Le Conseil départemental de la Creuse a tenu vendredi 30 avril 2021 sa dernière séance avant les élections de juin. Majorité et opposition sont restées sur la réserve, préférant s’économiser pour la campagne électorale qui s'annonce courte mais dense.
C’est le genre de séance où chacun fait bien attention à rester à sa place et à tenir son rôle. Confinés dans les locaux de la maison de l’économie, à quelques encablures de celle du Département, les élus creusois ont tenu vendredi 30 avril 2021 leur dernière assemblée avant les élections de juin, dans une ambiance bon enfant. Pour tout dire, beaucoup d’entre eux avaient déjà la tête ailleurs. Les uns parce qu’ils achèvent leur mandat sans repartir au combat, les autres parce qu’ils sont préoccupés par les modalités pratiques de la campagne électorale qui commence à peine. Ce n’était donc pas le jour des petites phrases et des joutes politiques. D’autant plus que le rapport de forces étant ce qu’il est dans ce département (la majorité de droite n’a qu’un canton d’avance sur l’opposition de gauche), tout dérapage peut être préjudiciable à un camp ou à un autre. Alors, dans ces conditions, le mieux c’est d’être sage et studieux.
Les comptes sont dans le vert
La consigne a été appliquée à la lettre par les conseillers départementaux qui ont passé beaucoup de temps à décortiquer le compte administratif - qui relate ce qui a été effectivement dépensé- en 2020. La traduction comptable peut, à grands traits, se résumer de la manière suivante :
- un excédent de clôture de 29,6 millions d’euros
- des investissements qui atteignent 13,8 millions d’euros
- un endettement de 6,9 ans (contre 12,5 ans en 2014)
Des chiffres qui permettent à la majorité, aux manettes depuis six ans, de rappeler « la situation extrêmement critique dans laquelle nous étions fin 2015, avec une trésorerie exsangue ». Il est vrai qu’à cette époque, le Département de la Creuse était en défaut de paiement. Raison avancée : la chute de la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui s’était traduite par un manque-à-gagner de 6,5 millions d’euros sur une enveloppe globale de 58 millions d’euros. Mais la Présidente (LR) du Conseil départemental Valérie Simonet y voit une autre raison : la politique d’investissement de la précédente majorité socialiste. Ce qui n’est pas du goût de l’ancien patron de l’exécutif, Jean-Jacques Lozach, par ailleurs sénateur (PS) de la Creuse, pour qui ces choix ont permis « d’équiper le département » sous sa mandature à hauteur de 153 millions d’euros. Toujours est-il qu’aujourd’hui la dette par habitant est de 850 euros et que le volume d’emprunts s’élève à 12,5 millions d’euros. De quoi tenir la dette qui atteint les 100 millions d’euros. « Mais l’important » relativise Valérie Simonet « c’est le remboursement annuel capital-intérêts qui est en train de diminuer parce que nous avons emprunté à taux faible pour continuer à investir ».
La dépendance à l’Etat
Côté recettes, la situation n’est pas plus simple : perte de la taxe foncière sur les propriétés bâties depuis le 1er janvier 2021, octroi incertain en compensation d’une fraction de TVA sans dynamique cette année, incertitudes sur le niveau futur des dotations. Seule consolidation : l’augmentation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), il s'agit en fait des transactions immobilières, qui avoisinent les 8,5 millions d’euros. Au passage, une certitude a été réaffirmée au cours de cette séance par l’exécutif : la pression fiscale n’a pas augmenté depuis 2016. Dans un rapport consacré au budget principal, la majorité précise que le taux du foncier bâti est «inchangé et maintenu à 22,93% là où le taux moyen de la strate se situe à 22,98% ». Calculer autrement, cela signifie que les contribuables creusois paient 226 euros de foncier bâti contre 266 euros pour des départements équivalents.
Un retour incertain de la croissance
Mais au-delà, la majorité préfère rester prudente. Car si à l’en croire sa gestion est saine, deux sujets noircissent le tableau. « L’Etat nous prive d’autonomie fiscale » explique Valérie Simonet, et « l’évolution de la crise » pourrait se traduire par une hausse de l’épargne et un ralentissement durable de la consommation. Cette hypothèse, si elle se confirme, pourrait freiner le retour de la croissance tant attendue par les artisans, les commerçants et les chefs d’entreprises. Même si le plan de relance avec l’Etat et la Région doit permettre d’accroître la part de l’investissement public dans les chantiers de « rénovation énergétique, de la ressource en eau potable, dans le développement des circuits courts, de la réhabilitation du bâtiment existant, la résorption de la fracture énergétique, la promotion du territoire pour l’accueil des touristes ou de nouvelles populations ».
Un examen de passage
Pourtant, la démonstration sur l’état des comptes n’a pas l’air de convaincre le chef de file du groupe socialiste, Jean-Luc Léger qui estime que « la pression fiscale continue d’augmenter». Le conseiller départemental de Felletin va même plus loin. « Les chiffres son têtus. Le taux de réalisation des investissements est de 60%. (70,92% selon l’exécutif). Jamais le taux n’a été aussi bas depuis 10 ans». Réponse de la Présidente : «Vous n’avez rien proposé pour faire face à la baisse de la DGF (…). Nous, nous continuons d’agir pour investir dans nos territoires ». Conclusion – provisoire - de son adversaire : «On dirait une séance de rattrapage aujourd’hui», faisant allusion à ces candidats qui essaient d’obtenir leur diplôme dans la dernière ligne droite. Les passes d’armes n’iront pas plus loin mais elles augurent d’une campagne qui se déroulera à fleuret moucheté dans une ambiance très particulière, crise sanitaire oblige.
Menace sur le POLT
Dans une intervention très remarquée, le sénateur Jean-Jacques Lozach a tiré la sonnette d’alarme sur l’avenir du POLT (le train Paris-Orléans-Limoges-Toulouse). L’Etat, à la surprise générale, vient de donner son feu vert pour le lancement du projet de la LGV Bordeaux-Toulouse. Coût de l’investissement : 8,2 milliards d’euros (50% Etat, 50% collectivités territoriales). Cette décision pourrait avoir des répercussions sur la ligne Paris-La Souterraine- Limoges-Brive et …Toulouse. « On va assécher dans les années à venir la ligne POLT au sud de Limoges et de Brive. On ne pourra plus parler que de ligne Paris-Limoges ou Paris-Brive (…) ».