Le boom des stands de tir

Le nombre d'inscrits dans les clubs de tir du Poitou-Charentes a augmenté de 9% entre 2015 et 2016 pour atteindre les 5200 licenciés. Effet des Jeux Olympiques ou révélateur du climat de psychose post-attentat ? Nous avons mené l'enquête.

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Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait pas vu autant de gens dans les stands de tir. Entre 2015 et 2016, le nombre d’inscrits dans les clubs a bondi de 9% en Poitou-Charentes, une tendance conforme aux chiffres au niveau national. Leur nombre, en augmentation de 40% depuis 2011, a atteint les 200 000 licenciés sur l’ensemble du territoire.

La fédération n’avait pas connu une telle progression du nombre de licenciés depuis 2013, juste après les Jeux Olympiques de Londres, où la France avait raflé deux médailles.

"Depuis quelques années, les clubs font beaucoup plus d’effort pour faire connaître notre sport", avance Guy Schletus, la tête des 52 sociétés de tirs du Poitou-Charentes, pour expliquer cet engouement. "Nous pratiquons également des tarifs très attractifs. La cotisation annuelle coûte entre 60 et 80 euros."

Une réglementation taillée pour "décourager les cow-boys"

Dans un récent reportage, l’émission Quotidien de Yann Bathès n’hésite pas à faire le parallèle entre la soudaine affection pour ce sport méconnu et les attentats qui ont frappé la France en 2015. Ces Français qui s’arment espèrent-ils apprendre à se défendre en cas d’attaque ?

"Ça n’a pas grand-chose à voir", commente le président de la ligue régionale, Guy Schletus. "En France, la loi en matière d’armes à feu est faite pour décourager les cow-boys. Vous ne pouvez pas débarquer dans un club et tirer avec un 357 Magnum. Tout le monde commence par les pistolets à plomb."

"La réglementation compte parmi les plus strictes d’Europe", observe en effet Maître Laurent-Franck Lienard, spécialiste du droit des armes. Pour se procurer une arme de catégorie B, comme un Glock 9 mm, les tireurs doivent se soumettre à une longue procédure.

Première étape : être inscrit dans un club de tir depuis six mois. Un carnet de tir est remis au sportif, avec l'obligation de procéder chaque année à trois tirs contrôlés par un arbitre pour vérifier la maîtrise de l'arme. Deuxième étape, obtenir l’avis préalable de son président de club, un document indispensable pour la suite de la procédure. L’épais dossier à présenter en préfecture doit comporter un extrait de casier judiciaire vierge et un document attestant que le demandeur n'a pas été hospitalisé en service de psychiatrie sans son consentement. A cela suit une enquête de trois à quatre mois avant que l’acheteur ne puisse pousser la porte de l’armurerie.

Beaucoup abandonnent avant même d’envoyer leur dossier"On a un véritable droit de regard puisque c’est nous qui délivrons l’avis préalable. Mais vous avez beau demandé tout ce qu’il faut, on ne sait jamais comment va tourner la personne", admet Michel Maillet, président du club de tir de Smarves (Vienne). "Un de mes collègues de Nantes a appris à tirer à Xavier Dupont de Ligonnès [qui a tué de sang-froid sa femme et ses quatre enfants en 2011]. Il n’aurait jamais imaginé que cela pourrait arriver. Dupont de Ligonnès est simplement venu le voir un jour en lui demandant si on pouvait installer un silencieux sur son pistolet."

Ces Français tentés par les armes

"Notre sport est sensible alors que nous ne sommes pas dangereux", s’agace le directeur du club de Smarves. Le ministère de l’Intérieur vient de renforcer les contrôles pour les stands de tir sportifs. "On ne peut pas dissocier cette volonté de l’Etat et le climat actuel", convient Guy Schletus. Quantité de munitions limitée et réseau de distribution extrêmement contrôlé, l’adhésion à un club de tir ne serait pas l’idéal pour se procurer une arme, selon le président de la ligue du Poitou-Charentes : "Ceux qui veulent s’armer passent pas le marché parallèle."

"Une part des tireurs acquiert la licence afin de pouvoir détenir légalement une arme chez soi", affirme dans un article du Point Yves Gollety, qui préside la Chambre syndicale des armuriers. "Depuis Charlie Hebdo, les gens s'inquiètent. Les armuriers reçoivent beaucoup d'appels de personnes qui veulent savoir quelles armes ils peuvent se procurer."

"Beaucoup de personnes tentent d’obtenir une licence pour se défendre", témoigne Amandine Fort, qui tient une armurerie à Châteaubernard (Charente). "Mais il suffit d’un permis de chasse pour s’acheter une carabine 22 Long Rifle ou un fusil de chasse." Même sentiment chez cet armurier de Rochefort : "La population de chasseurs baisse d’année en année et pourtant on vend toujours autant de fusils. Les gens se sentent de moins en moins en sécurité, même dans les campagnes."

La bombe lacrymogène dans le cartable

Bon nombre de commerçants de la région cherchent désormais à obtenir l’autorisation nécessaire à la vente d’armes de catégorie B : "Nous avons beaucoup de demandes de la part des tireurs sportifs", témoigne l’armurière de Châteaubernard. Cette tendance, qui ne cesse de s’affirmer depuis deux ans, aurait également pour cause l’évolution de la réglementation : en 2013, les tireurs sportifs ont obtenu l’autorisation d’acheter 12 armes de poing contre 7 précédemment.

Mais la progression des ventes chez les armuriers concerne surtout les armes non létales d'autodéfense, accessibles à tous les particuliers. A chaque rentrée scolaire, Amandine Fort et son mari écoulent d’importantes quantités de bombes lacrymogènes : "Les parents prennent peur quand leurs enfants partent étudier en ville."

Malgré la progression du nombre de tireurs sportifs et des ventes d’armes à feu, pour l’avocat spécialiste de la question, Me Laurent-Franck Lienard, le rapport entre les Français et les armes n’est pas près d’évoluer : "La France n'a pas l'état d'esprit adapté ni la culture. Les attentats ne changent pas la donne."
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