Le budget 2021du Département de la Corrèze vient d'être voté. La gauche et la droite, à quelques semaines du premier tour des élections départementales, sont revenues à leurs grands classiques : la dette et la fiscalité.
Etait-ce le retour du beau temps ou le sentiment du devoir accompli ? Les élus corréziens avaient l’humeur badine pour cette dernière séance plénière du Département de la Corrèze qui s'est déroulée le vendredi 23 avril.
Le plus en verve dans ce registre était, sans aucun doute, Bernard Combes, le leader de l’opposition de gauche. Dressant un bilan très général de la mandature de son « cher ami », le président (LR) du Conseil départemental, Pascal Coste. Le maire (PS) de Tulle s’est moqué de son « amour des déviations qui rythme chaque élection ».
Il est vrai que le patron de l’exécutif corrézien est engagé sur deux fronts : la campagne pour les départementales et les régionales qu’il va mener comme tête de liste. Bernard Combes en prévoit même le résultat: son adversaire serait gagnant sur les deux tableaux. Ce qui ne l’empêche pas de rester philosophe : « Il y aura un après Coste, comme il y aura un après Combes ».
Une gauche affaiblie
Cette apparente désinvolture cache, en fait, une réelle lassitude. Il faut dire que pour les élections départementales et régionales qui se tiendront en juin, la gauche corrézienne part divisée et le PS est en miettes. Ce qui fragilise la position de ce proche de François Hollande qui a préféré, au cours de cette séance, s’interroger sur la campagne électorale censée débuter officiellement ce lundi avec l’ouverture du dépôt des listes.
« Il y aura une inconnue, c’est la participation » a précisé le conseiller départemental de Tulle. « Nous traversons une crise de la démocratie. Le politique doit retrouver du crédit. Ce que je vois arriver comme une phase incessante c’est le populisme ».
Saluant ses collègues qui ne se représentent pas, dont Gilbert Fronty le conseiller départemental (apparenté PS), Bernard Combes n’a cependant pas voulu trop en dire sur la stratégie de campagne que son groupe prépare en cette veillée d’armes.
Quelques minutes plus tôt, Pascal Coste n’avait pas eu cette pudeur. Tout feu, tout flamme, prêt pour les batailles à venir, en veste bleu azur, l’ancien maire de Beynat n’y est pas allé par quatre chemins. Ses engagements ? Il les a tenus. La preuve : le compte administratif 2020 - la photographie des investissements - est conforme aux propositions. Quant à sa passion pour la Corrèze, elle « est intacte » pour servir ses habitants quoiqu’il arrive. Des propos suscitant des rires complices et entendus dans la salle.
Maîtriser la dette
Mais il fallait bien passer au menu du jour, indigeste certes mais nécessaire : les chiffres.
L’an dernier, les dépenses de fonctionnement ont été contenues malgré 6 millions d’euros de dépenses « COVID ». Les recettes, elles, ont bien résisté à la crise sanitaire, « sans augmentation de la fiscalité départementale » et en dépit d’une baisse drastique de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 12,8 millions d’euros par an.
Les investissements ont connu une réelle dynamique à hauteur de 49,6 millions d’euros malgré une dette diminuée de 5,3 millions d’euros. Enfin, l’autofinancement s’améliore peu à peu (60,2 millions d’épargne brute). Du pain béni pour Christophe Arfeuillère, le président (LR) du groupe « Corrèze Demain » qui a profité de cette occasion pour faire le point de six ans d’une mandature qui aurait favorisé, à l’entendre, l’émergence d’ « une économie dynamique et porteuse d’emplois », accompagnant les bénéficiaires du RSA à se réinsérer. Ce qui s’est traduit entre 2015 et 2019 par une baisse de 15% du nombre de RSA qui est aujourd’hui remise en cause avec la crise sanitaire.
La fibre en débat
Mais pour Christophe Arfeuillère, le maire d’Ussel, le bilan de l’exécutif passe aussi par le très haut débit. Une réussite selon lui. « Fin juin » assure-t-il « la Corrèze sera le premier département couvert par un réseau 100% public », regrettant au passage que « les opérateurs privés ne soient pas au rendez-vous de la fibre dans les délais » à Brive et Tulle. De là à dire que le Département est le premier financeur du numérique il n'y a qu'un pas que l’opposition demande à la majorité de ne pas franchir. Chiffres à l’appui, Gilbert Fronty, le monsieur Budget de la minorité de gauche l’a d’ailleurs rappelé à l’assemblée. Le plan de financement du projet – voté à l’unanimité – approche les 144 millions d’euros répartis de la façon suivante :
Conclusion de l’intéressé : « Il eut été plus honnête de revendiquer la Corrèze 18% fibre en termes de financement et la Corrèze 48% fibre en termes de déploiement. Mais rien ne peut empêcher une grenouille de vouloir se faire plus grosse qu’un bœuf ».
La réplique n’a pas tardé à fuser et elle s’est exprimée par la voix du Président éleveur de limousines pour qui, n’en déplaise à son collègue de gauche, « la Corrèze est bien 100% fibre avec un financement publique » dans lequel la Corrèze et ses communautés de communautés ne perdront pas un centime puisqu’il s’agit d’une avance remboursable dès l’an prochain, si tout va bien.
Pascal Coste a profité de cette occasion pour feindre de s’étonner que son opposition puisse lui reprocher d’aller chercher des subventions ici et là, du côté de la Région Nouvelle-Aquitaine notamment.
La contribution de la Région Nouvelle Aquitaine pour l'installation de la fibre en Corrèze s'élève à 42 millions d'euros.
Moralité : « Vous les socialistes, vous devriez être fiers de la création d’un service public ».
Le fardeau de la dette
Fermer le banc ? Pas tout à fait. Il restait la question de la fiscalité, un classique avant une campagne électorale. En Corrèze, les passes d’armes n’empêchant pas le tutoiement, l’élu d’Allassac s’est fendu d’une très directe interpellation au président de l’assemblée. « Sous ta mandature, la fiscalité départementale a augmenté de 7% », oubliant au passage de mentionner que ce sont les bases – fixées par l’Etat- et non les taux – votés par les élus départementaux- qui ont augmenté. Mais qu’importe pour le sortant qui a préféré contre attaquer sur la dette – « Le maçon de la majorité l’a descendu de 48 briques et c’est au pied du mur qu’on voit le maçon » - laissant clairement entendre que c’est sous la présidence de François Hollande ( 2008-2012) que celle-ci avait augmenté, tout en évitant de rappeler qu’elle était avant tout l’héritage de la droite chiraquienne.
A croire que dans les deux camps, on a la mémoire qui flanche. En tout cas, une chose est sûre. Cette dernière session du conseil départemental de la Corrèze a prouvé que la campagne électorale a commencé. Par des piques mais aussi des actes dont un majeur : le vote du budget.
En 2020, par solidarité avec l’exécutif plongé dans la crise sanitaire, la gauche s’était abstenue. Cette fois-ci, retour aux grands classiques. Elle a voté contre. A 8 semaines du premier tour des élections départementales, il lui faut reprendre ses marqueurs politiques face à une majorité qui défend, sans difficulté, son bilan.