L'avocate générale a requis ce 29 mai 2019 vingt-quatre mois de réclusion dont 23 avec sursis à l'encontre de ce jeune Briviste de 22 ans accusé d'avoir secoué le bébé de sa petite amie en 2014. Le verdict est attendu dans la journée.
Au troisième jour de procès de Anthony Flament, l'avocate générale a requis à l'encontre de l'accusé 24 mois de prison dont 23 avec sursis. Elle réclame la requalification des faits en "blessures involontaires". Le verdict est attendu dans la journée de ce 29 mai 2019. Pour motiver cette décision la magistrate a évoqué les déclarations des témoins qui n’ont "pas été probantes sur l’intention criminelle".
"C'est jeune homme gentil, serviable, s’occupant des autres, peut-être trop, peut-être de manière déraisonnable au vu de son jeune âge" relève l’avocate générale, qui rappelle que le jour du drame, Anthony 18 ans s’occupe seul de K., un bébé de 5 mois et demi, mais aussi des 6 frères et sœurs de sa petite amie dont des jumelles de 11 mois. "Des enfants qui ne sont même pas les siens, qui ne sont même pas sa propre fratrie, des enfants suivis par les services sociaux".
La magistrate a relevé la bonne insertion professionnelle du jeune homme, employé comme agent d’entretien. "Une éventuelle incarcération mettrait en échec une telle insertion professionnelle."
La cour d'Assises de la Corrèze devra trancher entre la maltraitance ou l'accident. Si les jurés de la Corrèze suivent ces réquisitions, Anthony sortira libre ce soir car il a déjà effectué 5 semaines de détention provisoire.
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— Julie Radenac (@juradenac) 29 mai 2019
Retour sur les débats
Mardi 28 mai, au deuxième jour du procès, L, la maman de la petite K. est revenue sur sa grossesse précoce et sur les premiers mois de son enfant.
Eté 2013. L, 15 ans, sort avec J., 17 ans. C’est un amour de vacances, de ceux qui ne sont pas destinés à durer. Deux mois d’une relation à laquelle le jeune homme met un terme fin septembre. Une semaine plus tard, elle l’appelle : "J’ai quelque chose d’important à te dire : je suis enceinte."
J. est sous le choc et ne veut rien savoir de cet enfant. Mais la jeune collégienne veut " assumer ses responsabilités". Contre l’avis de sa famille, L. va garder ce bébé.
Le 1er juin 2014, avec 26 jours d’avance K. voit le jour. L’adolescente vit chez sa mère dans une grande maison à Tujac, quartier populaire de Brive-la-Gaillarde avec son beau père, son frère M. et ses six demi-frères et sœurs âgés de 11 mois à 12 ans.
Le 14 juillet, L. sort avec ses amis et rencontre Anthony, 18 ans. Les deux jeunes se connaissent de vue depuis quelques années et entament une histoire.
Une jeune homme investi
Le jeune homme est en CAP cuisine et passe de plus en plus de temps chez sa petite amie. Il a envie d’être un papa pour K. et endosse ce rôle de père : " Il s’est substitué au père biologique de K. » observe Gilles Fonrouge, le président de la cour d’assises. "C’était son papou, son père à elle, elle le réclamait", confie L.. Anthony change les couches, donne les biberons, se lève la nuit parce que L. est fatiguée : elle a repris sa scolarité dans une classe adaptée au collège.
Le jeune homme est issu d’une grande famille aussi et s’est occupé dès l’âge de 12 ans de ses 4 frères et sœurs. Pour autant, "il n’est pas compétent" pour s’occuper de jeunes enfants" tempère le président.
Il distribue quelques claques aux enfants de la maison quand il font des bêtises. Parfois, "il parlait fort à K., pas comme on doit parler à un bébé de 5 mois" note la grand-mère. Mais il fait parfaitement l’affaire à ses yeux. Cette femme au foyer est "submergée" avec six jeunes enfants sur les bras. Enfants, L. et son frère M. ont d’ailleurs passé quatre ans en famille d’accueil.
Anthony finit par quitter son CAP pour mieux s’investir auprès de K. et de L.. En contrepartie du gîte et du couvert il garde régulièrement les sept enfants.
