Un accident survenu lors d'un "run" sauvage à Bordeaux vendredi soir 14 avril a blessé douze personnes. Le phénomène, loin d'être nouveau, préoccupe les autorités.
Un coup de projecteur inattendu. L'accident survenu lors d'un "run" sauvage et qui a blessé 12 spectateurs à Bordeaux-Lac a mis en lumière un phénomène illégal mais ancien dans la métropole bordelaise. Le chauffard, placé en détention provisoire, encourt jusqu'à 7 ans de prison. Ces regroupements illégaux de voitures, à même la voie publique et où la vitesse fait figure de maître-mot, sont particulièrement difficiles à endiguer pour les autorités.
"Il faut identifier les points de rassemblement, confirme Emmanuel Richard, commissaire divisionnaire à la Division départementale de sûreté publique. On essaie d'anticiper, mais c'est assez compliqué."
Des lieux et des dates aléatoires
Ceux-ci se forment à partir de groupes Facebook dédiés, comme nous l'ont indiqué plusieurs victimes de l'accident. "Une fois que c'est identifié, on verbalise les participants et on procède à des saisies de voitures", poursuit le commissaire. La tâche est cependant ardue, puisque, même s'ils se tiennent souvent les vendredis soirs, les lieux de ces runs restent mouvants. L'un de ces rassemblements a en effet été enregistré à Mérignac, dans la métropole bordelaise, au printemps dernier.
Leur périodicité demeure également aléatoire. "On a travaillé dessus en avril dernier, et depuis, plus rien", poursuit Emmanuel Richard. L'arrivée des beaux jours pourrait expliquer une recrudescence du phénomène en avril dernier, "mais il n'y en a pas eu l'été dernier", remarque le commissaire. "Malgré le travail des services de police [...], les participants à ce type de pratiques persévèrent au mépris de toutes les interdictions", a confirmé la procureure de la République de Bordeaux, Frédérique Porterie, dans un communiqué dimanche après-midi.
"Les pouvoirs publics [...] vont continuer à agir avec fermeté" a de son côté annoncé le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, sur Twitter. Le fléau touche la plupart des métropoles françaises. Pêle-mêle, des runs ont été recensés autour de Nantes, Toulouse ou Montpellier ces derniers mois. Dans la Ville rose, la police a même accru la surveillance à bord d'un avion en août dernier.
Une piste d'accélération, réel motif d'espoir ?
Face à un tel casse-tête, la régulation de l'activité pourrait s'imposer. A la suite d'accidents mortels survenus lors de runs réunissant des motos, une piste d'accélération a ainsi été inaugurée en 1997 à Bordeaux-Lac. "Depuis, il n'y a pas eu un seul mort", se félicite Bruno Saint-George, président du Moto club Bordeaux accélération, à l'origine de l'initiative.
"Ici, le public est sur une butte, pour qu'il n'y ait aucun souci en cas de perte de contrôle de la moto", poursuit-il. Le contraste avec les vidéos glaçantes de l'accident survenu vendredi 14 avril, sur lesquelles les spectateurs heurtés sont directement au bord de la route, est saisissant. En ce sens, Bruno Saint-George juge "incompréhensible" qu'une piste similaire ne voie pas le jour pour les voitures.
Certaines personnes ne supportent pas d’être encadrées ou dirigées et préfèrent défier l'autorité.
Bruno Saint-George - Président du moto club Accélération
Pour l'heure, la médiatisation de l'accident pourrait mettre un coup d'arrêt provisoire à la pratique. "Ca a réellement choqué les gens, énonce le commissaire Emmanuel Richard. Samedi, nous avons eu de nombreux appels de personnes qui, dès lors qu'ils attendaient un moteur rugir fort, pensaient à un run."
La persistance de ces runs est également due à une forte demande, pour des "spectacles" parfois suivis par plusieurs centaines de passionnés. Le parquet, cité dans le communiqué de la procureure fustige ainsi ces spectateurs qui les cautionnent "puisque les conducteurs viennent justement exhiber leurs performances devant des tiers".