Il s'agit d'une magnifique collection conservée dans un excellent état. Périgueux est la seule ville de province à conserver une telle collection reliée ayant appartenu à la reine de France guillotinée.
Il y a 185 ouvrages, dans un état de conservation exceptionnel ! "D'ailleurs, ils ont l'air d'avoir été peu utilisés, peu ouverts" s'amuse Anne-Sophie Lambert, directrice de la médiathèque Pierre Fanlac de Périgueux. Serait-il possible que la Reine, occupée par son royal statut, n'ait même jamais ouvert ses propres livres ? Qu'ils n'aient servi que pour le décorum, un faire-valoir culturel ?
Marie-Antoinette est une jeune femme de son temps qui veut lire les ouvrages qui viennent de sortir
Anne-Sophie LambertDirectrice de la Médiathèque de Périgueux
Témoins historiques
Anne-Sophie Lambert explique que les ouvrages étaient probablement le fruit des recherches du libraire royal, expressément chargé de dénicher les dernières nouveautés pour le plaisir de la Reine. Qu'ils aient été feuilletés par les doigts royaux ou pas, n'empêche que, sagement rangés dans leur étagère, ils ont tout de même fière allure, ces ouvrages vieux de plus de deux siècles et deux décennies.
Ils n'ont que peu subi les outrages du temps, mais ils ont malgré tout traversé une belle tranche d'histoire. Les ouvrages ont atterri en Périgord en 1798, cinq ans après que Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Habsbourg-Lorraine a vu sa carrière royale raccourcie par une rencontre brève, mais intense, avec l'ustensile du docteur Guillotin.
Emprunts de bibliothèques
Bien avant que l'on parle de spoliations d'œuvres d'art en temps de guerre, ce sont les confiscations révolutionnaires qui ont fondé la base patrimoniale de ce qui deviendra la médiathèque de Périgueux. À l'époque, l'administration révolutionnaire ordonnait la création d'une école centrale dans chaque département, dans laquelle devait se trouver une bibliothèque. Seulement voilà, où trouver assez de livres pour meubler ces bibliothèques publiques, en un temps où le livre était un objet de luxe ? Tout simplement dans les bibliothèques privées, celles des congrégations religieuses ou des nobles, consciencieusement mises à sac par les révolutionnaires.
Albums de famille royale
C'est ainsi que Michel Damane, professeur de dessin à l'école centrale du département de la Dordogne, obtint l'autorisation d'aller grappiller quelques ouvrages dans les dépôts littéraires de la capitale. Il rafla divers ouvrages de la famille royale, de la tante et de la sœur de Louis XVI, du duc d'Orléans et du Dauphin, mais surtout 185 volumes constituant 39 titres de la bibliothèque personnelle de Marie-Antoinette, saisis au palais du Trianon.
Reportage de France 3 Périgords - Bertrand Lasseguette et Pascal Tinon
Robinson, vêtu d'or et de porphyre
Des œuvres assez variées de littérature française, histoire, pièces de théâtre, et même quelques opuscules à tendance libertine. On y retrouve des best-sellers de l'époque comme ce Robinson Crusoé dans son édition de 1768 (l'original avait été écrit en 1719). Point commun à tous ces livres, une reliure en veau porphyre (comme le porphyre, parsemé de petites taches de couleurs) marqué à la feuille d'or des armes de Marie-Antoinette. Magnifique.
Trésor caché
Les ouvrages de Marie-Antoinette ne sont bien évidemment pas rangés entre le dernier Goncourt et les recettes de truffe du Périgord. Ne les cherchez pas, ils sont soigneusement entreposés dans la réserve. C'est qu'il ne s'agit pas de simples livres, c'est un trésor royal, unique en son genre pour une bibliothèque de province.