Le jour du drame
Ce 19 novembre 2014, il est justement seul avec tous les enfants. Enfin, pas tout à fait puisqu’il y a aussi Florent, un ami de L., hébergé là depuis quelques jours. K. a une otite. Avant de partir en cours, sa maman a appelé le médecin pour une visite à domicile. Ce dernier indique une rhino-pharyngite et un début d’otite. L., sa mère et son beau-père rentrent à midi et repartent ensuite.
La petite fille se réveille de sa sieste et à 17h30, Anthony appelle L. pour lui demander ce qu’il doit donner pour le goûter. Anthony prend le bébé sur ses genoux et commence à lui donner un biberon. "Tout allait bien, elle faisait des sourires". Le bébé boit "20 cl" puis tout à coup, "elle tousse deux fois, repousse le biberon avec sa langue, tousse encore, devient rouge" et s’évanouit. "Elle s’est totalement relâchée, d’un coup c’est devenu un poids mort (...) J’ai commencé à paniquer" raconte le jeune homme. "Je l’ai prise contre moi pour la mettre sur la table à langer, j’ai gueulé pour appeler Florent ".
Titulaire d’un brevet de secouriste du travail, Anthony pratique alors un massage cardiaque « à deux ou trois doigts comme on m’a appris» et du bouche à bouche. "Je ne sentais plus son cœur, elle ne respirait plus". Florent décide d’appeler les pompiers. "La petite avait les yeux révulsés et vomissait du lait" observe-t-il.
Les secours arrivent rapidement et K. est amenée à l’hôpital de Brive.
Handicap
Les soignants relèvent des ecchymoses, des marques sur son cou, des pétéchies –petites tâches cutanées- sur l’oreille gauche et surtout une hémorragie rétinienne et un hématome sous-dural, c’est à dire des saignements sur le bord du cerveau. Des lésions caractéristiques du syndrome du bébé secoué.
Pour les médecins, le diagnostic est sans appel : K. a été victime de "maltraitance".
Convoqué au commissariat, Anthony est placé en garde à vue et incarcéré pour violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente.
K. est en effet aveugle et souffre de tétraparésie, une légère paralysie des quatre membres qui la condamne à passer le restant de ses jours dans un fauteuil.
Bébé secoué
Après cinq semaines de détention et quatre ans et demi d’attente, Anthony s’est présenté libre devant la cour d’assises de la Corrèze pour répondre de ses actes.
Pour lui, "il a sauvé la vie de K." en pratiquant ces gestes de secours qui "ont peut-être été trop brutaux" reconnait-il. " J’ai pas senti ma force, je sais que c’était pas une force adaptée à l’âge ».
Mais le président s’étonne : "Ce que vous nous racontez, c’est une prise en charge médicale qui ne colle pas avec les constatations. »
Un expert médico légal indique : " l’enfant a tous les signes cliniques qui correspondent au syndromes du bébé secoué".
Alors, le président demande :
- Est-il concevable que dans la panique, une fois les manœuvres de massage et de bouche-à-bouche effectuées sans résultat, vous ayez pris K. par les bras et l’ayez secouée vers vous, en un geste de supplication, en lui disant de respirer ?
- Non, lâche l’accusé.
Gilles Fonrouge insiste :
-Est-il envisageable que vous l’ayez secouée pour débloquer la situation dans un geste réflexe?
- C’est possible, concède l’accusé mais franchement je m’en souviens pas, je vois pas ça dans la scène.
Que s’est-il réellement passé entre 15h et 18h15 à l’arrivée des secours ?
" Les déclarations et les constatations ne sont pas cohérentes" tente de lui expliquer le président. L’accusé concède du bout des lèvres, une gifle vigoureuse pour réanimer le bébé. Mais c’est tout. Et c’est insuffisant pour expliquer toutes les lésions observées sur K..
L’avocate de L. déplore ce manque de précisions :
On aura pas de réponse. Il n’avouera pas. Il ne dira pas ce qui s’est passé. Mais ma cliente a droit à la vérité.
A l’issue des débats, Anthony laisse donc la porte des conjectures grande ouverte. Reste aux six jurés de la cour d’assises de la Corrèze de se forger une intime conviction.