Aéroport : les vols Bordeaux/Orly ont du plomb dans l’aile

Les liaisons aériennes intérieures ont vocation à disparaître progressivement dès lors que le train offre une alternative. Le secrétaire d’Etat aux transports l’a confirmé ce mardi matin 12 mai sur France Inter. Un coup dur pour l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. 

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560 000 passagers empruntent chaque année la navette Air France entre Bordeaux-Mérignac et Paris-Orly.
C’est la deuxième ligne la plus fréquentée sur la plateforme girondine. Juste derrière les liaisons avec Roissy-Charles de Gaulle, l’autre aéroport francilien.

C‘est une ligne très structurante. Sa suppression ne serait pas sans conséquence sur le développement de l’aéroport. L’impact économique serait très lourd.
Pascal Personne, directeur de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac.

Le Hall B de l'aéroport de Bordeaux Mérignac a arrêté toute exploitation depuis mardi 17 mars. © Iban Carpentier, France 3 Aquitaine

Il faut dire que la menace se précise. Ce matin encore sur France Inter, Jean-Baptiste Djebari, secrétaire d’Etat aux Transports, l’a confirmé : 

L’idée, c’est de supprimer petit à petit les vols (…) pour lesquels on a un substitut ferroviaire. Faire Paris/Bordeaux en 2 h 04, aujourd’hui, on comprend bien que le train est une belle alternative. C’est vrai aussi à Rennes, ou à Nantes. 


La semaine précédente, Bruno Lemaire, ministre de l'Économie et des Finances avait déjà exprimé cette volonté gouvernementale.

Nous voulons une économie décarbonée(…) cela fait partie du contrat qui a été conclu entre Air France et l’État quand nous avons apporté notre soutien financier. La condition, c’est qu'Air France devienne la compagnie aérienne la plus respectueuse de l’environnement de la planète...

Oui, ça passe par des suppressions de lignes intérieures. Mais très franchement, quand on peut faire le trajet en train en moins de 2 h 30, l’avion ne se justifie pas. Ça ne doit pas être une mesure transitoire, mais une mesure définitive.

Quant aux risques que d’autres compagnies s’engouffrent dans la brèche, Jean-Baptiste Djebari s’est voulu rassurant :

La régulation, c’est évidement la clef. Il est hors de question que, si Air France cesse son activité, nous ayons des compagnies low-cost qui viennent promettre des subventions pour opérer ces lignes. Donc, nous aurons des moyens très simples pour ne pas redistribuer ces créneaux à d’autres compagnies aériennes et nous le ferons évidemment.

 
© F3 PC

Depuis sa mise en service, le 2 juillet 2017, la LGV Paris/Bordeaux fait de l’ombre à la navette Air France… Les liaisons aériennes entre Bordeaux- Mérignac et Paris Orly sont passées d’une fréquence de 14 allers/retours par jour en 2017 à 10 seulement, début 2020. Mais pour Pascal Personne, le patron de l'aéroport, la navette a démontré son utilité :  

C’est une ligne importante pour le secteur aéronautique. Les industriels ont un intérêt géographique à atterrir à Orly.

Conséquences économiques


Et la fronde s’organise tant du côté des industriels que des élus locaux. 
Une lettre cosignée par les Présidents de la Région Nouvelle-Aquitaine, de Bordeaux Métropole et de la chambre de commerce et d’industrie de la Gironde devrait être très prochainement adressée au Premier ministre Edouard Philippe.
À l’origine de ce courrier : le maire socialiste de Mérignac, Alain Anziani : 

La navette Bordeaux/Paris n’est pas utilisée par des touristes, mais par un des plus grands bassins aéronautiques de France. 

Il faut plus d’une heure avec les bouchons pour aller de Mérignac à la Gare Saint-Jean. Et encore une heure, avec des taxis, des voitures pour aller de la Gare Montparnasse aux sièges de ces industriels au sud, à l’est ou à l’ouest de Paris. C’est mettre en difficulté la filière aéronautique pour un très faible gain en terme d’émission de C02 ! 


Car pour l’élu girondin, la suppression de la navette avec Orly pourrait avoir de lourdes conséquences sur la filière aéronautique et ses 36 000 emplois dans l’agglomération bordelaise.

On va perdre de l’attractivité. Les industriels iront s’installer à Toulouse ou à Montpellier. Le groupe Dassault projette de transférer ses bureaux d’étude de Saint-Cloud (92) à Mérignac (33). Il pourrait remettre ce déménagement en question si ses collaborateurs ne peuvent plus faire Bordeaux/Saint-Cloud dans la journée.
Alain Anziani - maire de Mérignac -

Des industriels vent debout 


Contactée, la direction de Dassault Aviation n’était pas disponible aujourd'hui pour répondre à ces questions.

Mais les industriels se mobilisent par le biais du BAAS (Bordeaux Aquitaine Aéronautique et Spatial). Cette association regroupe les grands établissement industriels civils et militaires de l'agglomération bordelaise. Elle entend peser de tout son poids pour sauver la navette Air France entre Bordeaux et Orly.

Les industriels aéronautiques sont vent debout contre la brutalité de cette prise de position, déclare le délégué général du BAAS, Alexandre Le Camus. Cela porte atteinte à l’attractivité et à l’image aéronautique de la métropole.


Si Dassault, Latécoère, Thales, la SNECMA et tant d’autres industriels se sont implantés aux abords de l’aéroport, c’est en tenant compte notamment des liaisons aériennes avec la capitale.
La disparition de liaisons quotidiennes et régulière avec Orly poserait, selon le BASS, "des inconvénients opérationnels majeurs". 
Livraison du premier Rafale à l'Inde chez Dassault Aviation à Mérignac © F3 Nouvelle Aquitaine

Le Président du BAAS, Gilles Fonblanc, vient d’adresser un courrier aux élus locaux pour s’opposer à la fermeture de la navette. Une lettre qu’il ne souhaite pas commenter publiquement avant que les élus aient pu en prendre connaissance et y répondre. 

S’il comprend l’exigence écologique et l’urgence environnementale, le maire socialiste de Mérignac refuse l’idée de voir disparaître les navettes quotidiennes d’Air France avec la capitale 

C’est une mauvaise réponse à une bonne question. La bonne question, c’est, comment rendre la filière aéronautique et l’aéroport plus verts ? Et on y travaille avec la région et la métropole.
Alain Anziani - maire de Mérignac -


Parmi les pistes évoquées pour réduire l’empreinte écologique de l’aéroport : l’interdiction des vols de nuit, pratiqués notamment par les compagnies low-cost. 
Des compagnies - Ryan Air, Easy Jet, ou Volotéa - qui ont grandement contribué à l’essor économique de l’aéroport girondin. Bordeaux-Mérignac connaît depuis plusieurs années un taux de croissance à deux chiffres. Il a atteint en 2019 le nombre record de 7,8 Millions de passagers.

Un nombre qui, avec la crise du Coronavirus, ne sera pas égalé en 2020, quel que soit le sort réservé à la navette Air France. 
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