L'association des riverains de la Plaine d'Aunis, près de La Rochelle, va financer elle-même, à hauteur de 26 000 euros, des analyses pour savoir à quel degré leurs enfants sont empoisonnés par des substances toxiques. Un nouvel épisode dans leur lutte contre les pesticides.
Ils ont manifesté pour réclamer une transition agricole, ils ont fait évaluer les taux de pesticides des légumes de leurs potagers, aujourd'hui les habitants de la Plaine d'Aunis, près de la Rochelle, vont faire analyser les cheveux et les urines de leurs enfants. Ils gardent toujours le même espoir d'avoir une réponse plus musclée des pouvoirs publics sur la question des pesticides.
70 enfants de 3 à 17 ans
Ce jeudi 8 février, ils étaient 160 au lancement du nouveau projet de l'association Avenir Santé Environnement. Depuis 2018, ces citoyens alertent sur les problèmes de santé environnementale dans la Plaine d'Aunis. Cette année, ils vont mesurer avec un laboratoire à quels toxiques sont exposés les habitants de cette zone très agricole. "On sélectionnera 70 enfants, de 3 à 17 ans, sur six communes et on fera des analyses de cheveux et d'urine au moment du printemps", confie Gwenaëlle Mondet de l'association.
C'est un projet gratuit pour les familles volontaires, mais il coûte à l'association 365 euros par participant. Il y a eu un très fort afflux de dossiers lors du lancement du projet, ce qui a permis d'atteindre très rapidement le nombre de candidats recherchés. "Il n'y a eu aucune recherche en santé environnementale déclenchée par les pouvoirs publics... On a bien conscience que notre projet est limité par l'échantillon d'enfants qu'on veut tester, mais si on arrive à trouver certaines molécules et qu'elles sont mauvaises pour la santé, le but, ça sera d'alerter les pouvoirs publics pour dire maintenant qu'est-ce qu'on fait ?", explique Franck Rinchet-Girollet, le président de l'association.
Sept cas de cancers en 10 ans
À Saint-Rogatien (Charente-Maritime), Benjamin, huit ans et sa sœur, quinze ans, se sont portés volontaires. Depuis l'enfance, Solène connaît bien la problématique des toxiques. En primaire, deux de ses camarades de classe ont eu un cancer. "Du jour au lendemain, ils étaient plus à l'école, ils ont été malades longtemps. On était choqués et quand ils sont revenus, c'était différent. On voyait que ça avait changé. C'est là qu'on a pris conscience qu'il y avait peut-être un problème", raconte-t-elle.
Saint-Rogatien est un cluster de cancers pédiatriques. Il y a 16 ans, un premier cas de cancer est détecté chez un enfant avant que d'autres ne soient touchés à leur tour et plus particulièrement dans cette petite commune entourée de plaines céréalières. Au total, sept cas de cancers ont été détectés chez des enfants et des adolescents entre 2008 et 2019.
CARTE - Saint-Rogatien (17)
Les riverains s'inquiètent et créent une association Avenir Santé Environnement pour comprendre si ces cancers sont bien causés par des facteurs environnementaux comme les pesticides. Plusieurs études ont permis de conforter les inquiétudes de ces familles. L'étude menée en 2021 par l'Observatoire de l'air, Atmo Nouvelle Aquitaine, a révélé la présence de 41 molécules chimiques dans l'air, dont un herbicide controversé, le prosulfocarbe.
Une situation qui interroge Hélène, la mère des enfants volontaires.
Je me pose souvent la question de tout l'argent qui est mis dans la recherche pour soigner les maladies... Ce qui est très bien, c'est important. Mais est-ce que les mêmes moyens sont mis dans les recherches pour trouver les causes de ces maladies ? Aujourd'hui, j'ai le sentiment que non.
Hélène GouyetHabitante de Saint-Rogatien (17)
Les résultats des analyses de cheveux et d'urine des 70 enfants seront connus à la fin de l'été. S'ils sont mauvais, tous espèrent qu'ils provoqueront des réactions auprès des pouvoirs publics.
Un contexte particulier
Ces analyses arrivent dans un contexte particulier. Le plan Ecophyto, qui vise à réduire de moitié l'utilisation de substances chimiques d'ici à 2030, vient d'être mis en pause par le gouvernement après les mobilisations des agriculteurs. Une situation qui ne semble pas plaire aux riverains de la Plaine d'Aunis : "Ça va à contresens des attentes de la société, en termes de santé publique, de préservation de la qualité de l'eau, de l'air et des sols. Le gouvernement donne raison aux intérêts particuliers et financiers plutôt qu'à la santé publique, c'est là que se situe le problème pour nous".
De son côté, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s'est voulu rassurant, en parlant d'une simple pause, jusqu'au salon de l’agriculture. Le temps de retravailler quelques points comme la mise en place d'un nouvel indicateur pour mesurer l'utilisation des pesticides.