L'unité de soins intensifs de néonatologie du CHU de Bordeaux a mis en place un dispositif inédit en France: prolongement du cordon ombilical, un "cordon numérique" permet de maintenir un lien visuel et affectif entre les familles et les bébés pendant leur séjour en couveuse.
Laetitia André a accouché à La Rochelle d'un petit Timéo, né à seulement six mois: "je ne l'ai vu que cinq petites minutes avant qu'on me l'arrache pour le transférer à Bordeaux", témoigne-t-elle. Ce n'est que le lendemain que la jeune mère angoissée a pu rejoindre son premier enfant. Aujourd'hui, elle est installée à la "Maison des Parents", structure d'accueil rattachée au CHU.
Mais elle y est seule. Le père de Timéo, lui, est resté à La Rochelle: "il n'a plus de vacances". Alors pour cette famille, comme pour beaucoup d'autres, le "cordon numérique", c'est pour papa qui travaille et reçoit tous les soirs une alerte signalant la vidéo du jour de Timéo. Cet "outil passerelle, simple d'utilisation, maintient le lien crucial dans les premières heures de la vie" avec les parents et la fratrie, explique Nelly Meunier, co-fondatrice de la société high-tech bordelaise, Hopen Project, maître d'œuvre du projet.
16 caméras pour 16 couveuses
Dans l'unité de soins bordelaise, 16 caméras pour 16 couveuses. Un œil électronique fixé au-dessus de chaque berceau médicalisé filme bébé. Les images sont projetées en temps réel sur le "bbWall" (mur des bébés), une mosaïque de nourrissons endormis sur un écran témoin surveillé par un cadre de santé qui sélectionne les images et les transmet par internet aux familles, via des comptes personnalisés.
Le cordon numérique, qui rompt "l'éloignement géographique mais aussi charnel entre mère et enfant", est un "plus évident pour la vie psychique des parents", assure le Dr Sarlangue. Au CHU, à peine la moitié des bébés, traités pour de lourdes pathologies néonatales ou de grandes prématurités sont nés en Gironde. C'est donc dans toute la Nouvelle Aquitaine, et même au-delà, jusqu'au Maroc, qu'une trentaine de familles a déjà testé l'outil depuis sa mise en place en 2016.
Coût total de l'opération, 115.000 euros entièrement financés par l'association Aquitaine Destination, "grâce notamment aux dîners caritatifs animés par deux grands chefs étoilés: François Adamski et Michel Roth", précise son président Benat Cazenave. "Ce qui n'empêche pas un appel à d'autres mécénats", souligne Nelly Meunier, qui veut étendre le projet à d'autres centres hospitaliers.