Après deux ans de travail les cinq experts chargés de faire la lumière sur cette affaire rendent leur rapport au gouvernement ce 10 avril 2018.
Le sociologue Philippe Vitale qui a présidé le groupe d’experts nous a accordé un long entretien pour expliquer les conclusions de leur enquête.
700 pages et beaucoup de chiffres, de noms, de faits qui racontent des morceaux de vie, des histoires individuelles et au final l’Histoire avec un H.
Cette Histoire c’est celle du sort réservé aux enfants enlevés à leurs familles et confiés à l’Etat français dans les années 60, 70 et 80.
Ces histoires ce sont celles de 2015 mineurs réunionnais transplantés à 10 000 km de chez eux, de leurs proches, de leur île, de leur culture entre 1962 et 1984.
des milliers de traumatismes
Depuis plusieurs années, les témoignages bouleversants des pupilles réunionnais coupés de tout lien avec leur famille se sont multipliés.Au fil de leur rapport, les auteurs confirment les milliers de traumatismes subis, des traumatismes aggravés par l’acculturation, la privation de l’identité et l’isolement.
Mais après les témoignages, ils tentent aussi de faire parler les faits et les documents.
Sur 2015 mineurs 1 800 sont encore vivants. Après avoir quitté la Réunion, Ils ont été placés dans 83 département français, et seulement 10% en Creuse.
Quelle responsabilité pour l'Aide Sociale à l'Enfance ?
La brutalité de fonctionnement, les carences et les manquements des services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) sont confirmés et dénoncés.Mais il semble que ces traitements, qui peuvent aujourd’hui sembler barbares, suivaient un protocole en vigueur partout en France à l’époque, à la Réunion comme en Métropole.
Durant les « trente glorieuses », les enfants n’étaient pas considérés comme des « sujets de droits ».
Ceux qui étaient confiés à l’ASE étaient systématiquement coupés de tout lien avec leurs familles, à la Réunion comme en Métropole.
La responsabilité directe de Michel Debré paraît aussi moins évidente, en tout cas moins que celle de quelques petits fonctionnaires zélés désireux d’accélérer leur carrière en augmentant leurs quotas d’importation de petits réunionnais en métropole.
Expliquer n'est pas excuser
Pour Philippe Vitale "expliquer, remettre dans le contexte, ça n’est pas excuser". Cela doit permettre, au contraire, de tirer les leçons pour l’avenir, et pour le présent, pour éviter qu’une froide machine administrative ne broie à nouveau des enfants comme elle l’a fait en métropole et à la Réunion pendant plusieurs décennies.Les ex-mineurs réunionnais doivent être aidés et accompagnés par l’Etat qui les a blessés.
Désormais les recours judiciaires semblent très aléatoires.
Mais cette histoire doit être connue, reconnue et diffusée pour qu’elle ne se reproduise plus.
Le rapport :
VIDEO : l'entretien exclusif avec Philippe Vitale, sociologue, président de la Commission :
► Retrouvez cet entretien sur YouTube avec les chapitres suivants (en cliquant sur le mot "plus" du descriptif de la vidéo)
- Les grands enseignements du rapport
- Les chiffres
- Les lieux de "transplantation"
- Les dates
- Les origines des "déplacés"
- Combien sont encore en vie ?
- Les modalités des séparations ?
- Les conditions d'accueil des enfants en métropole
- Ont-ils été maltraités avant de quitter La Réunion?
- Les familles d'accueil étaient-elles surveillées ?
- Des traumatismes ?
- Quelles conclusions ?
- Renforcer les droits de l'enfant
- Quelles mesures importante pour aider les victimes ?
VIDEO : La remise du rapport à la Ministre des Outre-Mer :
VIDEO : l'entretien avec Wilfrid Bertile, géographe, ex-député de la Réunion, membre de la Commision :