat français : Robert, dit "Bob", Maloubier, mort lundi à 92 ans, a traversé le XXe siècle comme un aventurier.

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Bob Maloubier a été décoré en juin 2014 par la reine d'Angleterre à Paris. Il a été distingué dans l'ordre de l'Empire britannique par Elizabeth II, à l'occasion de la visite d'Etat de la souveraine en France pour le 70e anniversaire du Débarquement.
Il disait alors se souvenir d'elle, habillée en scout sur les ruines à Londres, en 1943: "J'étais dans le quartier de Kensington. Il y avait eu des bombardements, et avec la famille royale et Winston Churchill, elle disait quelques mots de réconfort aux familles".

Moustache blanche façon major des Indes, oeil pétillant, Bob Maloubier était l'un des derniers survivants de la section française du Special Operations Executive (SOE), créé par Winston Churchill en juillet 1940 pour saboter et désorganiser les armées allemandes dans l'Europe occupée.

Fils de bonne famille, né à Neuilly-sur-Seine le 2 février 1923, Bob Maloubier s'engage dans le SOE à 19 ans, recruté à Alger par les Britanniques alors qu'il cherche à gagner Londres.
Parachuté en France à deux reprises, notamment dans le Limousin au lendemain du débarquement du 6 juin 1944, Bob Maloubier multiplie les sabotages mais est blessé deux fois.

Il quitte l'armée britannique avec le grade de capitaine et la prestigieuse décoration DSO (Distinguished Service Order), "reçue des mains de George VI", précise-t-il.
Une décoration accordée seulement à une soixantaine de Français pendant la guerre. Bob Maloubier était l'un des derniers à pouvoir porter sur sa carte de visite les initiales DSO après son nom.

Vieil espion dans un film de Godard

"La guerre pour moi, c'était les plus belles années de ma vie, simplement parce que j'en suis sorti vivant", assurait-il.
Après la guerre, il entre à 22 ans dans les services français pour dix ans. Au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE, devenu Direction générale des services extérieurs, DGSE), Bob Maloubier participe à la création du service action, et fonde en 1952 avec Claude Riffaud l'unité des nageurs de combat.

Les deux hommes dessinent même leur montre de plongée. Blancpain, une maison suisse d'horlogerie réputée, sort en 1953 le premier modèle de la "Fifty Fathoms" (50 brasses, soit 91 mètres, la profondeur à laquelle elle doit encore fonctionner).
Cette montre, devenue mythique, sera adoptée par les Navy Seals, les plongeurs de combat américains.

Forestier au Gabon, il rencontre le médecin Albert Schweitzer (prix Nobel de la paix en 1952), devient pétrolier chez Shell, met sur pied la garde personnelle du président gabonais Léon Mba en 1965, sous l'égide de Jacques Foccart, le responsable des affaires africaines de la France sous plusieurs présidents. En 1967, il est en poste pour Shell à Lagos lorsqu'éclate la guerre du Biafra.

Depuis sa retraite - un mot qu'il abhorrait - à 63 ans, il s'était lancé dans une carrière d'écrivain, racontant sa vie de saboteur et d'agent secret.
Dans "Les Secrets du Jour J", il raconte les subterfuges imaginés par les Britanniques pour faire croire aux Allemands que le Débarquement aurait lieu dans le Pas-de Calais et non en Normandie.

L'aventurier, qui a campé un vieil espion dans "Film Socialisme" de Jean-Luc Godard, sorti en 2010, a publié peu avant son décès un dernier ouvrage sur le lieutenant-colonel Sir Claude Edward Marjoribanks Dansey. Ce "numéro 2 de l'Intelligence service, très peu connu, a eu une existence fabuleuse", estimait-il quelques mois plus tôt, glissant avec malice: "la mienne à côté, c'est une vie de moine!".

Le ministère de la Défense vient lui aussi de rendre hommage au plus célèbre des agents secrets français.
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