"Cagnat, le dessin sinon rien" : à la découverte des milliers de dessins de presse de ce génie du portrait

durée de la vidéo : 00h02mn59s
Cagnat trie ses dessins pour sélectionner ceux qu'il donnera à la Bibliothèque Nationale de France
Extrait documentaire Cagnat ©FTV

Jean-Pierre Cagnat est une figure majeure du dessin de presse. Génie du portrait, il a collaboré, entre autres, au Canard Enchaîné, au Monde ou à L'Evènement du jeudi. Quand la Bibliothèque Nationale de France lui propose de déposer 3 à 4 000 dessins se pose alors une question aigue : lesquels ? Un tri s'impose, celui du travail d'une vie et il se fera sous le regard curieux et patient de sa fille Alice, réalisatrice de ce documentaire.

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Un crayon à la main et un cigare aux lèvres. Un calepin jamais bien loin. Jean-Pierre Cagnat est un des dessinateurs de presse et illustrateurs le plus talentueux de son temps. Il collabore notamment au sein du goupe Le Monde pendant plus de trente-cinq ans. Généreux et iconoclaste, ses fameux portraits dépassent les cases réservées et bousculent les maquettes des journaux.

Ingénieux, il invente un procédé au moment du procès de Klaus Barbie en 1987. Engagé par la télévision et non par un journal, il dessine les protagonistes au feutre sur du papier calque. Le résultat est saisissant. Avec Cagnat, les Français rentrent dans la salle d'audience du procès du Boucher de Lyon.

A l'approche de la retraite, son activité ralentit. Et sa prodigieuse productivité s'arrête brusquement en 2015, après l'assassinat d'une grande partie de la rédaction de Charlie Hebdo. Cabu était son ami, un ami cher, et il a posé son stylo, tétanisé, pendant dix jours. 

Quand, en 2018, la Bibliothèque Nationale de France (BNF) l'approche pour collecter 3 à 4 000 dessins et leur offrir ainsi une sorte de postérité, il replonge dans son oeuvre. 

Quels dessins sélectionnés sur les 17 000 qu'il a en stock ? Lequel ira à la BN, lequel ira à la benne ?

Commence alors un tri qui durera six ans. Une sélection qui se fait sous les yeux et devant la caméra de sa fille Alice, qui réalise à cette occasion son premier film. L'oeuvre de la vie du père et les débuts de carrière de la fille.

A la B.N ou à la benne ?

Rangée, classée dans la maison familiale ou son appartement, son oeuvre est colossale.

Alice raconte : "La masse était terrifiante. On s'est dit qu'on n'allait pas y arriver. C'était vertigineux. Mon père est ordonné : les dessins étaient classés mais son oeuvre est protéiforme, entre les croquis, les dessins de presse, les illustations... Difficile d'y trouver un fil rouge. On s'est même retrouvé parfois à faire le tri du tri. Cela semblait sans fin."

Trouver une pertinence, une cohérence pour couvrir l'ensemble de l'oeuvre en respectant les critères imposés par la BNF, n'a pas été une mince affaire. En six ans, il y a eu des moments d'efficacité, d'autres de découragement. Le tout agrémenté de pauses. "Parfois, continue Alice, mon père n'avait plus envie de s'atteler au tri. Il avait trop chaud ou il avait trop froid.. "

Cela le replongeait dans des moments heureux, d'autres moins. Mais, au final, il fallait que cela prenne du temps pour être bien fait

Alice Cagnat

Un temps long qui a permis au duo père-fille de faire plus ample connaissance

Crayon et caméra : le tandem père-fille

Alice confie qu'elle a toujours su qu'elle mettrait un jour son nez dans l'oeuvre de son père. Une intuition sans concrétisation précise. Et ce sera un film.

"Lorsque j'étais étudiante en Master 2 Etudes de cinéma et audiovisuel à Paris VII, on nous a demandé sur quel membre de notre famille on aimerait faire un film. J'ai répondu du tac au tac : mon père ! C'est comme si le film était en gestation et que la proposition de la BNF avait été l'élément déclencheur. C'est moi qui lui ai proposé de faire un film sur le tri de son oeuvre, la demande n'émane pas de lui. En revanche, je pense qu'il aurait refusé que quelqu'un d'autre que moi ne le fasse."

Une proximité unique mais pas toujours de tout repos.

"Il m'a donné du fil à retordre, poursuit Alice mais j'ai pu saisir des choses sur lui. Il aime ce qu'il fait et c'est un être solitaire. Le dessin lui permet d'être en face à face avec lui-même. "

On a pu échanger quelques confidences pendant le tournage et essuyer quelques tempêtes !

Alice Cagnat

Mais, au bout de six ans, la sélection est faite.

Mission accomplie. Et maintenant ?

"Il était soulagé, explique Alice. Ses dessins vont être bien traités et bien conservés. Alexandre Devaux, chargé de collection à la BNF, a une vraie passion pour le dessin de presse : les dessins lui ont été confiés en toute confiance. Ils seront consultables et resteront les témoins de l'actualité d'une époque."

Reste une question mathématique d'importance : que vont devenir les dessins non retenus ? Il en reste plus de 10 000 ! La réponse revient à Cagnat. Certains, plus intimes, ont été ditribués à la famille proche. Il se montre réticent à l'idée de les vendre : en faire don correspond plus à son état d'esprit. La BNF pourrait peut-être en accepter une deuxième vague.. Affaire à suivre.

Pour Alice en revanche, la fin du film a correspondu à une période compliquée.  "Lâcher un tel projet au bout de six ans est étrange. J'ai eu un passage à vide, un manque d'inspiration. Rien que de très normal finalement. Je me suis beaucoup interrogée sur le besoin de réaliser un film : quel est son but, qu'est-ce qui nous pousse ?. Même si je ne préjuge pas de la suite, je ne veux pas être une réalisatrice en position de simple observante. Avec mon père, j'ai eu la chance de participer au tri, j'ai été active. J'ai pu faire des propositions, rentrer dans l'histoire sans influencer la réalité du personnage. J'ai besoin de ressentir que ce que je fais est utile et a un sens." 

La (re)découverte des dessins de Cagnat, mêlée à la relation père-fille, rend le documenatire Cagnat, le dessin sinon rien particulièrement attachant.

Il est visible sur france.tv dans la collection des documentaires de France 3 Nouvelle-Aquitaine. 

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