La chasse à courre, coutume assumée en Limousin

La chasse à courre est très développée en Limousin mais suscite beaucoup moins de polémiques qu’ailleurs. Explications.
 

Jean Philippe Guillemet possède un équipage de chasse à courre en Creuse, la « brande des tailles ». Il organise 25 à 30 sorties par an d’octobre à mars.

Un jour de 1968, alors qu’il n’avait que 11 ans, son grand frère lui a proposé de l’accompagner sur une chasse. Il aimait le contact avec les chiens et a littéralement été envoûté par cette confrontation entre les animaux sauvages et domestiques, par les ruses développées par les proies pour s’en sortir, étonné aussi par l’odorat et l’ouïe des animaux.

Ce fils d’agriculteur a par la suite passé sa vie, son temps et son argent sur les chasses à courre.
 

Si j’avais habité à Sarcelles, ça ne serait jamais arrivé.

Jean Philippe Guillemet, propriétaire d’un équipage de chasse à courre

La chasse à courre est très décriée par les défenseurs de la cause animale. Il y a quelques jours, un cerf a été filmé dans l’Oise à Compiègne. L’image a fait le tour des réseaux sociaux. A bout de force après avoir été traqué par les chiens, l’animal s’est couché sur le sol à l’entrée de la ville pour reprendre son souffle. Il a été finalement épargné par les veneurs.
 
Une proposition de loi « relative à de premières mesures d’interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d’amélioration des conditions de vie de ces derniers » sera examinée le 8 octobre à l’assemblée nationale. L’article 4 interdit « la chasse à courre et les pratiques de chasse équivalentes, ainsi que les chasses dites traditionnelles. » Quatre amendements ont d’ores et déjà été déposés pour demander la suppression de ce dernier.
 

En Limousin

La chasse à courre est très développée en Creuse et Haute-Vienne. On compte une douzaine d’équipages dans ces deux départements. On y traque tout autant le petit que le grand gibier : le chevreuil, le sanglier, le renard, le lièvre ou le lapin.

Les chasses se déroulent sur des terrains privés ou loués. Les chasseurs peuvent aussi être invités sur certaines terres.

Les équipages sont spécialisés dans un type de chasse, puisque chaque proie a une odeur spécifique.

La chasse à courre se pratique à cheval pour le grand gibier, et à pied pour le petit. Pour chasser à cheval, il faut compter 4 000 euros par an. Le lièvre ne coûte que 100 euros par an.

Étonnamment, ce loisir ne suscite que très peu de polémique en Limousin. En dehors d’une association de protection des animaux qui organise régulièrement des manifestations à Glénic (23), les riverains acceptent la pratique dans leur grande majorité.
 
 

Analyse sociologique

En 1993, Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon ont publié « la chasse à courre, ses rites et ses enjeux ». Ce livre est toujours disponible aux éditions de Montbel.

Ces 2 sociologues reconnus pour leurs travaux sur les classes supérieures de la société, en particulier la grande bourgeoisie parisienne, ont tenté de porter un regard objectif sur  la vènerie.

Pour Monique Pinçon-Charlot, les polémiques à propos de la chasse à courre s’expliquent par l’opposition entre les gens des villes et de la campagne. Les citadins sont « des contemplateurs de la nature. Ils la photographient. Les sociétés rurales sont plutôt dans le faire ».
 

Les urbains sont sensibles à la mort animale, ou plutôt au déni de la mort. Les classes beaucoup plus rurales ont un rapport assumé avec la nature qui est violente.

Monique Pinçon-Charlot, sociologue


D’où le fait que les polémiques se déclenchent près de la forêt de Compiègne. Dans ce secteur de l’Oise, la ville mange petit à petit la campagne. La population est composée d’urbains pour beaucoup originaires de la région parisienne, toute proche.

Le Limousin est une région très rurale.  la chasse à courre y est largement acceptée par des riverains qui comprennent cette tradition entourée de toute une philosophie.

Monique Pinçon Charlot note que la vènerie est un « bijou anthropologique », en phase avec la grande bourgeoisie fortunée et le peuple local. En effet, chaque chasse est accompagnée par des suiveurs. On peut définir ces derniers comme des supporters, des passionnés qui n'ont pas forcément les moyens de participer.
 

Quand la chasse est lancée, les classes sociales disparaissent, et quand elle se termine, l’entre soit social reprend ses droits. Il est question de vie et de mort. Et ici, personne ne renie la mort.

Monique Pinçon-Charlot, sociologue


L’opposition entre les pro et anti chasse à courre s’est par ailleurs accentuée depuis l’apparition des réseaux sociaux. Il est vrai que les défenseurs de la cause animale utilisent bien mieux ces nouveaux médias que les chasseurs.
 
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