Témoignage. "Je voudrais qu’on arrête de nous mutiler" : Catherine revit après le retrait d'une bandelette urinaire aux États-Unis

Publié le Écrit par Lauryane Arzel et Noémie Furling

Le 18 avril 2024, elle s'est faite opérer aux États-Unis pour se faire retirer une bandelette urinaire. La fin de onze ans de souffrance et d'errance médicale. Catherine Rivalland retrouve une "vie normale" depuis quelques semaines.

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Depuis le 18 avril 2024, la vie de Catherine Rivalland a changé radicalement. Depuis quelques semaines, cette habitante de Lagord, près de La Rochelle (Charente-Maritime), vit sans bandelettes urinaires. Avec son époux Loïc, ils reçoivent dans leur salon, bien loin du lit médical où nous les avions rencontrés il y a quelques mois. "Aujourd'hui, je redors dans le lit conjugal, je ne suis pas en très très grande forme, mais je peux me mouvoir, je peux même danser, alors que c’était improbable avant", se réjouit-elle. "Je n’ai même plus de douleurs. Il faut maintenant que je me remette de onze années de torture."

Une torture liée, dit-elle, à la pose d'une bandelette urinaire, similaire à celle-ci.

Ce dispositif lui avait été posé à la suite d'une descente d'organes en 2013. Catherine Rivalland a alors 46 ans. Et son quotidien est un enfer.

À LIRE : Après la pose d'une bandelette urinaire défectueuse, elle vit un véritable "cauchemar" depuis plus de dix ans

ll fallait juste que Catherine puisse revenir un jour. Elle est revenue.

Catherine Rivalland

Victime d'errance médicale pendant 11 ans

Aujourd'hui, Catherine dit ne "plus avoir mal aux jambes, mais je voulais qu’on me coupe ma jambe droite tellement j’avais mal." Pendant la grande majorité des onze dernières années, l'ancienne préparatrice raconte avoir vécu dans son lit, avec le corps perclus de douleurs. "On sentait le masque de douleur la nuit. Ce matin, j'ai commencé très tôt, elle était beaucoup plus détendue, au contraire d’avant, où elle était totalement recroquevillée sur elle-même", compare son époux Loïc, à ses côtés depuis le départ.

Pour lui aussi, le quotidien n'est plus le même depuis avril dernier. "Depuis 15 jours, on vient de passer des journées, comme on en avait avant 2013, sans les interrogations. Quand je partais au travail, j’étais toujours très inquiet. On part plus léger, plus apaisé et on dort bien", détaille-t-il.

Direction le Missouri

En France, le couple était dans une situation d'errance médicale. "On m'a réduite, on m'a coupé les pattes à 45 ans. Et on me laissait mourir à petit feu dans mon lit, voilà", assène Catherine Rivalland. Seule solution pour la quinquagénaire : prendre l'avion pour le Missouri, pour se faire retirer une bandelette et une promontofixation, une technique visant à installer deux prothèses placées à l'avant et à l'arrière du vagin.

Catherine est accompagnée par Cynthia Gagné, fondatrice de l'Expérience Ameshée. La Canadienne est, elle-même, passée par une opération de retrait d'implants, en 2019. "Mon but, c'est de leur faciliter l'accès au sens où ce n'est pas facile de traverser l'océan, mais même de venir du Québec ; de passer la difficulté de la langue, de trouver les endroits où vous héberger, et faire bien comprendre aussi tout ce qui va se passer", énumère-t-elle. "Si on peut dire que c'est un métier parce que j'avais un très bon travail, mais j'avais tellement de femmes qui me demandaient de l'aide donc je cherchais comment pouvoir les aider."

Traduction, accompagnement logistique, mise en relation avec les équipes médicales : "On était pratiquement quasi tout le temps avec Cynthia pour essayer de trouver des solutions puisque Catherine avait un peu perdu la tête", se souvient Loïc.

"La première fois qu'on s'est parlé, je me suis dit 'je ne peux pas l'abandonner'. Elle m'avait parlé de quitter ce monde donc tu te dis, 'est-ce qu'on peut essayer ? Y a-t-il de l'espoir ?' J'ai vu tellement de femmes revivre que je me suis dit 'il y a aussi de l'espoir pour Catherine' et ça n'a pas été facile. Catherine est arrivée assez amochée si on peut dire, très médicamentée comme j'avais jamais vu", explique Cynthia. "Ça a été difficile aussi au réveil, là, parce qu'on a eu un certain sevrage aussi à faire, parce qu'elle était tellement médicamentée."

