Le 27 septembre prochain, tout le troupeau de vaches limousines de Didier Goursat, agriculteur à Dussac en Dordogne, sera abattu en raison de l'infection de plusieurs bêtes par la tuberculose bovine. Pour l'éleveur, c'est un crève-cœur, qui l'amène à arrêter son activité.
"J'ai 51 ans, je travaille depuis 30 ans, je n'avais pas prévu de m'arrêter comme ça, c'est un crève-coeur" déplore Didier Goursat, éleveur de vaches limousines à Dussac en Dordogne. Le 17 décembre 2020, lors de la prophylaxie annuelle de son cheptel, plusieurs de ses vaches ont présenté une réaction positive au test visant à dépister la tuberculose bovine.
Après l'abattage de plusieurs animaux et d'autres analyses, il doit désormais se séparer de tout son troupeau à la fin du mois, sur ordre de la préfecture, par principe de précaution.
Et même les bêtes saines devront être abattues, ce qu'il ne peut supporter.
Ma décision d'arrêter ce métier et l'élevage bovin est simple : je ne suis pas suicidaire, je ne suis pas masochiste, je n'ai pas envie de revivre neuf mois de stress et d'anxiété comme on vient de le vivre.
"J'ai décidé de ne pas repeupler mon exploitation avec des bovins pour ne pas prendre le risque de revivre la même mésaventure l'année prochaine. Certains de mes collègues sur le département en sont à leur quatrième abattage total" déplore-t-il.
Je le vis très mal depuis le 17 décembre, j'arrête pour ne pas revivre ça. Qu'est-ce que je fais de mes dix années de carrière qu'il me reste à faire ? Je ne sais pas. C'est un crève-cœur, trente années de travail qui s'effondrent
Une maladie difficilement détectable
La tuberculose bovine se transmet via une bactérie, mycobacterium bovis, capable d’infecter de nombreuses espèces animales, domestiques et sauvages, notamment les humains.
Mais elle reste difficile à détecter et les tests peu fiables. "J'ai fait abattre des animaux qui n'étaient pas malades" regrette ainsi l'éleveur. Certaines de ses bêtes ont quand même été testées positives après l'abattage, ce qui conduit la préfecture à ordonner la mort de tout le troupeau. "Pourquoi on tue des cheptels entiers quand il n'y a qu'un ou deux animaux positifs ?" s'interroge Didier Goursat.
"Quand on a plus de 5 % des animaux qui réagissent aux tests tuberculiniques, on considère que le troupeau est infecté, et que cela justifie un abattage total", répond Catherine Carrère-Famose, directrice départementale à la Protection des populations. D'autres critères sont pris en compte pour décider un abattage total, par exemple "quand on a des lésions évolutives (constatées à l'abattage - ndlr), qui permettent de dire que les animaux excrètent du bacille."
D'autre part, ce n'est pas parce qu'un animal ne va pas réagir tout de suite au test qu'il ne va pas être positif ou contaminant par la suite : "dans les deux mois après la contamination, l'animal ne réagira pas à un test tuberculinique", précise aussi Catherine Carrère-Famose."Et quand il est infecté depuis plusieurs années, il peut ne pas réagir non plus jusqu'à la fin de sa vie."
Quand le nombre de bovins infectés est moins important, un abattage partiel peut-être décidé. "L'éleveur est indemnisé sur le coût de ses animaux et le manque à gagner le temps qu'il puisse repeupler" ajoute-t-elle.
→ regardez le reportage de Philippe Niccolaï et Anne-Laure Meyrignac
Lors de la campagne de prophylaxie d'octobre 2020 à juin 2021, Catherine Carrère-Famose indique que 27 foyers de tuberculose bovine ont été détectés en Dordogne, l'un des départements les plus touchés de France.
"Depuis vingt ans, on applique des méthodes qui ont prouvé leur inefficacité" déplore l'éleveur, qui ne comprend pas que la recherche n'évolue pas pour permettre de détecter correctement la maladie. "On nous explique que la tuberculose bovine est une bactérie très difficile à détecter. Mais en 2021 si on n'arrive pas à créer des tests fiables pour détecter la bactérie, je ne comprends plus."
Le blaireau responsable ?
Pour Didier Goursat, le responsable de la contamination de son troupeau, c'est probablement le blaireau, présent en grand nombre autour de son exploitation. "Il a été fait des tirs de nuit sur quatre sorties : 25 animaux ont été tués sur 31 vus, sur un rayon d'un kilomètre. On peut considérer effectivement qu'il y a surpopulation" estime-t-il.
Depuis plusieurs années, l'ANSES étudie la prévalence de la tuberculose bovine chez la faune sauvage. En Dordogne, lors de prélèvements réalisés en 2017 sur une population de 189 renards, seuls 6 % d'entre eux étaient contaminés, "un même ordre de grandeur que les blaireaux dans cette zone".
Pour aller plus loin :
- rapport de l'ANSES d'août 2019 : Gestion de la tuberculose bovine et des blaireaux