Sur Instagram ou TikTok, ses publications virales frôlent régulièrement le million de vues. Alexia Blanchy, agente immobilier bordelaise, s’est lancée sur les réseaux depuis deux ans. Vidéos incarnées, mots-clés, la pratique se développe dans ce secteur en perte de vitesse depuis mars 2023.
Au sommet d’un immeuble de Caudéran, Alexia Blanchy répète une énième fois la petite saynète qu’elle a imaginée. “Je vais mettre le couvert sur la table, ce qui permettra de voir l’espace de vie”, lance-t-elle à son vidéaste Harold Provost. Derrière son boîtier, il filme et fait le montage des réels, ces courtes vidéos sur Instagram qui ont permis à l’agent immobilier de se faire connaître.
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Publicité gratuite
Le métier d’agent immobilier, Alexia Blanchy l’exerce depuis sept ans dans la capitale girondine. “C’était des années hyper fastes, tout se vendait en claquant des doigts. Les Parisiens venaient en masse, puis il y a eu le covid où l’achat était très spontané”, se souvient-elle. Puis, en mars, la crise immobilière. Les prix du marché très élevés se confrontent à des taux d’intérêt revus à la hausse. Les clients deviennent plus rares, et les affaires moins fructueuses. “Je voulais capter de nouveaux acquéreurs et j’ai réalisé que les réseaux sociaux étaient une publicité gratuite ou presque, et que ce serait bête de ne pas en profiter”, explique Alexia Blanchy, agent immobilière chez Abec Immobilier.
L’agent immobilier est loin d’être la seule à avoir eu cette idée. Sur les fils d’Instagram, de Facebook ou encore de Tiktok, l’immobilier s’est fait une place, et a même créé une tendance : le real estate porn, comprenez, le “porno immobilier”. La pratique consiste à consommer, de manière importante des vidéos de biens, généralement luxueux et hors de portée, pour rêver.
En France, la méthode a été popularisée par des agences immobilières de luxe et notamment la série Netflix “L’Agence”, qui suit le quotidien d’une famille d’agents immobiliers, les Kretz. “Ce placement est assez rare en France. Mais cette méthode de présenter des beaux biens en fait des produits d’appels pour les autres, accessibles à plus de clients”, explique Céline Louise dit Lemière, coach en communication digitale, auteur de “Plus de mandats grâce aux réseaux sociaux”.
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La tendance, au-delà d’une stratégie commerciale, donnerait une nouvelle vision du métier. “Avant, on nous voyait comme des ouvreurs de portes. Là, ces émissions permettent de voir toutes les compétences, de réseau, juridiques qui sont nécessaires”, précise Céline Louise dit Lemière.
"Star-system" immobilier
Comme dans les autres secteurs, la vidéo, de préférence courte, est devenue le médium le plus consommé par les utilisateurs. “Plus personne ne veut se concentrer pour écouter des vidéos pendant des heures ou à faire défiler des photos de mauvaise qualité”, indique Céline Louise dit Lemière.
Les gens veulent connaître l’agent immobilier avant de l’avoir rencontré. Il faut à la fois raconter des histoires et créer un lien de confiance.
Céline Louise dit Lemièrecoach en communication digitale
Loin des visites virtuelles, la tendance tend vers une forme de “star-system” de l’agent immobilier. “Il faut créer un lien avec la clientèle. Ça passe par une personnification de ces vidéos, soit en racontant les coulisses de son métier, les partenaires avec lesquels on travaille, les bons plans du secteur”, illustre la coach en communication digitale. Des méthodes qui ont déjà fait leurs preuves à la télévision, avec des émissions qui ont permis de hisser au rang de star certains agents.
Alexia Blanchy, le comprend en juin 2023 et décide alors de changer de méthode. “J’ai voulu me démarquer en me mettant en scène dans les vidéos. Je voulais des vidéos avec de la musique”, explique Alexia Blanchy. "Je ne veux pas être l’agent immobilier qui va vous vendre un bien, je souhaite vous recevoir chez moi.”
Inspirée par une influenceuse et humoriste célèbre, l’agent immobilier se démarque par un ton humoristique et des mots-clés étonnants. “Aujourd’hui, les gens m’arrêtent dans la rue en me disant “audace”, un de mes mots fétiches, comme “fou fou fou” ou “provocation””, sourit celle qui était formatrice en marketing avant d'entamer une carrière dans l’immobilier.“Je sais que comme pour une marque, il faut être identifié par un mot, un slogan qui accroche”, Alexia Blanchy.
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Trouver sa niche
Face aux algorithmes et aux audiences des différents réseaux sociaux, “se nicher” est aujourd’hui devenu un prérequis pour gagner en visibilité. “Le plus important, c’est de mettre en place une stratégie suivant les objectifs qu’on veut atteindre. On ne dit pas la même chose aux vendeurs qu’aux acquéreurs. Si Instagram est plus ciblé sur les primo-accédants, Facebook va parler à une communauté plus âgée”, souligne Céline Louise dit Lemière.
Il faut absolument trouver un secteur où se nicher et le tenir pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois.
Céline Louise dit Lemièrecoach en communication digitale
Pour Alexia Blanchy, la recette fonctionne. Sous ses publications, les commentaires se comptent par milliers. Une notoriété qui ne s’accorde pas sans une part d’ombre : nombre de ces messages dénoncent une “gêne” ou expriment un rejet des méthodes de l’agent immobilier. “L’amour, je le gère très bien. La haine, ça m’affecte évidemment. Je tente de répondre à quelques commentaires avec humour, mais je sais qu’on ne peut pas plaire à tout le monde”, explique l'agent immobilier.
"Trois quatre biens par semaine"
Au-delà de la visibilité, l’agent immobilier annonce sur les réseaux sociaux, avoir vendu 11 biens depuis janvier 2024 grâce à ses vidéos Instagram. “C’est ma meilleure année. En moyenne, je rentre trois ou quatre biens par semaine, et autant qui sortent, je vous laisse faire le calcul”, lance celle qui assure avoir largement accru ses ventes, malgré la crise immobilière qui s’est installée à Bordeaux.
À raison d’une vidéo tous les trois jours, Alexia Blanchy a fait des réseaux sociaux une partie intégrante de son métier. “Ça demande du temps, d’aller chercher des compétences et de maîtriser ses publications en trouvant les idées, les réaliser et les échelonner dans le temps pour rester régulier. C’est un petit peu tous les jours”, détaille Céline Louise dit Lemière.
Les gens sont passifs sur les réseaux. Il faut aller vers eux, les inviter, leur dire clairement “si vous êtes intéressé, prenez rendez-vous".
Céline Louise dit Lemièrecoach en communication digitale
Depuis quelques années, l’intelligence artificielle est d’ailleurs venue en renfort à ces instagrammeurs immobiliers. “On peut utiliser chat GPT pour la rédaction de textes, en les retravaillant par la suite. Ça permet de créer des publications pour un mois, en quelques heures”, explique la coach en communication digitale. De nouveaux outils qui sont aussi utilisés pour des interactions plus individuelles. Newsletter, Whatsapp ou encore mail, l’intelligence artificielle s’immisce aussi aujourd’hui dans ces échanges, pour “maintenir son réseau régulièrement”, tout en contournant les méthodes chronophages des SMS d’antan.