De la prison avec sursis a été requise contre quatre des sept agents pénitentiaires de la centrale de Saint-Martin-de-Ré après la mort d'un détenu dans des circonstances troubles en 2016. Pour les trois autres prévenus, la procureure de la République de La Rochelle a demandé la relaxe.
Au dernier jour du procès des sept surveillants pénitentiaires de la prison de Saint-Martin-de-Ré (17), accusés d'homicide involontaire sur un détenu lors d'un transfert, les réquisitions demandées hier soir se révèlent plutôt clémentes. De la prison avec sursis a été requise ce mardi, contre quatre des sept agents pénitentiaires de la centrale de Saint-Martin-de-Ré après la mort d'un détenu dans des circonstances troubles en août 2016. Pour les trois autres prévenus, la relaxe a été demandée.
"Les prévenus avaient les œillères professionnelles, ce qui a conduit à une déshumanisation", a expliqué Soray Ahras. Selon le Ministère public, "c'est une suite d'erreurs d'appréciation et une multiplication d'erreurs de jugement" qui a conduit à la mort de Sambaly Diabaté, un détenu d'origine malienne condamné en 2012 à 13 ans de réclusion criminelle pour viol aggravé.
La procureure de la République a requis 24 mois de prison avec sursis probatoire contre le surveillant qui a tenu le bâillon sur la bouche du détenu, pratique interdite en 2006, et qui répondait d'homicide involontaire.
Elle a demandé 18 mois de prison avec sursis probatoire contre deux autres agents poursuivis pour homicide involontaire et 12 mois avec sursis contre un agent répondant de violences volontaires, accusé d'avoir asséné un coup de pied à la tête du prisonnier à terre. Il a été révoqué depuis.
La procureure a requis la relaxe pour les trois autres prévenus, l'un comparaissant pour homicide involontaire et les deux autres pour non assistance à personne en danger. Le premier, le plus gradé des prévenus, a été muté en Corse.
Des faits passibles de la cour d'assises selon les parties civiles
Les avocats de la famille Diabaté, Mes Julie Castaing et Maxime Gouache, ont demandé la requalification des faits en violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, passibles de la cour d'assises, ou que le tribunal se déclare incompétent. "Tout a merdé", a lancé Me Gouache aux juges. "Ayez le courage de prendre les bonnes décisions."
La colère de la famille de la victime
Ce mardi soir, les parties civiles ont fait part de leur colère après l'énoncé du réquisitoire. "Je ne leur pardonnerai jamais et ils verront que la roue tourne", a vitupéré Oumou Diabaté en évoquant les surveillants de prison impliqués dans ce drame. Une vingtaine de militants de l'Envolée, une association qui œuvre pour les droits de prisonniers, ont également exprimé leur stupéfaction concernant les peines requises par le Ministère public.
Au troisième jour du procès, la sœur de la victime a réitéré sa déception : "Nous sommes dans un pays de droit, j'aurais aimé voir la direction de la prison venir expliquer quelle rôle elle a joué dans cette affaire. Mon frère leur a été confié alors qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ? Je n'ai pas eu de réponses à mes questions, alors comment faire son deuil dans ce cas-là ? Il y a une famille en souffrance qui attend des réponses", avertit Oumou Diabaté.
"Ces peines demandées sont relativement clémentes pour des gestes volontaires qui ont été pratiqués sur une durée très longue : un bâillon dans la bouche, une position qui va conduire à une asphyxie mécanique de Sambaly Diabaté", insiste Me Gouache, l'avocat des parties civiles.
"Une loi du silence"
Entendue au cours de procès, la directrice de la section française de l'Observatoire international des prisons, Cécile Marcel, a dénoncé "une loi du silence autour de ces violences" et un "accès à l'information (...) difficile". "Nous avons reçu une vingtaine de témoignages d'autres détenus, sur les circonstances du décès. Mais nous avons des difficultés à en savoir plus. Certains disent avoir reçu des représailles ou des refus de transfert".
Le jugement sera rendu fin janvier.