"Il était insoupçonnable, c'était un bon chef de centre" : un ancien pompier condamné pour six incendies volontaires

Accusé d'avoir causé six incendies volontaires qui ont ravagé plusieurs hectares de forêt, l'ancien chef des pompiers de Marcillac-la-Croisille, en Corrèze, a été condamné à trois ans de prison ferme. Devant le tribunal où il était jugé ce mardi, l'homme justifie ses actes par le besoin de "resserrer les liens" de son équipe.

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"Il était insoupçonnable, c’était un bon chef de centre." Ces mots sont ceux de la direction des pompiers d'Alain Tabaste, l'ancien chef de la caserne de Marcillac-la-Croisille, en Corrèze. L'homme de 63 ans comparaissait, ce mardi 5 novembre, devant le tribunal judiciaire de Tulle. Accusé d'avoir causé six incendies volontaires de forêts entre 2020 et 2022, il est condamné à cinq ans de prison ferme, dont deux avec sursis.

En tant que chef de centre, vous essayez de faire une cohésion de groupe. Vous avez besoin de grandes interventions pour resserrer les liens avec tout le monde.

Alain Tabaste

Condamné pour six incendies volontaires

À la barre, l'incendiaire justifie ses actes par la nécessité de garantir le bon fonctionnement du centre de secours et donc, le bien supposé de son équipe composée d'environ 25 volontaires. Une argumentation balayée par le président : "Les gendarmes ne commettent pas des vols pour assurer la cohésion de la brigade". 

Des habitants traumatisés

Les faits remontent au printemps 2022. Le 22 mars, entre cinq et six hectares de forêt sont ravagés par les flammes à Eyrein, une petite commune près de Tulle. Les incendies s'étaient déclarés à la mi-journée sur deux lieux-dits, à moins de trois kilomètres l'un de l'autre. Le premier vers 12 h 30, le deuxième vers 13 heures. 

Le feu s'était propagé très rapidement dans ce massif de résineux, porté par des rafales à plus de cinquante km/heure, le relief et la végétation. Plus de 110 sapeurs-pompiers, dont ceux de Marcillac-la-Croisille, avaient été mobilisés.

L'évènement avait fait grand bruit et traumatisé une partie de la population. "Je suis sorti et j'ai vu des grandes flammes partout. C'est juste derrière la maison, j'ai peur que ça monte", racontait un habitant d'Eyrein, au micro de France 3 Limousin, quelques heures après les faits. 

Deux jours plus tard, le 25 mars 2022, un feu avait été lancé en bordure d'une zone boisée, à Gimel-les-Cascades, non loin de la caserne de Marcillac. Puis, quelques heures plus tard, un autre à Sexcles, dans le sud du département. 

Un incendie criminel en plein confinement

Ce mardi 5 novembre, au tribunal de Tulle, les débats tournent autour de l'incendie d'Espagnac en avril 2020. Un feu de 38 hectares en plein confinement. L’accusé nie, mais reconnaît un incendie déclaré le même jour à dix kilomètres de là. "La loi va me punir, je le comprends, j'ai mal agi. Mais je veux être puni pour ce que j’ai commis", se défend Alain Tabaste. 

Vous êtes en train de nous dire qu’en pleine période de confinement, il y avait deux pyromanes dans le secteur le même jour ?

Avocate de la partie civile

Pour Maître Dominique Val, avocate de la partie civile, Alain Tabaste "ne veut pas reconnaître les conséquences" de l'incendie d'Espagnac, le plus dévastateur des sept cités. "On est sur le même mode opératoire. Celui-ci a été très important au niveau du préjudice subi par le propriétaire et des moyens déployés puisqu'en plus des sapeurs-pompiers locaux, il a fallu faire venir le Canadair", rappelle-t-elle. 

L'avocate de l'accusé, Maître Laura Crouzillac, décrit une "volonté dévorante de tout donner pour cette caserne au point d'en être consumé et d'arriver à franchir l'infranchissable". Depuis sa mise en garde à vue, Alain Tabaste évoque sa crainte que la caserne subisse des coupes budgétaires ou des suppressions de matériel, faute d'un fonctionnement suffisant. 

Au cours du procès, le Corrézien s’excuse à de nombreuses reprises auprès "des pompiers, des victimes, de (sa) famille", mais peine à reconnaître la mise en danger des soldats du feu qu’il encadrait. "Je n’ai jamais entendu parler en Corrèze d’un pompier blessé sur un incendie", déclare-t-il. 

J'ai dû faire 4 000 ou 5 000 interventions en trente-neuf ans. Cinq jours, j'ai fait le con et je vais le payer. Bien sûr, je vais le payer.

Alain Tabaste

Condamné pour six incendies volontaires

"Un discrédit jeté" sur les pompiers

Le colonel Franck Tournié, directeur du Service Départemental Incendie et de Secours de la Corrèze, se désole du "discrédit jeté sur l'institution". "La population arrive à faire des généralités avec des exceptions, malheureusement. On entend dire que les pompiers sont des pyromanes... Bien au contraire", insiste-t-il, en pointant "l'incohérence du discours" d'Alain Tabaste qui cherchait ainsi à créer de la "cohésion" dans son groupe.

On ne sait jamais comment l'intervention va tourner. Heureusement, il n'y a pas eu de victimes, mais on sait très bien que quand on prend des risques, il peut y avoir des blessés chez les pompiers.

Colonel Franck Tournié

Directeur du SDIS de la Corrèze


Lors de sa mise en examen pour "destruction de bien d'autrui par moyen dangereux" en avril 2022 , après une perquisition à son domicile, dans les locaux de son entreprise de travaux publics et à la caserne de Marcillac-la-Croisille, le chef de centre avait été immédiatement suspendu de ses fonctions. Il était pompier volontaire depuis près de quarante ans. 

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