Olga Yudina a quitté la Russie en juin 2022. Journaliste, elle raconte avoir été contrainte au silence, enfermée dans un hôpital psychiatrique après son licenciement d'une agence de presse proche du gouvernement. Elle a trouvé refuge à Niort, et veut s'installer en France, où elle espère obtenir l'asile.
Olga Yudina était en danger en Russie. Pas à cause de la guerre qui l'oppose à l'Ukraine, mais à cause de son métier. En juin 2022, elle a fui son pays, celui dans lequel elle est née et a grandi. Journaliste depuis plus de dix ans, elle a trouvé refuge à Niort la semaine dernière, après avoir transité par Israël et Paris. Olga est hébergée chez un artisan niortais. Âgée de 36 ans, elle peut désormais souffler. « Je ne veux plus, et je ne peux plus vivre en Russie », explique t-elle.
Les ennuis de la journaliste ont commencé en 2021. Olga travaille alors à Moscou pour l’agence de presse Rossia Segodnia, qu’elle décrit comme « très liée au gouvernement ». Elle a terminé ses études de journalisme à l'université, où elle a aussi étudié le français. Elle écrit sur des sujets culturels, économiques et politiques, et n’imagine pas que ses écrits puissent la mettre en danger. Début juillet, sans davantage d’explication, son chef l’informe qu’elle est licenciée. « J’ai été licenciée illégalement, après ça je posais des questions à mon chef, pourquoi j’avais été licenciée, je voulais trouver une raison, et trouver une solution ».
On m’a emmenée de force dans un hôpital psychiatrique, j’ai passé plus d’un mois enfermée avec des patients, qui eux, étaient vraiment malades.
Olga Yudina
Olga n’obtiendra jamais de réponse. Le 15 juillet 2021, elle raconte qu’alors qu’elle marche près de son ancien lieu de travail, on l’oblige à monter dans une voiture. « On m’a emmenée de force dans un hôpital psychiatrique, j’ai passé plus d’un mois enfermée avec des patients, qui eux, étaient vraiment malades », se souvient Olga. Elle en est sûre, « ça n’était pas pour m’aider, mais pour que j’arrête de poser de questions ». Elle ne sait pas qui a choisi de l’enfermer, mais se questionne : « ils auraient pu simplement me tuer pour que je garde le silence, peut-être qu’ils pensaient que je resterais pour toujours dans cet hôpital ».
« Je voulais oublier ce qui m’était arrivé »
A sa sortie de l’hôpital, la journaliste a les poches vides, mais la peur au ventre. Ses amis lui conseillent de fuir Moscou, elle hésite, avant d’accepter. « Je suis partie sans poser davantage de questions, je voulais oublier ce qui m’était arrivé », confie Olga. Pendant quelques mois, elle pense même que cette histoire est derrière-elle. La journaliste retrouve un poste chez Forbes Magazine, reçoit des compliments de ses chefs sur son travail. Mais au bout de six mois, en février 2022, elle commence à recevoir « des coups de téléphone dans la nuit ». Au bout du fil, presque à chaque fois, un long silence, pour lui faire peur.
L’angoisse gagne rapidement Olga, encore traumatisée par son séjour forcé en hôpital psychiatrique. Les menaces téléphoniques durent des mois. « J’en ai parlé à mes chefs, mais ils n’ont rien fait ». Pire, du jour au lendemain, elle est licenciée sans explication, pour la seconde fois. « On m’a seulement dit de partir, et c’était comme ça », relate la réfugiée. Le coeur serré, Olga comprend alors qu’elle ne sera plus journaliste en Russie. En juin, elle prend un avion et rejoint Paris en septembre.
La semaine dernière, une amie russe, installée en France, l’a invitée à la suivre à Niort. Grâce à un appel à l’aide posté sur les réseaux sociaux, elle rencontre Thierry, un chef d’entreprise niortais, qui lui tend la main et lui propose gracieusement un hébergement. Depuis, Olga rassemble des papiers, et prépare sa demande d’asile. Décidément courageuse, elle a insisté pour que son nom soit cité dans cet article. Elle dit ne plus jamais vouloir retourner dans son pays. Olga l’assure, « je ne suis pas triste d’avoir quitté la Russie, mais soulagée. »