À Angoulême, des dessinateurs de BD rendent hommage au Journal de Tintin dans une exposition

Publié chaque semaine pendant plus de quarante ans, le Journal de Tintin a marqué des générations de dessinateurs et donnée vie à des personnages de BD iconiques. À partir du 12 décembre 2023, la cité internationale de la bande dessinée organise une exposition hommage, qui réunit artistes d'hier et d'aujourd'hui.

Blake et Mortimer, Michel Vaillant, Ric Hochet, Chlorophylle, Thorgal… Ces personnages de bande dessinée emblématiques ont tous un point commun : ils sont nés dans les pages du Journal de Tintin, celui de “tous les jeunes, de 7 à 77 ans”. Lancé en 1946 par Hergé et Raymond Leblanc, ce magazine de BD connaît un immense succès, dès son premier numéro. En quelques mois, il passe de 12 pages à 16, puis 32, et enfin 68 pages, tirées à 600 000 exemplaires hebdomadaires.

Pour les 77 ans du journal, la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, à Angoulême (Charente), organise une grande exposition rétrospective, du 12 décembre 2023 au 12 mai 2024. D’anciennes unes du magazine seront exposées aux côtés de 77 planches, issues du numéro spécial du Journal de Tintin, paru en septembre 2023. Ce dernier numéro avait donné carte blanche à 80 auteurs et autrices pour rendre hommage à un personnage du Journal.

Du journal à l'album

“À l’époque, les bandes dessinées ne sortaient pas immédiatement dans le format album, relate Victor Macé de Lépinay, commissaire de l’exposition. Les planches étaient diffusées au compte-goutte dans des journaux.” Dès le lancement du Journal de Tintin, c’est le dessinateur belge Hergé, auteur des aventures de Tintin, qui endosse le rôle de rédacteur en chef. Le journal est d’abord diffusé en Belgique, puis en France. “Il était en concurrence avec le magazine Spirou. Pour se démarquer, Hergé et les auteurs ont publié des histoires plus aventureuses”, poursuit Victor Macé de Lépinay.

Dans le premier numéro du Journal, on retrouve la toute première planche du Secret de l’Espadon d’Edgar P. Jacobs. “Dans les années 1950, 1960, quand on voulait devenir dessinateur, on se faisait embaucher par un journal. Aujourd’hui, on cherche une maison d’édition pour publier un album.” Goscinny, Franquin, Greg, Hugo Pratt, Willy Vandersteen, Jean Van Hamme, Derib, Hermann et bien d’autres signent ainsi leurs premiers dessins.

“Les nouvelles recrues dessinaient d’abord pour les autres : décors de planches, dessins dans les marges, à côté des articles…, raconte le commissaire d’exposition. Puis, si elles avaient l’idée d’une série, elles pouvaient créer leur série, à deux ou en solo.” Passé maître dans l’art de créer un cliffhanger, “Hergé savait comment susciter le suspense à chaque fin de planche”. Les lecteurs n’avaient ensuite plus qu’à prendre leur mal en patience avant de retrouver les héros de leur magazine.

“Les nouvelles recrues dessinaient d’abord pour les autres"

Mais malgré le succès du Journal de Tintin, la publication tire sa révérence en 1988, comme tant d’autres. “Le modèle économique avait changé : l’album à la pièce, en couleur, de 48 pages, que l’on collectionne, était passé devant.”

Trente-cinq ans plus tard, l’héritage du Journal est pourtant intact. “Il est double : les personnages du magazine ont marqué l’histoire de la bande dessinée et ils connaissent encore de grands succès aujourd’hui, analyse Victor Macé de Lépinay. “Et Le Journal de Tintin a suscité un nombre incalculable de vocations. Beaucoup d’auteurs et d’autrices le sont devenus parce qu’ils lisaient le journal ou y ont travaillé.”

Preuve à l’appui : parmi les 77 planches issues de l’album anniversaire présentées à l’exposition, certaines ont été dessinées par de grands lecteurs du Journal. “Les artistes qui ont contribué à cette édition sont de toutes les générations.” Alix Garin, dessinatrice de Ne m’oublie pas, a ainsi consacré six pages à la série Modeste et Pompon de Franquin. Sur l’une d’entre elles, elle a représenté la main de Franquin dessinant ses personnages. “Elle dresse toute une réflexion autour des personnages. Est-ce qu’on les oublie une fois qu’on ne travaille plus dessus ? Que deviennent-ils ?”, raconte le commissaire d’exposition.

Un dialogue entre deux époques

Un dialogue entre deux époques, deux artistes, qui permet parfois de donner un ton plus contemporain à une œuvre. Camille Besse, bédéiste remarquée pour Osons la politique, reprend Julie, Claire, Cécile de Sidney et Bom. “Elle a dessiné ces trois héroïnes plus âgées que dans la version originale, et imagine leur réaction face à #MeToo.”

À côté des unes et des planches, l’exposition propose aux visiteurs de découvrir l’interview de chaque dessinateur contemporain, pour comprendre sa démarche. Biancarelli explique ainsi avoir immédiatement pensé à Jugurtha, personnage peu connu de la bande dessinée d’Hermann. “Ce prince numide du Iᵉʳ siècle a résisté à l’empire romain pendant des années avant d’être maté, explique Victor Macé de Lépinay. Après deux albums, la série a été arrêtée, puis reprise pour un temps par Franz dans un style ésotérique. Elle a finalement été éclipsée par Thorgal, un autre personnage guerrier aux cheveux longs.”

Loin de vouloir poursuivre les aventures des héros d’hier, les auteurs de ces nouvelles planches témoignent d’une véritable “filiation graphique”, tout en adaptant ces créations à “leur propre style”.

"Les 77 ans du journal Tintin", du 12 décembre 2023 au 12 mai 2024. Cité internationale de la bande dessinée et de l'image, à Angoulême (Charente).

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