Ce mercredi 21 septembre 2022, nous avons rencontré une femme victime de violences conjugales pendant sept ans à Périgueux. C'était, il y a presque quinze ans, mais les émotions restent les mêmes.
Lorsque nous arrivons au local de l’association Femmes Solidaires, à Périgueux, ce mercredi 21 septembre 2022, elles sont deux à nous accueillir. Un membre actif de l’organisation, une femme victime de violences. Il est impossible de savoir qui est qui. Car comme on le répète souvent dans ce genre de cas, il n’y a pas de profil type de victime, comme il n’y a pas de profil type d’agresseur. On peut parfois noter des traits de caractères communs, mais c’est tout.
"On a souvent constaté que les femmes victimes de violences conjugales, se mettaient très souvent à la place de l’autre. Elles sont très empathiques, bienveillantes quand face à elles, l’agresseur est très souvent autocentré", détaille Pascaline Dupuy de l’association Femmes solidaires en Dordogne.
Marie (nous l’appellerons ainsi pour préserver son anonymat, qu’elle a souhaité conserver) est donc une femme comme les autres d’apparence. Difficile d’imaginer au premier regard, son passé et les conséquences qu’il a encore maintenant sur elle.
Les victimes de violences conjugales sont fortes, elles ne sont pas faibles. Il faut un sacré courage, pour embaucher un matin après avoir pris des coups toute la nuit !
Marie-Victime de violences conjugales
Périgourdine d’adoption de presque 40 ans, elle a vécu les violences conjugales pendant sept ans. Elle a réussi à s’en sortir il y a 14 ans et n’avait jusqu'alors pas témoigné sur la question, auprès des médias.
Lorsqu’elle raconte ce qui lui est arrivé, elle reste digne, soutient notre regard. Elle le dit elle-même : "Les victimes de violences conjugales sont fortes, elles ne sont pas faibles. Il faut un sacré courage, pour embaucher un matin après avoir pris des coups toute la nuit, sourire à ses collègues, faire comme si de rien n’était puis repartir le soir, la boule au ventre en ne sachant pas ce qui nous attend."
Tout a commencé quand elle avait 20 ans, passionnée par l’Afrique, elle y passe des vacances et rencontre à cette occasion son ex-mari. Après un bref retour en France, elle décide de partir vivre là-bas. "Nous nous sommes mariés en Afrique, il y a donc eu une enquête pour savoir s’il s’agissait d’un mariage blanc ou non. Le consulat m’avait alors demandé si j’étais victime de violences conjugales. Lorsque je leur ai répondu que non, ils m’ont expliquée que ça allait commencer après le mariage. Effectivement, c’est là que ça a commencé", raconte-t-elle.
Les premiers coups
Le premier coup a été donné en Afrique : "Je me disais à ce moment-là qu’il s’agissait d’une question de culture et qu’une fois rentrés en France, la fréquence allait diminuer. Mais ça a été l’inverse. Plus le temps passait, plus les coups étaient rapprochés"
"Au début, j’avais l’impression que c’était justifié, parce que ça partait d’une grosse dispute et elle était tellement forte et ça montait tellement haut, que j’avais l’impression que la violence était la suite logique. Puis ce sont des éléments du quotidien qui ont entraîné des coups. Par exemple, il pouvait me demander l’essuie-tout, je lui passais, l’essuie-tout tombait par terre, je me prenais une gifle. Dans l’évolution du temps, la violence est devenue normalisée. Il n'y avait plus de disputes pour la justifier", explique calmement Marie.
"Quand vous vous prenez le premier coup, vous ne comprenez pas, mais vous vous remettez forcément en question, car il va se mettre à genoux devant vous en pleurant, en demandant pardon et en promettant de ne jamais recommencer. Vous essayez donc de comprendre, et vous vous dites que la raison des violences ne peut venir que de vous. Et c’est d’ailleurs ce mécanisme psychologique de culpabilité qui fait qu’on se laisse enfermer dans la relation. Alors qu’il n’y a pas de culpabilité à avoir, et qu’à la première claque, il faudrait déjà dire stop et partir", s’emporte-t-elle.
Il m’a longtemps menacée de mort, en espérant que la peur me ferait céder. Mais ma décision était prise.
Marie-Victime de violences conjugales
Durant sept ans, Marie a essayé de quitter son ex conjoint à plusieurs reprises. C’est elle qui travaillait, faisait vivre son foyer, face à la solitude de son bourreau, loin de sa famille et de ses amis en France, elle ne réussissait pas à aller au bout de la démarche, à l’époque.
C’est grâce à un ami commun qu’elle réussit à se séparer de lui : "Il avait dû repartir en Afrique pour raison familiale, j’ai profité de son absence pour organiser son déménagement chez un proche qui a accepté de l’accueillir pour me permettre d’être enfin en sécurité chez moi." À son retour, son ex-mari a bien sûr essayé de revenir : "Il m’a longtemps menacée de mort, en espérant que la peur me ferait céder. Mais ma décision était prise."
Dix plaintes non reçues par la police
Aujourd’hui bien qu’à 700 km de lui, Marie se sent toujours insécure : "Je fais tout pour qu’il ne connaisse pas ma nouvelle adresse, par des amis, nous avons en commun. Et c’est malheureux à dire, mais je n’ai absolument pas confiance en la police et en la gendarmerie, car toutes les fois où j’ai eu à faire à eux, je n’ai ni été crue, ni entendue."
En sept ans, Marie a essayé de déposer dix plaintes, aucune d’entre elles n’avaient été prises au commissariat de Périgueux : "Je me souviens d’une fois, alors que nous faisions des courses dans une zone commerciale, une dispute a éclaté, je suis sortie de la voiture, il m’a poursuivie et frappée. Ce sont les vendeuses d’une boutique qui m’ont récupéré et mise à l’abri avant d’appeler la police. La police est arrivée, nous a emmenés au commissariat, nous a assis l’un a côté de l’autre et là, c’est une femme qui nous a reçus, elle ne l’a pas regardé une seule fois, elle s’est tournée vers moi, m’a regardé et dit : « Madame, si ça ne va pas dans votre couple, vous n’avez qu’à divorcer."
Des anecdotes comme celle-là, Marie nous en a raconté plusieurs, tout en affirmant : "je ne sais pas quel est l'accueil actuellement, ça remonte à quatorze ans tout ça." Pour Pascaline Dupuy de Femmes solidaires 24, le changement de l'accueil des femmes victimes de violences par les forces de l'ordre doit changer et : " reste insatisfaisant."
Un accueil policier amélioré depuis 2019 ?
Le commissariat de Périgueux que nous avons contacté nous a expliqué que les choses ont évolué depuis le grenelle de 2019 :" nous avons pu mettre des moyens humains supplémentaires sur le terrain pour accueillir les victimes, nous sommes passés de trois à sept personnels consacrés à la question. Et nous leur faisons faire une formation particulière pour qu'ils soient à l'écoute le mieux possible. Bien sûr, il peut arriver que l'accueil soit débordé et que notre écoute ne soit pas aussi satisfaisante qu'il le faudrait. Mais dans ces cas-là nous accueillons une seconde fois la personne dans de meilleures conditions."
Si vous êtes victime de violences conjugales, vous pouvez appeler le 3919, un numéro gratuit anonyme accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.