Une discussion s'engage alors avec le médecin. "Même si elle devait souffrir un peu, mais pour qu'elle récupère de la lucidité, parce que je pense que ça doit être compliqué d'échanger avec un patient quand celui-ci n'a pas toute sa tête", détaille Loïc. Celui-ci avait déjà été confronté par le passé à des situations pas faciles, "où mon corps se mettait en mode sécurité parce qu’il ne pouvait plus supporter. Donc il était sur pause alors, je racontais n'importe quoi", souligne Catherine.

Mon corps se mettait en mode sécurité parce qu’il ne pouvait plus supporter.

Catherine Rivalland

Victime d'errance médicale pendant 11 ans

Selon Cynthia, Catherine a passé un séjour aux États-Unis un peu plus long que les autres séjours du même type. La Française dit "devoir tout à ce groupe solidaire, merveilleux. On avait une infirmière tous les jours, tout est parfait, il n’y avait rien à dire. Avec de la nourriture à profusion, et moi qui avais perdu beaucoup de poids, et qui avais besoin de reprendre de l’énergie, je leur demandais une petite soupe vers 15h, eh bien, j’avais ma petite soupe."

En cinq ans, près de 400 patientes venues de France, d'Australie ou d'Angleterre ont, grâce à Cynthia Gagné, pu bénéficier des compétences du Dr Dionysios Veronikis. L'uro-gynécologue est un des très rares médecins au monde à maîtriser les techniques de retrait total des bandelettes urinaires.

"L'opération a été très difficile : la prothèse était dans sa vessie, la bandelette dans son urètre", décrit-il. "Ça s'est très bien passé, et la différence que ça a fait pour elle, je n'en croyais pas mes yeux." Il lui aura fallu sept heures pour mener la chirurgie à bien et retirer toutes les pièces.

Car selon lui, ne retirer qu'une partie des implants ne fait qu'augmenter les douleurs chez ces femmes. "La bandelette n'est plus entière, et on ne peut pas savoir ce que deviennent les petits éléments laissés derrière. C'est très simple à faire, mais c'est difficile. Il y a beaucoup de sortes de bandelettes, des chirurgiens différents qui les posent, des questions de positionnement ou des particularités anatomiques chez chaque femme", liste-t-il. "Donc comment enlever tout ça, et revenir à une bonne qualité de vie, pour les femmes et leurs tissus, sans rendre la situation plus difficile ?"

Continuer le combat

Depuis son retour en France, Catherine Rivalland laisse sortir "toutes ces émotions qui étaient refoulées depuis des années. Et là ça sort. J'ai une envie de danser, une envie de vivre, une envie de tout quoi. C'est extraordinaire." Les choses simples du quotidien reprennent peu à peu leur place : "Là, c’est juste magique : prendre une douche toute seule, descendre les escaliers, porter ma chienne. C’est énorme."

Pour autant, pas question d'arrêter le combat. En France, sur 30 000 femmes opérées pour la pose d'un dispositif de bandelettes urinaires, 2 à 5% souffriraient d'effets secondaires et se retrouveraient en situation d'errance médicale. "Pour Catherine, c'est une réussite totale. Un adage dit 'il n'y a que le résultat qui compte'. Le résultat, il est là, et c'est le bon choix. Ce qui est dommage, c'est que toute cette errance médicale continue encore hein." 

À cause du manque de formation des médecins, les patientes ont souvent peu de recours à leur disposition. Le docteur Dionysios Veronikis se considère comme le "capitaine d'une équipe", chargée de prendre en soin la santé des patientes. Mais pour lui, "quand les choses ne se passent pas bien, il faut avoir la technique, et ça ne s'apprend pas en un mois. Il faut de l'implication, du dévouement et de la discipline. Quand des femmes, qui n'avaient pas d'autre choix, ont commencé à venir vers moi en dernier recours, j'ai commencé à développer, petit à petit, les techniques et les outils."

Quand les choses ne se passent pas bien, il faut avoir la technique, et ça ne s'apprend pas en un mois.

Dr Dionysios Veronikis

Uro-gynécologue

"Il y va minimalement avec moins de sections, il ne brûle pas les tissus, il ne coupe pas non plus les muscles. Donc j'offre la facilité d'accès aux meilleurs médecins au monde pour le retrait. Je suis contente que Catherine ait fait ce choix-là parce que ça semble avoir été difficile en France de trouver", reprend Cynthia Gagné.

D'autant que le coût de l'opération est un frein pour de nombreuses femmes en souffrance. Se faire opérer aux États-Unis a coûté 45 000 euros au couple Rivalland. Catherine prévoit de "faire un break, mais moi, je vais continuer mon combat. Nous sommes mille femmes sur un compte Facebook et nous cherchons à nous faire rembourser nos chirurgies parce qu’en France, on a été rejetées de partout. La seule solution, c'était d’aller aux États-Unis nous sauver la peau. Je trouverais normal que la France nous dédouane. Je voudrais qu’on arrête de nous mutiler, ce sera mon combat de vie, de femme."

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