À la mi-mars, deux personnes sont mortes à Bordeaux à la suite d'overdoses, probablement dues à la pratique du "chemsex", qui mêle rapports sexuels et usage de drogues. Les professionnels de santé insistent sur la nécessité de renforcer la prévention et d'accompagner les usagers.
De la drogue à moindre coût, utilisée pour booster ses performances sexuelles, accessible en quelques clics sur internet. C'est ce qu'on appelle le "chemsex", une activité à laquelle s'adonnent des partenaires rencontrés via des applications de rencontres, notamment, pendant parfois des week-end entiers.
Le 12 mars, deux quarantenaires ont trouvé la mort à Bordeaux à la suite d'une overdose lors d'une de ces soirées, selon le parquet. Mais l'excès de consommation de drogue n'est pas le seul risque. Addictologue à l'hôpital suburbain du Bouscat, en périphérie de Bordeaux, Grégoire Cleirec, en énumère quelques-uns : "les infections sexuellement transmissibles, une grande fatigue et un affaiblissement, et sur le plan psychique et psychiatrique, une décompensation, avec une dépression, des troubles anxieux et psychotiques..."
Depuis 2016, le Comité d'étude Information sur la drogue (CEID) de Bordeaux propose un accompagnement aux usagers pour minimiser les risques. "Ça peut être du matériel qui va servir à la préparation, avec une "cup" qui va ne servir qu'une fois et qui sera jetée ensuite", explique Aurélie Lazec Charmetant, chargée de projet au CEID.
Tester les produits
Lors des soirées "chemsex", les drogues de synthèse comme la 3-MMC, associée au GHB ou au GBL, sont particulièrement populaires. Leurs attraits sont multiples : "La 3-MMC a un effet stimulant et modifie le niveau d'empathie tout en réduisant les douleurs lors de certaines pratiques sexuelles. Le GBL a des effets désinhibants proches de l'alcool, en plus intenses. En outre, ces drogues sont moins chères que la cocaïne", résume Sarah Perrin, sociologue spécialisée dans la prévention des addictions en Nouvelle-Aquitaine.
Le profil type des usagers de ces drogues de synthèse ?
Ce sont généralement des personnes insérées socialement, souvent des hommes âgés d'une quarantaine d'années.
Sarah Perrinsociologue - Centre Durkheim de Bordeaux
Ces drogues sont parfois inhalées, sniffées, avalées ou injectées, mais leur composition reste souvent inconnue des usagers. D'où l'intérêt de la tester au Comité d'étude et d'information sur la drogue et les addictions. "Les consommateurs viennent vérifier qu'ils ont le bon produit, qu'il n’y a pas inversion de molécule, savoir ce qu'ils consomment et minimiser les risques", explique Morane Barbarat, chimiste au CEID.
Déstigmatiser les usagers
L'efficacité des Centres de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) comme le CEID, ainsi que des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud), n'est plus à démontrer. "L'urgence, c'est de renforcer les moyens de ces structures pour analyser les produits, accompagner psychologiquement les usagers, assurer des permanences en dehors des horaires de travail, de 18 à 21 heures, ainsi que des maraudes numériques pour les informer sur les applications de rencontre comme Grindr", explique Sarah Perrin.
Pour la sociologue, il faut aussi "déconstruire les représentations sur les drogues, encore empreintes de morale, d'idéologie." Alors que les drogues de synthèse se répandent au-delà des soirées chemsex, "dans des contextes festifs plus traditionnels, comme les fêtes techno", elle appelle à une approche "réaliste" du risque : "l'expérience montre que ce qui est efficace, c'est d'accompagner les usagers, sans porter de jugement."