L'agriculteur charentais, Paul François, était à nouveau confronté à Monsanto ce mercredi devant la justice,pour un quatrième procès. La cour d'appel de Lyon a annoncé qu'elle rendra sa décision le 11 avril prochain.
A l'issue de l'audience, Paul François s'est dit "blessé" bien qu'"habitué aux coups" depuis le début de sa lutte judiciaire contre la multinationale américaine. Son combat a commencé il y a douze ans pour faire reconnaître la responsabilité de Monsanto dans sa maladie après avoir été intoxiqué par un herbicide produit par la firme, le Lasso. Aujourd'hui encore, l'existence de ses troubles a été contestée par les avocats de Monsanto dans leurs plaidoiries.
"Pas de preuve pertinente" de l'intoxication pour Monsanto
" C'est lamentable" a déploré Paul François en faisant référence à la stratégie de défense de Monsanto, qui, depuis douze ans, nie toute intoxication. Une stratégie à nouveau utilisée aujourd'hui devant la cour d'appel de Lyon. "Le lien entre les troubles neurologiques évoqués par P. François et le Lasso n'est pas établi. ça ne peut pas exister" a affirmé Me Eve Dumini, une des avocates du groupe, avant d'ajouter : "Il n' y a aucun témoin direct de ce qui s'est passé, il n'y a pas de preuve pertinente." "C'est tout à fait clair, l'intoxication n'est pas démontrée", a déclaré à la presse l'avocat de Monsanto, Me Jean-Daniel Bretzner.
Porte-étendard malgré lui
Paul François a de nouveau été confronté aux mêmes arguments déjà avancés en 2015 devant le même tribunal et parle de "mauvaise foi" de la part de la firme américaine"Monsanto conteste tout : qu'il y ait eu un accident, que le Lasso existe, que Paul François a utilisé le Lasso...", a répliqué l'avocat du céréalier charentais, Me François Lafforgue, en précisant que les troubles invoqués étaient bien "confirmés médicalement".
"Il faut bien voir que ce n'est pas le combat d'un homme mais celui des victimes des pesticides", a ajouté Me Lafforgue.
"Je me retrouve porte-étendard bien malgré moi" avait dit l'agriculteur charentais avant l'ouverture du procès.
Graves troubles neurologiques
Paul François avait été intoxiqué en avril 2004 après avoir inhalé des vapeurs de Lasso, un herbicide de Monsanto en nettoyant une cuve. L'agriculteur charentais avait fait plusieurs malaises juste après. Il avait été longuement hospitalisé et frôlera même la mort. Il souffre aujourd'hui toujours de graves troubles neurologiques.
Une fois son mal reconnu comme maladie professionnelle, l'agriculteur s'est lancé en 2007 dans un combat judiciaire contre le géant américain, filiale de l'allemand Bayer depuis 2018. Il réclame "plus de un million d'euros" à Monsanto.
Paul François avait obtenu gain de cause en première instance et en appel. Mais l'affaire a été de nouveau renvoyée l'année dernière devant la cour d'appel par la Cour de cassation.
Ce mercredi, plusieurs dizaines de personnes, dont l'ancienne ministre de l'Ecologie, présidente de Génération Ecologie et députée des Deux-Sèvres, Delphine Batho, étaient venues soutenir Paul François.
"C'est un combat juste", a estimé Mme Batho, considérant que ce procès visait à "montrer à ces firmes qu'elles ne sont pas toutes-puissantes".
Le Lasso est interdit en France depuis novembre 2007. Il avait été jugé dangereux et retiré du marché au Canada dès 1985, puis en 1992 en Belgique et au Royaume-Uni.
Le reportage de Jérôme Deboeuf, Christophe Guinot et Simon Schneider :