Christian Rougier, un agriculteur au bout du rouleau : c'est foutu, je n'ai plus la force de continuer

A 53 ans, Christian Rougier, agriculteur installé dans la petite commune du Fouilloux en Charente-Maritime a décidé de jeter l'éponge. Son exploitation est en liquidation judiciaire. La descente aux enfers de ce producteur de lait est emblématique de la crise de la profession.

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J'ai 53 ans, je ne vais pas redresser la situation, je n'ai plus la force.

Christian Rougier, éleveur installé au Fouilloux en Haute-Saintonge est au bout du rouleau. Mi-mars, son exploitation a été placée en redressement judiciaire, le montant de la dette de cet agriculteur est abyssale, il a un trou de 500.000 euros. "Ce qui m'a tué, ce sont les normes européennes, en 2014, j'ai emprunté 400.000 euros pour l'acquisition d'un nouveau bâtiment mais je n'arrive à rembourser", constate le paysan, dont la voix traduit le désarroi.

Une descente aux enfers 

L'histoire de Christian Rougier ressemble à celle de beaucoup d'agriculteurs condamnés à disparaître de l'échiquier du monde rural.
Et selon le vétérinaire qui suit son exploitation depuis de nombreuses années, "la descente aux enfers de Christian Rougier est emblématique des difficultés d'un monde rural qui est en train de s'effondrer".
Tout a basculé au décès de son père il y a cinq ans. Christian Rougier se retrouve alors seul à la tête d'un cheptel de 140 vaches, au fil des années, il doit gérer la ferme mais aussi la comptabilité et le volet administratif de l'exploitation, des tâches qui finissent par le submerger mais le producteur de lait ne se laisse pas abattre. Il décide de se mettre à la page et investit dans une salle de traite dernier cri, pour répondre aux normes. Pour pouvoir continuer à travailler, il emprunte alors 400.000 euros.
Le contexte n'est pourtant pas favorable, le cours du lait n'est plus rentable, il ne lui permet pas de faire face aux remboursements. Les difficultés financières s'accumulent tandis que le quinquagénaire travaille sans relâche. 
"Il était déjà dans son étable dès 7 heures le matin et le soir jusqu'à 23 heures, c'est le genre d'éleveur parfait, laborieux, honnête mais le lait n'est pas payé à son juste prix" déplore Philippe Grégoire, le vétérinaire de Haute-Saintonge assiste à la faillite progressive de l'exploitant. 

Ce n'est pas un drame à la Zola, non, là il s'agit d'un agriculteur qui travaillait dans l'ombre de ses parents et qui a continué à travailler seul. Il n'a pas su mutualiser le matériel, s'adapter à un nouveau mode de vie et il s'est laissé déborder par l'inflation de la paperasse, cela fait cinq ans qu'il n'ouvre plus son courrier, il a pourtant investi pour avoir du matériel de pointe, cela reflète la détresse d'un monde rural qui s'effondre.
- Philippe Grégoire, vétérinaire

"C'est un métier de fou"

Il y a trois ans, Christian Rougier a fini par abandonner la production de lait pour se consacrer à l'élevage de veau.
"Le prix du lait n'a pas bouger depuis les années 90, c'est un système de fou", soupire le quinquagénaire qui a décidé de jeter l'éponge.

C'est foutu, je n'ai plus la force de continuer, je suis célibataire, je vis seul, je n'ai pas eu de vie, c'est un métier de fou.

L'exploitant de Haute-Saintonge a eu une mauvaise nouvelle des services vétérinaires. L'administration pourrait prendre la décision d'euthanasier son troupeau en raison de problèmes sanitaires. 
"Son seul défaut c'est de ne pas être assez organisé", constate Philippe Grégoire qui tente d'accompagner l'agriculteur en proie au désespoir.

Sa siuation reflète la détresse du monde agricole actuel. Christian a toujours été un bosseur, il a toujours bien travaillé mais travailler seul aujourd'hui ce n'est plus possible.
Philippe Grégoire, vétérinaire de Saint-Martin-d'Ary

"Je vais arrêter, je n'en peux plus"

Je vais arrêter, car là je nourris les animaux pour rien, ça ne sert plus à rien.

Depuis deux ans, Christian Rouger n'a plus de revenu. Il vit de la retraite de sa mère qui vit toujours dans la ferme familiale.
"Elle touche moins de 1.000 euros, c'est difficile car il faut aussi nourir les 140 vaches et acheter le gazoil pour les tracteurs" détaille l'éleveur tout en avouant qu'il n'a plus le courage de supporter cette exploitation familiale, désormais à bout de souffle.

J'ai toujours été éleveur mais je n'en peux plus. J'ai droit au RSA et à la CMU, c'est tout ce qui me reste.
- Christian Rougier, agriculteur

Son seul espoir désormais est de retouver un peu de répit en devenant salarié d'un autre exploitant, pour ne plus avoir à gérer une entreprise à la dérive.

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