C'est un phénomène récurrent. Tous les hivers, des cadavres de dauphins sont retrouvés sur les plages de la façade atlantique. En cause notamment : la pêche industrielle, selon l'observatoire PELAGIS de La Rochelle.
Au moins neuf dauphins communs ont été retrouvés échoués sur l’Île de Ré en deux jours. Depuis le week-end dernier, les cadavres sont retrouvés ci et là. Ce 12 janvier 2023, le corps de trois cétacés ont été découverts sur les plages d’Ars-en-Ré. Dents cassées, traces de coupures sur la peau, nageoires sectionnées… Tout laisse à penser que les dauphins ont été pris dans des filets de pêcheurs industriels.
Un poids pour les communes
"Il y a des stries sur le corps des dauphins, souligne Bruno Blaze, adjoint à la mairie d’Ars-en-Ré. Il y a quand même une grosse suspicion que ça vienne d’une pêche industrielle trop intensive." L’élu constate un phénomène récurrent. Sur les 200 à 300 m de côte que compte Ars-en-Ré, une dizaine de dauphins a été retrouvé, il y a deux ans. "Pour une commune, ce n'est pas anodin, il y a des répercussions financières. Lorsqu’on ramasse une dizaine de dauphins sur une commune, c’est l’équivalent d’une très belle subvention pour une association, par exemple", déplore-t-il.
Mais la commune d’Ars-en-Ré n’est pas isolée. Le 11 janvier 2023, deux dauphins communs et un marsouin ont été découverts à Saint-Clément-des-Baleines. Plus au nord, en Vendée, c’est une dizaine de dauphins qui ont été retrouvés échoués en une semaine. À l’Observatoire PELAGIS de La Rochelle, qui observe, analyse et collecte les données afin de préserver les oiseaux et les mammifères marins, ce genre de découverte ne surprend plus vraiment.
"80 % des dauphins communs morts de la pêche"
"Depuis 2016, on a des pics d’échouage de dauphins sur la façade atlantique, notamment en Charente-Maritime et en Vendée. Ce sont surtout des dauphins communs, l’espèce majoritaire dans le golfe de Gascogne, mais qui est aussi l’espèce la plus touchée par les interactions avec les engins de pêche", relève Éléonore Meheust, ingénieure d’études en charge des échouages et des suivis en mer à PELAGIS.
Une fois échoués, les dauphins peuvent être examinés par les équipes vétérinaires de PELAGIS, selon l’état du corps. Des examens externes sont effectués, mais également des nécropsies vétérinaires. "Tous les différents niveaux d’examen sur le dauphin communs montrent qu’environ 80 % de ces animaux sont morts des suites de captures dans des engins de pêche", assure Éléonore Meheust. Les autres meurent de mort naturelle, des suites de maladies ou de rencontres qui se sont mal passées avec une espèce différente.
Si certains dauphins s’échouent sur les plages en se faisant piéger par la marée, très peu succombent finalement. "La plupart des animaux qui s’échouent vivant, on arrive à les renflouer, ceux qui meurent ainsi sont très peu nombreux", souligne la scientifique. Sur toute la façade atlantique, environ 1 000 dauphins communs s'échouent sur les plages chaque année. Mais ce n'est que la partie visible de l'iceberg : la plupart coulent au fond de l'océan sans que l'on puisse les retrouver. "On le sait et ça nous permet de faire des estimations sur le nombre total de dauphins morts. En fonction des années, on est entre 8 000 et 11 000 dauphins morts suite aux interactions avec les engins de pêche", affirme Éléonore Meheust.
Pour essayer d’endiguer le phénomène, PELAGIS participe à des programmes en partenariat avec l’Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) et les communautés de pêche. Des tests sont d’ores et déjà effectués sur une solution de répulsifs acoustiques placés sur des chalutiers ou des filets de pêche. Pour le moment, l’initiative est trop récente pour constater son efficacité.
Reportage de Charles Lemercier et Sébastien Poirier