Ce 31 mai, aucun élève au collège Marguerite Duras de Libourne. Une opération “collège mort” était organisée par les parents d’élèves et enseignants pour dénoncer la fermeture de deux classes et demande la requalification de l’établissement en REP.
Une cour et des classes, totalement vides. Ce mardi 31 mai, il y avait pourtant bien école, mais les élèves ne sont pas là. À la demande des professeurs et des parents d’élèves, ils ont fait l’école buissonnière pour dénoncer la situation de leur établissement. Les professeurs, eux, avaient déposé un préavis de grève, pour dénoncer “la dégradation des conditions d’enseignement”.
Fermeture de deux classes
Cette année, les 680 élèves du collège ont dû se serrer un peu plus : une des classes de sixième a fermé à la rentrée. Deux autres, une de cinquième, l’autre de quatrième, risquent également d’être supprimées à la rentrée prochaine. “Nous avons déjà 28 élèves par classe. Avec ces fermetures, ce sera plus de 30 élèves. Ce n’est pas possible”, explique Sylvia Revauger, professeur d’anglais et membre du syndicat SNES-FSU.
Impossible, car dans cet établissement, un tiers des élèves présente des difficultés scolaires. “Nous avons des classes d’Ulis, des enfants en situation de handicap, mais aussi des Segpa, des allophones et des élèves qui présentent des problèmes de santé”, liste la professeure d’anglais.
Autant d’élèves qui ne rentrent pas dans les effectifs globaux des classes. Impossible donc pour eux d’obtenir des enseignements personnalisés. “Ce sont des situations qui nous empêchent de travailler correctement. Il n’y a plus de bienveillance”, regrette Sylvia Revauger.
Pour tenter d’aider les élèves, la mairie a ouvert une aide aux devoirs spécialisés, car le risque est bien présent. Aujourd’hui, un élève sur trois risque le décrochage scolaire.
Difficultés scolaires, violences, autant d’éléments dont la réputation du collège pâtit.
Les familles les plus aisées préfèrent alors mettre leurs enfants dans le collège privé du secteur ou demandent des dérogations pour aller dans un autre collège public.
Sylvia Revauger, professeure d'anglais
Problème : la mixité sociale est absente et le cercle vicieux s’enclenche. “Nous avons pourtant plein d’options : chant, natation, handball… qui pourraient attirer d’autres élèves. Mais ces options ne permettent pas de dérogations pour les faire venir”, analyse la professeure d’anglais.
Requalification en REP
Face aux difficultés, aux violences et à la fragilité du niveau des élèves, la cinquantaine de professeurs ne voient qu’une solution viable : requalifier leur établissement en Réseau d’éducation prioritaire (REP).
Pour intégrer ce réseau, quatre critères : le taux de catégories socio-professionnelles défavorisées, le taux d'élèves boursiers, le taux d'élèves résidant dans un quartier prioritaire ainsi que le taux d'élèves ayant redoublé avant la sixième.
Nos résultats se dégradent chaque année, des sixièmes au brevet. On est en dessous de dix points de la moyenne nationale, nous arrivons avant-dernier des établissements du département.
Sylvia Revauger, professeure d'anglais et membre du Snes-Fsu de Gironde
Si l’établissement rentre dans les critères de niveau scolaire, il en va de même pour le taux de catégories socio-professionnelles défavorisées et d’élèves résidant en quartier prioritaire. Il n’y a qu’un seul hic : “Nous sommes à 50 % d’élèves boursiers, ce qui ne semble pas suffisant”, explique la professeure d’anglais.
Un chiffre en deçà des critères imposés, pourtant loin de la réalité du collège. “Nous n’avons pas d’assistante sociale et beaucoup de parents savent à peine lire et écrire le français. Ils sont incapables de remplir ces dossiers de bourses seuls”, détaille la représentante de la SNES-FSU.
Mieux enseigner
Pourtant, le système de REP, Sylvia Revauger connaît bien. Avant d’arriver dans le collège, l’année dernière, elle enseignait dans un collège, situé en REP, en banlieue parisienne. “Les élèves étaient plus difficiles, plus violents, mais nous pouvions faire tellement de choses, des projets, de l’enseignement personnalisé. Si on pouvait avoir ça ici, le niveau remonterait indéniablement”, assure Sylvia Revauger, qui avait alors des classes limitées à 25 élèves maximum.
Cette opération collège mort est le dernier fait d’armes de ces professeurs à bout. En mars, ils avaient déjà rencontré la DASEN pour faire avancer les choses. “Ils nous ont écoutés, mais nous n’avons pas eu de réponse concrète”, regrette la représentante de la SNES-FSU.
Le maire de Libourne, ainsi que le député Florent Boudié, ont également alerté sur la situation. Un courrier a même été envoyé au ministère de l'Éducation nationale. Il ne reste désormais plus qu’à espérer. Le verdict devrait tomber, courant juin.