C'est un cas exceptionnel : les services vétérinaires ont annoncé à un éleveur de vaches, en Haute-Vienne, que son troupeau était atteint de tuberculose bovine, ce qui signifie l'abattage du cheptel. Sauf qu'il s'agissait d'une erreur de diagnostic.
Dans sa ferme implantée à Séreilhac, en Haute-Vienne, Ludovic Authiat regarde ses vaches : 75 limousines qu’il a failli perdre. Et quand il évoque l’épreuve qu’il vient de traverser, il a encore du mal à contenir son émotion :
Quand on m’a annoncé que mon cheptel allait être abattu (…) j’aurai pu me suicider comme beaucoup d’éleveurs. Et aujourd’hui on dirait à mon épouse « votre cheptel n’a rien ».
Tout a commencé début avril avec la vente de 5 broutards (des veaux de 10 mois destinés à un centre d’engraissement). En transit par la Dordogne, ils sont testés à la tuberculose bovine, très présente dans ce département. Deux veaux réagissent et sont déclarés positifs. Ils sont aussitôt abattus et expertisés.
S’enclenche alors le protocole sanitaire en cas de tuberculose bovine et, avec lui, le calvaire de l’agriculteur haut-viennois : "Mon élevage a été placé sous surveillance, c’est-à-dire que je n’avais plus le droit ni de vendre, ni de faire circuler mes animaux ", poursuit Ludovic Authiat.
Durant 15 jours, l’exploitation est au point mort et les annonces s’enchaînent : "C’était l’enfer, le téléphone n’arrêtait pas de sonner et on me disait « il faut abattre »".
Jusqu’à ce rebondissement, en début de semaine : "la DDCSPP (direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations) m’a annoncé qu’il s’agissait une erreur et que le protocole d’abattage était arrêté".
Un cas exceptionnel…
Pour expliquer ce revirement de situation, il faut remonter les étapes de la procédure.
Il n’y a pas eu d’erreur de tests ou d’interprétation.
Lors de la vente des jeunes bovins, les tests « d’introduction » (réalisés sur les animaux vivants) étaient en effet bien positifs. Ce qui a enclenché la mise sous surveillance de l’élevage de provenance. "Ensuite, explique la responsable des services vétérinaires, les 2 veaux ont été abattus pour faire des prélèvements (tests PCR) afin de rechercher les mycobactéries responsables de la tuberculose". Là encore, les deux tests se sont révélés positifs.
D’où la suite de la procédure réglementaire : "On a déclaré le cheptel infecté de tuberculose bovine parce qu’on avait cette succession de tests positifs".
Mais c’est à la 3e étape que tout a basculé. Les prélèvements ont ensuite été envoyés au laboratoire national de référence, l’ANSES (le laboratoire de sécurité des aliments) pour déterminer la souche de tuberculose bovine en cause. "Et là il s’est produit quelque chose d’extrêmement rare, l’Anses a mis en évidence que ce n’était pas de la tuberculose bovine, mais qu’il s’agissait de la tuberculose des rongeurs ".
Cette tuberculose est présente très présente dans l’environnement n’a normalement aucune incidence sur les bovins. Mais à Séreilhac, elle a été captée par les deux jeunes bovins et elle a interféré avec leurs tests.
... et une procédure très habituelle
Pour tenter d’expliquer ce cas exceptionnel à l’éleveur (par ailleurs membre de la Coordination Rurale) et à son épouse, une réunion s’est déroulée mercredi 28 avril, à la salle des fêtes de Séreilhac.
C’est quelque chose d’extrêmement rare puisqu’il n’y a eu que 4 cas en France depuis une vingtaine d’années où on suit cette maladie
Une situation tellement inattendue que le protocole de lutte contre la tuberculose bovine ne la prend pas en compte aujourd'hui. L'urgence pour tenter d'éradiquer la maladie passe donc souvent par l'abattage systématique des troupeaux. "Mais à l'avenir, nous allons essayer de trouver des solutions", a assuré la responsable des services vétérinaires.
A l’extérieur de la salle, sous la surveillance de la gendarmerie, plus d’une soixantaine d’agriculteurs de syndicat attendaient aussi les explications de la représentante de l’Etat.
Car ce n’est pas la première fois, en Haute-Vienne qu’une erreur de diagnostic de la tuberculose bovine se produit. Début février 2021, un élevage de Ladignac-le-Long a été déclaré porteur. Sauf qu’il s’agissait d’une erreur d’inversion d’échantillons…
Ce qui avait engendré une opération musclée contre des agents des services vétérinaires. Une plainte a été déposée par les services de l'Etat.
Mercredi dernier, rien de tel, mais les échanges sont restés très vifs à la sortie de la réunion, car les agriculteurs de la Coordination Rurale accusent l’Etat d’être trop protecteur de la faune sauvage, selon eux vectrice de la maladie.