Tuberculose bovine : faut-il vraiment sacrifier systématiquement la totalité des troupeaux ?

En Dordogne, où sévit la tuberculose bovine, on s'inquiète du moindre signe d'infection, qui est susceptible d'entraîner l'élimination du troupeau entier. Illustration à Lusignac, au nord-ouest du département

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C'est l'épine dans le pied dont les éleveurs bovins de Dordogne n'arrivent pas à se débarrasser. Depuis des années, le département est l'un des plus touchés par la tuberculose bovine. Une maladie qui se transmet via la bactérie mycobacterium bovis, capable d’infecter de nombreuses espèces animales, domestiques et sauvages, et même l'humain. 

Abattage total préventif

Si cette maladie est si difficile à éradiquer, c'est qu'elle reste compliquée à détecter, car les tests restent peu fiables. Par précaution, les services vétérinaires préconisent donc souvent l'abattage total d'un troupeau, dont quelques individus seulement sont avérés positifs, au grand désespoir des éleveurs qui estiment qu'une partie de leur troupeau aurait pu être sauvé. Une mesure drastique, mais un mal nécessaire qui permet à la France de conserver depuis 2001 son statut "indemne" de la maladie afin de pouvoir continuer à commercialiser sa viande à l'export.

Maladie cachée

"Quand on a plus de 5 % des animaux qui réagissent aux tests tuberculiniques, on considère que le troupeau est infecté, et que cela justifie un abattage total", nous expliquait en 2021 Catherine Carrère-Famose, directrice départementale à la Protection des populations. 

Un abattage total de cheptel peut aussi être décidé lorsqu'on détecte des lésions évolutives sur des animaux abattus, qui permettent de dire que les animaux excrètent du bacille. De plus, ce n'est pas parce qu'un animal ne réagit pas immédiatement aux tests qu'il ne sera pas positif ou contaminant par la suite. Dans les deux mois après la contamination, l'animal ne réagit pas à un test tuberculinique. Et s'il est infecté depuis plusieurs années, il peut ne pas réagir non plus jusqu'à la fin de sa vie.

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En Dordogne, où sévit la tuberculose bovine, on s'inquiète du moindre signe d'infection, qui est susceptible d'entraîner l'élimination du troupeau entier ©France 3 Périgords - Florian Rouliès & Anne-Laure Meyrignac

Éviter l'abattage total

L'abattage total systématique est-il pour autant incontournable, quand le nombre de bovins infectés est très faible ? À Lusignac près de Ribérac, Vincent Chevalarias scrute ses 175 bovins avec attention chaque jour. " On teste une fois par an les animaux, voir s'ils ont été en contact avec la tuberculose et là, cette année, on a une bête qui a re-répondu. Une jeune, une génisse", explique l'éleveur.

On est sur un secteur où on a des récidives de la tuberculose.

Vincent Chevalarias

Eleveur

Il y a quatre ans, l'éleveur avait déjà connu la même situation, mais il avait alors obtenu une dérogation pour éviter l'abattage total de son troupeau, en acceptant de respecter un strict cahier des charges sanitaires. "Il faut que le nombre d'animaux touchés dans le troupeau soit très limité", explique Nicolas Corboz, responsable du Groupement de Défense Sanitaire 24. "Et il faut que l'éleveur empêche la diffusion de la maladie aux élevages voisins, avec la gestion de voisinage du pâturage et la gestion du fumier".

Blaireaux et renards bouc-émissaires

Ce qui nécessite des confinements et des interdictions de pâtures, comme ces six hectares de Vincent Chevalarias, d'ordinaire très prisés de ses bovins, car il y fait frais. Malheureusement, l'endroit est aussi fréquenté par des blaireaux dont on sait qu'ils sont vecteurs de la maladie. "Sur un site comme ici, on est à peu près à 30 % des blaireaux infectés", explique l'agriculteur. S'il veut avoir une chance d'obtenir une dérogation, il sait donc qu'il devra rigoureusement interdire le lieu à ses vaches. La part du feu.

 BCG pour blaireaux

D'abord transmissible entre bovins, la tuberculose bovine se transmet aussi par la faune sauvage, les renards et les blaireaux étant les plus incriminés. C'est ce qui a incité l'Office Français de la Biodiversité et l’Agence nationale de sécurité sanitaire à expérimenter depuis avril 2023 la vaccination des blaireaux en Nouvelle-Aquitaine et en Dordogne notamment.
Les blaireaux capturés sont testés, les animaux infectés sont éliminés. Les autres sont vaccinés avec le vaccin bilié de Calmette et Guérin (BCG), le même vaccin que celui utilisé en santé publique humaine, avant d'être relâchés. Pour la petite histoire, ce fameux vaccin qu'on inocule à l'homme est lui-même issu d'une souche atténuée de bacille tuberculeux bovin.

Blaireau piqué, gazé et appâté

L'opération aurait déjà fait ses preuves dans les Îles Britanniques. Financée à hauteur de 250 000 euros par le ministère de l'Agriculture, elle pourrait se généraliser en cas de succès. Le blaireau est décidément appelé à se plier aux contraintes sanitaires humaines s'il veut survivre. Dans les années 70, ce mal-aimé avait massivement été gazé dans les terriers. Puis, en 1986, il avait fait l'objet d'une vaste campagne de traitement par le biais d'appâts déposés devant les terriers, il s'agissait alors d'éradiquer la rage. L'opération avait été un succès.

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