Une étude de l'INSEE, publiée le 11 mai dernier, pointe du doigt les difficultés, encore nombreuses, rencontrées par les utilisateurs pour effectuer leurs démarches administratives en ligne. Le problème se pose particulièrement en zone rurale, mais des initiatives apparaissent pour accompagner les habitants.
L'administration ne déroge pas à la tendance globale de la dématérialisation des démarches. Dans les faits, ces mesures censées faciliter la vie des utilisateurs peuvent vite se transformer en casse-tête.
Démarches administratives en ligne : ce qui pose problème
- Des inégalités entre les âges et les milieux sociaux
"Un tiers des adultes ont renoncé à effectuer une démarche administrative en ligne en 2021". C'est ce que révèle une étude publiée en mai 2022 par l'INSEE. Pourtant, à l'heure du tout numérique, il est presque impossible de faire autrement. Face à cette situation, l'étude révèle ainsi que tous les profils ne sont pas égaux. La fracture numérique touche, en particulier, les tranches d'âge les plus élevées de la population et les milieux sociaux les plus défavorisés.
Ainsi, on remarque que les 75 ans ou plus ont réalisé trois fois moins de démarches en ligne l'année précédente que les 30-44 ans. Plus globalement, "33 % des personnes majeures n'ont fait aucune démarche en ligne auprès d'une administration au cours de l'année. 40 % de ces personnes n’ont pas utilisé Internet du tout dans l’année."
Pour ce qui est des personnes défavorisées, l’étude souligne également que si "11 % de la population se trouve en situation de privation matérielle et sociale", ce chiffre grimpe à 18 % chez les personnes ayant déclaré des difficultés dans leurs démarches administratives.
- Des difficultés de connexion et d'utilisation
Les participants ayant renoncé à effectuer une démarche en ligne en expliquent les raisons. En tête de liste, on retrouve les pannes d'internet (30.2%), mais également la complexité de la démarche (29.1%), et enfin un sentiment d'incapacité à effectuer cette tâche (25.7%).
- Des délais d'attente trop longs et un manque d'interlocuteur
Pour ceux qui se sont lancés dans l'aventure, plusieurs freins apparaissent : 40.3% d'entre eux estiment, par exemple, que les délais d'attente sont trop longs. L’étude précise la portée de cet argument en expliquant que "ce motif est particulièrement mis en avant à propos des demandes de logement social ou de place en crèche".
Des initiatives locales pour accompagner les habitants
Problème de connexion, population âgée et manque d'interlocuteur... Autant de freins aux démarches administratives en ligne qui trouvent un écho tout particulier dans les zones rurales comme le Limousin. Pour y remédier, différents acteurs locaux tentent donc d'accompagner leurs habitants vers cette transition numérique.
- Les centres sociaux
"S'il vous plaît, il y a un problème, d'habitude ça met ce que j'ai à faire...", explique Bernard. A plus de 80 ans, il est bien content de pouvoir appeler à la rescousse l'une des coordinatrice de La Palette, à Dun-le-Palestel (23).
Et Bernard est loin de faire figure d'exception. Ici, les demandes d'accompagnement sont nombreuses comme l'explique Marine Ciallis, coordinatrice au centre : "Il y a beaucoup de monde qui vient quotidiennement pour être aidé dans tout un tas de démarches différentes : du renouvellement de permis de conduire à des démarches pour la retraire, mais aussi avec des plus jeunes pour s’inscrire sur des cessions de Bafa, par exemple."
C’est assez varié comme accompagnement mais c’est nécessaire !
Marine Ciallis, Coordinatrice à "La Palette"
Pour elle, la dimension sociale est un véritable plus dans ce type de situation. "Souvent, la communication passe aussi par le présentiel. Au-delà d’un téléphone, on a une personne face à soi, on peut s'asseoir, discuter, prendre un café ", explique-t-elle le sourire aux lèvres.
- Les conseillers numériques
Pour aller plus loin, des conseillers numériques peuvent aussi venir en aide aux habitants. Hélène Demay, retraitée active, conseillère municipale et présidente d’une association, ne maîtrise pas encore toutes les subtilités du numérique. Alors, chaque semaine, elle bénéficie pendant deux heures de cet accompagnement individuel avec l’aide d’un conseiller numérique, Anthony Lebourg. Il accompagne ainsi une quarantaine de personnes depuis janvier dans cinq médiathèques et 16 communes de la Haute-Vienne.
Ce dispositif d'Etat lancé au mois d'août dernier est financé à hauteur de 250 millions d'euros en France via le plan de relance post-covid. Il prévoit, sur l'ensemble du Limousin, 36 conseillers en Haute-Vienne, 22 en Corrèze et 14 en Creuse.
- Une nouvelle offre privée
Ce marché attire à présent des acteurs privés, conscients de ce manque d'accompagnement. C'est le cas de la nouvelle ligne d'info service qui vient d’être mise en place dans la Creuse à Dun-le-Palestel et à La Souterraine.
Derrière son ordinateur, casque sur les oreilles, Sylvie Laverdant, téléconseillère, répond à tous types de demandes comme un "moteur de recherche humain". Ce jour-là, par exemple, "c’est une dame qui arrive en Creuse, qui s’installe, et qui recherche une solution pour faire garder ses enfants. On a trouvé une solution, car elle s’installe dans une petite commune près de Dun-le-Palestel où il y a une halte-garderie". La structure s'engage également, si elle n'a pas de réponse sur le moment, à rappeler son interlocuteur après quelques recherches.
Pour l'heure, la structure a investi dans ces deux sites pilotes pour les 3 mois à venir. A terme, elle espère réussir à convaincre les pouvoir publics du bien fondé de sa mission. "Ensuite, bien entendu, on va entrer en négociation et en discussion avec les com-com, les communes, le département, éventuellement la région, afin de pouvoir financer ce service qui sera accessible à tout le monde gratuitement", développe Cyrille Mariot-Thierry, le directeur de "La ligne verte".