La cour d'assises de Paris a rendu son verdict après deux semaines de procès. Malgré les auditions de plusieurs ministres, les familles des neuf militaires tués dans le raid de 2004 et les 38 blessés n'ont pas obtenu toutes les réponses à leurs interrogations.
Le verdict est tombé ce jeudi 15 avril à Paris dans l'affaire du bombardement de Bouaké. La cour d'assises spéciale a condamné les trois accusés, jugés en leur absence, à la réclusion criminelle à perpétuité pour assassinats et tentatives d'assassinats.
Cette peine est conforme aux réquisitions de l'avocat général qui avait demandé la peine maximale pour le pilote biélorusse et les deux officiers ivoiriens, jugés pour avoir mené, le 6 novembre 2004, un bombardement contre un camp militaire français en Côte d’Ivoire. Le raid avait causé la mort de dix personnes, dont neuf militaires de Poitiers et Angoulême, et fait trente-huit blessés.
"Ce qui justifie cette peine maximale, c’est (..) montrer qu’on n'assassine pas impunément nos soldats quand ils sont là pour une mission de paix" a plaidé le magistrat, regrettant dans son réquisitoire l'absence d'excuses au cours du procès.
L’erreur, la négligence, la légèreté n’ont pas donné lieu à des excuses, qui n’auraient rien changé sur le plan pénal, mais qui sur le plan de la confiance - ébréchée -, aurait sans doute changé beaucoup de choses.
"Il n’est pas concevable que, pour quelque raison que ce soit, la France porte la main sur ses propres soldats" a-t-il conclu, pointant également la "faible" probabilité" que "jamais (les trois accusés) soient arrêtés."
"Ce ne sera jamais terminé"
Sans attendre le verdict, nombre de parties civiles, présentes tout au long des quinze jours de procès, n'ont pas caché leur déception. Pourquoi le bombardement a-t-il eu lieu ? Qui l'a commandité ? Pourquoi les responsables n'ont-ils jamais été livrés à la France ? Aucune de leurs interrogations n'a trouvé de réponse.
"Nous cherchons toujours les responsables, les donneurs d’ordre, et les accusés sont absents" a regretté Jean-Paul Roko. Rescapé de l'attaque, cet ancien du RICM se dit certes soulagé d'avoir eu la possibilité "de parler, de s’exprimer, de fondre en larmes devant la cour, d’essayer de dire nos ressentis, et cela n’a pas été facile". Il le reconnait : "le procès est terminé, mais pour nous, ce ne sera jamais terminé."
Le sentiment d'avoir été entendu, écouté est aussi une forme de soulagement pour Thierry Jardry. Ce militaire du RICM, blessé lors du bombardement, dit se sentir "mieux" mais il assure qu'il ne tournera jamais la page Bouaké. "Moi, je suis toujours avec ma canne, je prends toujours des cachets, jour et nuit. La page restera ouverte, mais malgré tout moins pesante."
Un verdict donc mais pas de réponse, pas même après les auditions, pourtant très attendues, des ministres de l'époque. Michel Barnier, Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, respectivement aux Affaires étrangères, à Matignon et à l'Intérieur, ont renvoyé sur l'Elysée et l'Armée la responsabilité des décisions françaises. Le témoignage de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, n'a pas davantage permis de les éclairer.
De quoi susciter un sentiment de colère chez Maxence Capdeville. Son père a perdu la vie dans le bombardement "Les ministres qui sont venus devant la cour se sont tous pointés du doigt, ils se sont tous rejetés la faute. Et je pense que personne ne sera vraiment inquiété au niveau du gouvernement."
On aurait aimé que les auteurs de ces assassinats soient arrêtés, soient devant nous. A la place on a eu un box vide, on a jugé trois courants d’air.
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Dernier jour du procès du bombardement de #Bouaké en Côte d’Ivoire en 2004 devant les assises de Paris. Trois accusés absents, poursuivis pour l’assassinat de 10 personnes (dt 9 militaires français). L’attaque aérienne a également blessé 38 personnes. @F3PoitouChtes pic.twitter.com/pTt9izw7YO
— Antoine Morel (@F3AntoineMorel) April 15, 2021