C'est l'épilogue d'un bras de fer qui dure depuis sept ans, et qui opposait Benjamin Tranchant et son ball-trap aux riverains excédés par les nuisances. Le propriétaire, installé à Servanches, en Dordogne, quitte les lieux
"On est très heureux, tout est bien qui finit bien". Ses détracteurs peuvent souffler : le Périgord Shooting Club disparaît du décor. Le terrain de 87 hectares qu'il occupait à Servanches, à mi-chemin entre Périgueux et Libourne, est à vendre. Une nouvelle qui ne réjouira pas les amateurs de tir aux pigeons d'argile, mais qui soulage les opposants de la forêt de la Double, en guerre ouverte depuis l'ouverture du site en mai 2016.
Finies les nuisances sonores, la pollution au plomb, et la dépréciation des biens immobiliers "plombés" par la présence de ce voisin sportif, mais bruyant et, selon certains, peu rassurant. La forêt de la Double va pouvoir retrouver son calme, à la grande satisfaction du collectif de riverains qui s'était dressé devant le propriétaire, Benjamin Tranchant, vice-président du groupe des casinos Tranchant. Sur ce terrain de 87 hectares, l'homme d'affaires avait aménagé 40 hectares dédiés au tir, avec 110 lanceurs et 48 postes de tir sur un parcours d'une centaine de kilomètres, un site de tir unique dans ses proportions pour le sud-ouest.
Le fusil, pas la détente pour tous
L'opposition des riverains avait été à la hauteur et avait donné lieu à une longue passe d'armes entre les deux camps, avec la préfecture en guise d'arbitre. Les opposants avançaient la pollution, sonore, celle du plomb, la sécurité et les lettres ouvertes aux élus et à la population se sont multipliées. Un an après son ouverture, chaque session de tir mettait une nouvelle fois le feu aux poudres, la moindre détonation remotivait les troupes.
Encore étonnés de leur victoire
Fermeture administrative, recours, annulation d'arrêté de fermeture, manifestations, demande de mise aux normes, dépôts de plainte, enquêtes administratives, rapports d'expert... La guerre d'usure a porté ses fruits, le propriétaire a fini par jeter l'éponge. "Maintenant, on ne sait pas qui vient, mais je pense que ça ne pourra pas être pire", estime Thérèse Kohler, opposante du collectif de la première heure, tout en s'avouant encore très surprise de l'issue heureuse du conflit.
"On était bon enfant, on est juste des petites gens, on n'est pas des militants professionnels. Le propriétaire nous avait dit, vous n'avez qu'à aller vivre ailleurs ! On n'avait pas le droit au chapitre, il était très clair là-dessus. Il avait quand même des moyens, il avait des pouvoirs, personne ne croyait trop en nous. Chacun a donné ce qu'il avait à donner et on a réussi, je ne sais pas trop comment ! ".
On a réussi, je ne sais pas trop comment !
Une opposante
Amère déception
Pour Benjamin Tranchant, la pilule est amère. "On a d'autres opportunités, donc on a considéré pour le moment qu'il n'y avait malheureusement rien à faire dans cette région sur le plan économique, y compris sur les grands événements qu'on est capables d'organiser" déplore le casinotier, en avançant que ses activités pouvaient rapporter ailleurs "jusqu'à 500 000, un million d'euros pour les hôteliers, les gîtes, les restaurants, les hôtels. Mais le Périgord doit être une exception dans la France. Il ne faut pas investir et il ne faut rien faire sur le plan local !"
Il n'y avait malheureusement rien à faire dans cette région sur le plan économique
Benjamin Tranchant, propriétaire du Shooting Club du Périgord
Solde de tout compte et facture plombée
L'argument économique n'a effectivement pas primé dans cette bataille, pour une fois serait-on tenté de dire. Il reste à Benjamin Tranchant une compensation, la somme qu'il espère tirer du site de 87 hectares mis en vente 880 000 euros sur le site Forêt-investissement.com. Les riverains resteront vigilants sur le futur repreneur et sur son éventuelle intention de dépolluer le site, qu'ils estiment désormais rempli de 8 à 10 tonnes de plomb, résultat de sept ans de tir intensif.