Le 9 juin 1944, à Tulle, les SS de la Division Das Reich pendaient 99 hommes et en déportaient 149 vers Dachau. 80 ans plus tard, Janine Picard a accepté de raconter les événements qu'elle a vécus alors qu'elle n'avait que six ans : la rafle de son père qui mourra en déportation.
Il y a des chagrins dont on ne revient pas. Quatre-vingts ans après le drame, la douleur de Janine Picard est intacte, sa mémoire aussi : cette tulliste avait 6 ans le 9 juin 1944. Tôt ce matin-là, comme 3000 hommes, son père, accordéoniste, est raflé sous ses yeux.
Je revois encore ce SS qui s'est penché vers moi pour demander mon âge. Ma mère a posé la question pour savoir si mon père allait partir longtemps. Il lui a dit, non, non, vérification de papiers. Donc, mon père nous a embrassées et ils sont partis.
Janine PicardFille d'Henri Valade, mort en déportation
Les deux jours précédents, des résistants FTP ont attaqué et libéré partiellement la ville avant d'être chassés par la division Das Reich. Cette offensive ratée sert de prétexte pour abattre la terreur sur la ville.
"Citoyens de Tulle, quarante soldats allemands ont été tués par le maquis, 120 maquis ou leur complice seront pendus", peut-on lire sur un document d'époque.
Commence alors un ignoble tri parmi les 3000 prisonniers rassemblés à la manufacture d'armes. En fin de journée, 99 d'entre eux sont pendus aux lampadaires et aux balcons du quartier.
Michel Trésallet est le fils de Louis Trésallet, mort en déportation. L'enfant devenu adulte est au bord des larmes lorsqu'il fait, aujourd'hui encore, le récit de cette douloureuse histoire :
Ce balcon là-bas, il y avait trente personnes pendues à ce balcon. Ils les dépendaient pour en pendre d'autres...
Michel TrésalletFils de Louis Trésallet, mort en déportation
Le lendemain, 149 hommes sont déportés vers les camps de la mort. Dans l'un des camions, Janine dit adieu à son père : "il nous a embrassées et il a dit, ce sont ses dernières paroles, après ce que j'ai vu, je suis content de m'en aller. Le pauvre, il ne savait pas ce qui l'attendait, la déportation, avec, au départ, le train de la mort et tout ce qui en est suivi."
Ultime outrage, les corps des martyrs sont jetés au milieu des immondices, dans la décharge de la ville, devenue depuis un lieu de mémoire et de recueillement pour toutes ces vies brisées par la barbarie nazie.
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