Dans le cadre des "Rendez-vous aux Jardins", Rochefort invite ce week-end le spécialiste français de cet instrument millénaire. Rencontre avec un passionné de musiques traditionnelles qui aime s'aventurer dans des territoires inattendus.
Comme tous les gamins de son Berry natal, à quinze ans, Gilles Chabenat écoute Franck Zappa, les Pink Floyd et, bien sûr, les Beatles. Son grand-frère pourtant fait partie d'une association d’art et tradition qui s'appelle Les Thiaulins de Lignières. Alors, tout naturellement, le jeune Gilles s'investit dans ce groupe folklorique. Quand beaucoup de ses petits copains rêvent de guitare électrique, de batterie ou de saxophone, lui commence à jouer de la vieille à roue. Cet improbable instrument va l'emmener dans le monde entier.
"Quand on était gamins, on a très vite monté un groupe avec des amis. Ça marchait bien, on était dans notre petit monde et on avait un vrai plaisir à jouer cette musique-là", se souvient-t-il, "ce n’était pas du tout un répertoire ringard ou vieillot ou, en tout cas, ce n’était pas l’image qu’on en avait. Et en même temps, j’écoutais la musique de ma génération, Police, les Stranglers, etc… Et quelques années plus tard, je me suis retrouvé à jouer avec Sting avec mes amis d’I Muvrini ! Si, à 15 ans, on m’avait dit ça, je ne l’aurais pas cru une seconde".
C'est qu'en toute naïveté, Gilles Chabenat n'a jamais trouvé incongrue d'utiliser son instrument pour explorer d'autres répertoires. "Je suis passé du statut de marginal à celui d’original, du monde des musiques traditionnelles qui va être plus confidentiel à celui de la scène pop et rock", résume-t-il. Pendant douze ans, il va jouer sur toutes les scènes de la planète avec le groupe corse I Muvrini. Le p'tit gars du Berry va croiser sur son chemin Stéphane Eicher, Véronique Sanson, Pagny ou Goldman.
Jazz, rock métal, musique baroque ; Chabenat ne s'interdit rien. Que ce soit avec Daniela Heiderich, une jeune harpiste de Francfort, ou le jazzman Jean-Marc Padovani, la magie de la vieille à roue opère toujours. "Je dis souvent que c’est un synthétiseur médiéval. On dit vieille à roue parce que c’est une roue archet. C’est comme un violon, mais comme c’est circulaire, c’est un mouvement infini, comme un violon qui ne s’arrêterait jamais. Ce qui est surprenant, c’est que, quand on ne connait pas, on ne sait pas vraiment ce qu’il se passe. Quand on voit un guitariste ou un violoniste, on comprend le principe. La mécanique est mise à nue. Mais là, la roue de la vieille est cachée par un cache roue et si on ne sait pas quel est le fonctionnement, ça ajoute au mystère de l’instrument".
Juste avant le confinement, c'est au bord du Mississipi qu'il fallait traîner pour croiser le Berrichon. Avec son groupe de blues, Muddy Gurdy, il donnait quelques concerts à la Nouvelle-Orléans. C'est vrai qu'on s'imagine sans mal le son de la vieille à roue dans les bayoux de Louisiane. Décidément, cet instrument est surprenant. Gilles Chabenat, lui-même, avoue découvrir tous les jours de nouveaux horizons.
"Avec Muddy Gurdy, on commence à tourner beaucoup dans les salles de musiques actuelles. Du coup, j’utilise une vieille particulière que j’ai fait fabriquer spécialement pour ce projet. C’est une vieille amplifiée avec des pédales d’effets et de la distorsion. J’aime bien concevoir et adapter mon instrument au répertoire. Quand les musiciens ont des idées, ça en donne aux luthiers C’est un cercle vertueux. C’est un instrument qui a plus de mille ans, mais comme il y a très peu de littérature dessus, le champ est libre pour inventer plein de choses".
Samedi à 18 heures dans le potager du Roy près de la Corderie Royale à Rochefort, Gilles Chabenat sera seul avec son "synthétiseur médiéval". Au programme, un tour d'horizon de son incroyable voyage musical avec des pièces traditionnelles, du répertoire allemand du XVème siècle mais aussi des compositions personnelles plus contemporaines.