Avec l’augmentation des prix, notamment de l’énergie, et la non-revalorisation des indemnités kilométriques et des actes médicaux, le quotidien est difficile pour une profession pourtant mise en avant pendant la pandémie, celle d’infirmière libérale.
À 38 ans, Mallory Leyle est infirmière libérale à Blanquefort (Gironde). Elle exerce dans trois communes de l’agglomération bordelaise. Chaque jour, elle prend soin de 30 à 50 patients et parcours des centaines de kilomètres. "Entre 150 et 200, ça dépend le nombre de patients non suivi au long court qu’on a par jour. Ça dépend de la demande en fait. Le matin on ne sait jamais vraiment combien on fera car on a des appels sur la journée", explique-t-elle.
La hausse des prix des carburants a été un coup de massue pour cette professionnelle. Son plein est passé de 55 à 80 euros. Et de leur côté, les indemnités kilométriques, n’ont pas été revalorisées depuis 10 ans. C’est 2,50 euros le forfait déplacement en zone urbaine. Conséquence, Mallory craint de devoir renoncer à la prise en charge de certains patients.
Si on doit aller prendre en charge un diabétique avec des soins à peu près à 8 euros l’acte et qu’on doit faire à chaque fois 20 kilomètres, trois fois, non, on ne le fera pas.
Mallory LeyleInfirmière libérale
Des journées à rallonge
Les actes aussi n’ont pas augmenté depuis longtemps. Pourtant, ce sont les infirmières libérales qui assurent les soins lourds à domicile des patients en grande dépendance. "La prise en charge du maintien à domicile est une priorité nationale surtout avec le tollé des Ehpad et c’est 7,95 euros bruts la demi-heure. On compte un abattement de 40% de charges, ça fait beaucoup de demi-heure pour avoir un salaire décent à la fin du mois pour nourrir sa famille", déplore Mallory.
En plus de ses visites à domicile, l’infirmière reçoit également les patients dans son cabinet. Et la pandémie de covid-19 a augmenté sa charge de travail. Sa journée commence à 5h15 le matin et se termine vers 21 heures. Un rythme effréné que Mallory ne pense pas pouvoir poursuivre jusqu’à 67 ans, âge de son départ à la retraite à taux plein. "Cela me semble compliqué de tenir jusque-là. À un moment donné il va falloir réfléchir à une reconversion parce que ça ne va pas être possible, même nerveusement", avoue-t-elle.
Baisse du pouvoir d’achat
Malgré ses très longues journées de travail, Mallory est rémunéré 2000 euros net par mois en moyenne selon les actes effectués. Le cabinet et le matériel lui coûte environ 1500 euros par mois et ses charges personnelles (crédit maison, électricité, gaz, assurance, mutuelle) dépassent les 2000 euros sans la nourriture. Celle qui est aussi mère de trois enfants a bien sûr constaté une baise de son pouvoir d'achat : "C’est une diminution du niveau de vie qui s’est fait insidieusement, doucement. On s’est habitué à faire avec peu et on a même perdu l’idée de se dire "tiens on va faire un cinéma." En termes de loisirs, de qualité de nourriture, ça a considérablement diminué. Le coût de la vie a augmenté c’est clair. La viande c’est pour les enfants… Comme on s’est tous habitués à faire."
Je ne pars pas en vacances. On part chez ma mère ou chez des amis. Les sports d’hiver sont impossibles. Mes enfants n’ont jamais été au ski.
Mallory LeyleInfirmière libérale
Avec l’augmentation encore plus importante des prix de l’énergie ces derniers mois, Mallory à même pris d’autres habitudes pour faire des économies : "À la maison j’ai gaz et électricité donc là j’ai baissé d’un degré le radiateur. Avec le conflit (en Ukraine ndlr) ça va encore plus augmenter. La nourriture aussi."
À quelques semaines de la présidentielle, cette infirmière attend du prochain président qu'il rémunère à la hauteur du temps passé à soigner. "J’attends que les prises en charge soient mieux rémunérées pour les faire correctement et avoir des horaires de travail journalier qui soient plus en corrélation avec le salaire", espère-t-elle.