"Cette douleur, on ne l'oublie pas" Victime d'excision, Amina apprend à se reconstruire grâce à l'association les Orchidées rouges à Bordeaux

Excisée à l'âge de 7 ans, Amina* a attendu des années avant de pouvoir exprimer sa souffrance et apprendre à se réapproprier son corps. Un long travail, rendu possible grâce à l'association les Orchidées rouges à Bordeaux, qui a déjà accompagné 350 femmes et filles victimes d'excision depuis 2020.

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Elle se souvient de ce jour-là. Sa grande sœur passe d'abord. Amina* entend des cris, elle ne comprend pas  : on lui a toujours dit que ça ne faisait pas mal. Puis vient son tour. La petite fille a 7 ans lorsqu'elle se fait exciser au Tchad, son pays d'origine. Cette pratique, l'ablation totale ou partielle du clitoris, y est très répandue. Elle est même considérée comme un rite de passage, fêté par l'entourage. 

Dehors tout le monde est content, tout le monde crie, il y a les amis, la famille. Et nous, on souffre. Ils ne savent pas qu'on souffre à l'intérieur. Ça fait mal, c'est traumatisant, tu vois le sang partout.

Amina*

France 3 Aquitaine

Une douleur qui ne peut s'exprimer

Impossible de pleurer, de crier ou de se plaindre, sous peine de subir les moqueries du village. "Tu es obligée de garder ça en toi, malgré la douleur", raconte la jeune femme de 34 ans, rencontrée par France 3 Aquitaine. Pendant des semaines, elle souffre en silence.

Je ne sais pas comment vous décrire la douleur que j'ai sentie à ce moment.

Amina

à France 3 Aquitaine

Même entre femmes, personne ne parle de cette douleur, par peur des conséquences. L'enfer de l'excision est un véritable tabou. Des années plus tard, Amina y pense toujours. "On ne l'oublie pas, tout le temps ça revient dans notre tête, mais on n'a pas le choix, on est obligée de le garder en nous", confie la jeune femme. 

Une lente reconstruction

Ce n'est qu'une fois arrivé en France, en 2018, qu'elle osera en parler. Atteinte d'endométriose, la jeune femme va consulter une gynécologue, qui voit tout de suite ses cicatrices. "Elle m'a demandé : 'est-ce que tu sais qu'en France, on répare l'excision ?' J'ai dit 'impossible, comment ils pourraient ?'". Quelques mois plus tard, Amina subit une chirurgie. Mais elle continue à se sentir mal, car cette réparation physique ne remplace pas un processus de reconstruction mentale.

Amina est alors orientée vers les Orchidées rouges. Cette association, créée en 2020 à Bordeaux, vient en aide aux femmes et aux filles victimes d'excision, grâce au soutien de psychologues, sophrologues ou sexologues. 
Les femmes peuvent même bénéficier d'ateliers de thérapie par la danse ou par l'art. Des séances de massages ou de maquillage peuvent aussi les aider à se réapproprier leur corps meurtri. "Le but des massages relaxants, c'est de reprendre possession d'un ressenti bienveillant, respectueux", explique Réjane Sallé, socio-esthéticienne.

350 femmes accompagnées 

Grâce à l'association, Amina assiste à un groupe de parole qui lui fait beaucoup du bien. "J'ai rencontré des femmes comme moi, passées par la même procédure que moi, et maintenant elles s'en sortent très bien." Même si elle n'osait pas au début, au bout d'un moment, elle a pris la parole. "C'est comme un refuge pour moi les Orchidées rouges, je raconte tout, personne ne me juge." 

Je n'ai pas tout oublié, mais je me suis acceptée, et j'avance.

Amina*

France 3 Aquitaine

En deux ans, l'association bordelaise a accompagné plus de 350 femmes. Un nombre qui a même étonné la fondatrice et directrice de l'association, Marie-Claire Moraldo : "J'avais conscience qu'il a beaucoup de femmes concernées en France, mais pas à ce point." Il y aurait aujourd'hui 125 000 femmes excisées vivant en France.  

Même aujourd'hui, la menace pèse encore sur les petites filles, y compris les petites filles françaises nées en France, vivant en France, qui ont grandi en France. Notamment pendant les vacances scolaires, elles sont mutilées dans le pays d'origine de leur parent, avec ou sans l'accord des parents.

Marie-Claire Moraldo, directrice des Orchidées rouges 

France 3 Aquitaine

L'association agit sur plusieurs volets pour accompagner ces femmes et filles. Elle les aide à se reconstruire sur le plan psychologique, à s'accepter et à se réapproprier leur corps et leur sexualité. Elles peuvent enfin bénéficier d'une aide à l'insertion socio-professionnelle. Amina* est actuellement accompagnée par l'association dans sa recherche professionnelle. Actuellement femme de ménage, elle aimerait trouver une formation pour devenir caissière. Marie-Claire Moraldo conclut : "On les aide à développer leur pouvoir d'agir en renforçant l'estime de soi."

*Le prénom a été modifié 

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