A compter de mercredi 18 mai, le service des urgences adultes du CHU Pellegrin sera accessible uniquement après une régulation du Samu. Une décision "difficile", liée au manque de personnel. La problématique de l'accès aux urgences est récurrente dans les hôpitaux d'Aquitaine.
Elles ne sont plus en mesure d'accueillir le public. A compter de ce mercredi, les urgences adultes du CHU de l'hôpital Pellegrin seront en mode dégradé chaque nuit. Impossible désormais d'y accéder entre 20 heures et 8 heures du matin sans avoir au préalable été orienté par un médecin du Samu, contacté en appelant 15.
Selon la direction, cette régulation, contrainte, est liée à un manque de médecins urgentistes. Sur 70 postes, 18 sont vacants. Conséquence : le dispositif pourrait se maintenir jusqu'à la fin de l'été, afin d'éviter des fermetures temporaires.
"Pour ceux qui se déplaceraient au Service des Urgences sans avoir préalablement appelé le 15, un téléphone relié au SAMU-Centre 15 est accessible devant l’accès des urgences. (...) En cas d’urgence avérée, le patient est pris en charge directement par le service des urgences", précise l'Agence régionale de santé (ARS).
"Des décisions très difficiles à prendre"
"Le service des urgences de Pellegrin a des capacités réduites sur les personnels médicaux et paramédicaux", explique Philippe Revel, chef de pôle des urgences au CHU Pellegrin et responsable du Samu 33. On eu beaucoup de départs et nos moyens sont limités".
Des départs, selon le chef des urgences, liés à l'épuisement lors de la crise du Covid. Les patients ne présentant pas de caractère d'urgence seront donc orientés vers la médecine de ville. La mise en place de regroupements de cabinets médicaux pour ouvrir des plages de consultations est également à l'ordre du jour.
Ce sont des décisions très difficiles à prendre. (...) Devoir fermer ou limiter l'accès aux urgences, c'est contre nos engagements et contre tout ce pour quoi on s'est battu depuis des années. Mais si on ne fait pas ça, on risque des dégradations de soins encore plus importantes.
Dr Philippe Revel, chef des urgences de PellegrinSource : France 3 Aquitaine
Un problème déporté sur les autres services d'urgences de Gironde ?
"Il y a certes un problème d'information à la population au sujet des urgences, tempère Gilbert Mouden, infirmier anesthésiste au CHU de Bordeaux et représentant Sud Santé du personnel. Mais il y a aussi une population qui n'a plus une réponse adaptée. La médecine de ville ne peut pas répondre à ces prises en charge. La seule réponse qu'ont les patients, c'est de venir à l'hôpital public, de nuit comme de jour". Le syndicaliste s'inquiète que la régulation des urgences de nuit de l'hôpital Pellegrin ne pénalise les autres services de la Gironde.
"La première mission de l'hôpital public, c'est d'accueillir les patients, poursuit-il avant de rappeler que la régulation du Samu est elle-même en manque d'effectifs. Donc on déporte le problème sur les autres services d'urgence de la métropole bordelaise".
On va faire couler l'ensemble de la flotte d'urgence du département parce qu'on a pas écouté les alertes des agents qui, depuis plus de cinq ans, demandent des créations de postes à tous les niveaux.
Gilbert Mouden, représentant Sud Santé au CHU de PellegrinSource : France 3 Aquitaine
Les urgences saturées partout en Aquitaine
La situation des urgences de Pellegrin à Bordeaux n'est pas inédite. Plusieurs hôpitaux, plus petits, de la région ont déjà été confrontés à la même problématique. A Oloron en Béarn, où le service devait fermer jusqu'en septembre, et qui a finalement repris ses activité mercredi dernier.
A Sainte-Foy la Grande, le service a fermé pendant quelques jours.
A Marmande, en septembre 2021, le chef de service des urgences, Laurent Maillard, avait posé sa démission pour alerter sur le manque de médecins dans son service. Ici aussi, la direction et l''ARS ont opté, depuis janvier, pour la mise en place d'un filtrage nocturne via un appel au 15.
À Marmande, "les gens sont contents de venir travailler aux urgences"
Cinq mois plus tard, le docteur Maillard, qui a réintégré le service en début d'année, décrit des urgences qui "fonctionnent pratiquement à plein". "On a récupéré un service qui fonctionne comme on l'attend, avec des gens qui sont contents de venir travailler aux urgences, parce qu'ils retrouvent le cœur de leur métier, soit la prise en charge des urgences", se réjouit-il.
Selon le médecin, la problématique était, une fois encore, double : trop de personnes se rendaient dans son service pour des soins n'ayant aucun caractère d'urgence, alors que le service manquait de personnel. "Au lieu de prendre en charge 5 patients en même temps, on en prenait 10 . Il y a un vrai problème de charge de travail au niveau des structures d'urgences. Des études ont été faites : plus vous avez de monde, plus vous prenez de temps sur un seul patient ", avance-t-il.
La mise en place de cette régulation, c'était pour proposer aux patients une offre de soins, plus adaptée à leurs besoins.
Dr. Laurent Maillard, chef du service des urgences de MarmandeSource : France 3 Aquitaine
La pédagogie auprès des patients mais aussi la mise en place d'une concertation avec la médecine libérale ont permis aujourd'hui de désengorger le service, et ce, pour le bien de tous. Une Maison médicale de garde, accolée au service, permet également aux urgentistes de réorienter certains patients.
"On améliore la qualité du soin, on améliore le vécu par les professionnels de santé, et les relations entre médecine de ville et l'hôpital", résume le médecin, qui espère désormais pouvoir mettre en place cette régulation dans l'ensemble du département.