"C'est une façon de continuer son duel avec le RN." La dissolution de l'Assemblée nationale, un "pari risqué" pour Emmanuel Macron ?

À l'issue des élections européennes où le Rassemblement national est arrivé largement en tête avec plus de 30 % des voix, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale. Les élections législatives auront lieu le 30 juin et le 7 juillet.

"J'ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale." L'annonce d'Emmanuel Macron sonne comme un coup de tonnerre. Dimanche 9 juin, alors que les résultats des élections européennes annoncent la victoire du Rassemblement national, en tête avec 31,5 % des voix, le président de la République annonce un nouveau scrutin. Pour répondre à la déroute de son parti Renaissance (14,5 %), Emmanuel Macron active l'article 12 de la Constitution, pour la première fois depuis la dissolution de Jacques Chirac en 1997.

Un jeu de poker

"La montée des nationalistes et des démagogues est un danger pour notre nation, mais aussi pour notre Europe, pour la place de la France en Europe et dans le monde", ajoutait le président de la République, qualifiant la victoire de l'extrême droite comme "l’appauvrissement des Français et le déclassement de notre pays".

Pour Ludovic Renard, politique à Sciences Po Bordeaux, l'annonce d'Emmanuel Macron s'inscrit dans une véritable stratégie politique.

Dissoudre l'Assemblée nationale, est-ce un pari risqué pour Emmanuel Macron, alors que le camp présidentiel est aujourd'hui largement battu par le Rassemblement national ?

On peut faire des conjectures. D'un point de vue stratégiste, cette dissolution, c'est une façon pour Emmanuel Macron de continuer son duel vis-à-vis du RN et d'exister. Il fait le pari de vouloir montrer que si le RN arrive au pouvoir, dans une forme d'opposition ou de cohabitation, les choses seraient bien différentes et que le RN rencontrerait des difficultés à prendre des mesures de nature à rassurer les électeurs.

Depuis sa réélection, le président Macron était dans une impasse pour faire évoluer sa majorité, et ce malgré un changement de premier ministre, une ouverture à droite… Il sait que dans les prochaines échéances ça ne serait pas passé et il joue tapis. C'est bien sûr un choc s'agissant de cette possibilité du RN d'arriver au pouvoir, mais s'agissant du fonctionnement de la Vᵉ république, ce n'est pas surprenant.

Nos institutions de la Vᵉ république rendent ce pari risqué. Ce serait inédit qu'une formation d'extrême-droite soit le groupe le plus nombreux à l'Assemblée.

Ludovic Renard

politologue

Emmanuel Macron peut-il aussi faire le pari de surfer sur un barrage républicain pour susciter un regain électoral et consolider sa majorité ?

C'est tout à fait un scénario, même si je crois moins en un changement des positions des électeurs. Ils vont vouloir confirmer ce vote et montrer que l'engagement auprès de Macron est décrédibilisé. Sa parole et son image sont très abîmées, conséquence de la réforme des retraites qui a été vécue comme très douloureuse.
Mais les élections législatives n'ont rien à voir avec les européennes et sont moins vécues comme un défouloir. Il y a un enjeu direct pour les électeurs, s'agissant d'un député qui va nous représenter sur un territoire où il peut y avoir des fiefs républicains et socialistes. Les électeurs peuvent réfléchir à deux fois s'agissant de l'ancrage de certaines formations politiques.

C'est quand même une consolidation de l'ancrage du RN dans le paysage politique français. C'est la troisième fois que, de façon conséquente, le RN gagne ces élections européennes. Ce n'est pas une nouveauté, ce qui frappe, c'est l'ampleur de son score.

Ludovic Renard

politologue

Au deuxième tour, tout le monde va prendre des positions et il y peut y avoir de grandes coalitions pour faire barrage et limiter le nombre de députés du RN qui seront envoyés au Parlement. C'est un calcul, même si je pense qu'il n'a pas jeté les dés en se disant qu'il avait une chance de gagner. Il a conscience d'une potentielle cohabitation à l'Assemblée.

La gauche a déjà appelé à un front populaire. Cela peut-il avoir une incidence sur le futur scrutin ?

On peut se dire que le front républicain va retrouver de la vigueur, mais il y a quand même un élément nouveau à prendre en compte : l'acceptation de la société de la dédiabolisation du RN. Le combat des progressistes contre les nationaux a amené les gens à des positions de repli national politique et donc à une forme d'acceptation vis-à-vis des valeurs du RN et du rejet de l'étranger.

Les différentes crises qui ont traversé nos sociétés et la pasteurisation du discours du RN ont rendu ce discours audible par les citoyens, qui veulent jouer la carte de l'extrême-droite pour s'exprimer. On verra l'ampleur des mobilisations et du front républicain, Macron doit compter dessus, mais il y a eu des évolutions idéologiques qui me font douter de sa teneur. Car il y a des fragilités et des vulnérabilités des sociétés qui sont réelles et qui s'expriment au travers de ce vote pour le RN.

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