La ministre des Outre-Mer George Pau-Langevin a présenté jeudi 18 février à Paris les cinq membres et les missions de cette Commission d'Information et de Recherche Historique des Enfants de la Creuse.
La date est symbolique : c’est deux ans jour pour jour après que l’Assemblée Nationale ait reconnue la responsabilité morale de l’Etat français dans l’exil forcé des enfants réunionnais que la ministre des Outre-Mer a tenu à mettre en place officiellement une Commission d’experts indépendants pour faire la lumière sur cette affaire.
Selon l'arrêté ministeriel qui officialise sa création, la dite Commission est "chargée d'étudier et de rendre un rapport sur le déplacement vers la France héxagonale, entre 1963 et 1982, d'enfants et d'adolescents réunionnais, en vue de repeupler des départements métropolitains en cours de désertification".
Si les objectifs de cette migration forcée n'avaient jamais faits de doute, désormais les choses sont clairement énoncées.
La Commission sera présidée par le sociologue Philippe Vitale, un fin connaisseur de la Réunion et de l'histoire des "enfants de la Creuse" qui a déjà publié des ouvrages sur ce sujet.
A ses côtés, les historiens Gilles Gauvin et Marie-Prosper Eve, le géographe Wilfrid Bertile et l'ancien inspecteur général des Affaires Sociales Michel Vernerey apporteront chacun leurs connaissances et se sont d'emblée mis au travail pour établir une méthode de travail et définir des priorités.
Leur feuille de route comporte plusieurs volets :
. approfondir la connaissance historique de cette affaire et contribuer à sa diffusion
. établir un tableau précis des personnes concernées et de leur situation
. tenter de comprendre comment, pourquoi et avec qui une telle mécanique politico-administrative a pu se mettre en place
. entendre les associations et permettre aux victimes de reconstituer leur histoire personnelle.
. proposer des actions et des mesures pour favoriser le travail de mémoire autour de cette question
la priorité : recenser tous les pupilles concernés de façon exhaustive et leur permettre d'accéder à leur dossier administratif
Pour le président de la Commission Philippe Vitale, la priorité est de recenser tous les ex-pupilles de façon exhaustive, y compris ceux qui n'ont pas encore pris contact avec une association et sont encore seuls face au poids du traumatisme qu'ils ont subi dans leur enfance.
Il faudra ensuite très vite faire sauter les blocages administratifs pour permettre un accès complet aux dossiers administratifs des personnes concernées ce qui est visiblement encore loin d'être le cas.
Une aide pour un voyage, voir un retour à la Réunion devrait aussi être une priorité pour ceux qui le désirent.
La Ministre des Outre-Mer n'exclue pas la possibilité d'une aide au voyage pour les ex-pupilles qui n'ont pas encore pu retrouver leurs familles.
Mais pour l'instant, dans une interview qu'elle nous a accordé (voir la video çi-dessous), George Pau-Langevin affirme qu'elle veut laisser travailler les membres de la Commission en toute indépendance et qu'elle leur donne toute lattitude pour proposer des mesures qui lui permettront de prendre des décisions.
Un premier rapport d'étape devrait avoir lieu d'ici six mois pour envisager les mesures les plus urgentes.
De nombreux ex-pupilles réunionnais membres d'associations avaient fait le déplacement au ministère des Outre-Mer pour la mise en place de la Commission.
Pour la Fédération des Enfants Déracinés des Départements et Régions d'Outre-Mer (FEDDROM) qui regroupe la majorité des associations, la création de cette commission est une étape importante dans le combat qu'ils mènent depuis plusieurs années.
Mais les "enfants de la Creuse" entendent rester extrêmement vigilants et vont suivre de près les travaux des cinq membres et surtout les propositions qu'ils rendront d'ici deux ans.
Si certains évoquent encore une indemnisation financière, la majorité souhaite surtout une aide pour se rendre plus facilement à la Réunion, et l'ouverture totale et définitive des dossiers administratifs les concernant, voir la possibilité de retrouver leur véritable nom de famille, confisqué lors de leur exil forcé en métropole.
Pour l'instant, seul le CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires) a exprimé des réserves sur le principe de la création de cette commission.
VIDEO : le reportage sur la mise en place de la Commission
VIDEO : l'interview intégrale de George Pau-Langevin, Ministre des Outre-Mer
VIDEO : pour comprendre l'affaire des "Réunionnais de la Creuse" : "Racines en l'Air", documentaire de 2003 :