Crise du coronavirus : la difficile reprise du bâtiment

Depuis le 2 avril, le gouvernement a validé avec les acteurs du bâtiment et des travaux publics un « guide des préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités en période d’épidémie ». Mais la reprise sera longue car sur le terrain, la réalité est très complexe.

« On est au début de notre malheur » assène Marie-Ange Gay Ramos, Présidente girondine de la Fédération Française du Bâtiment.

J’essaye d’être positive et on va tous être très rigoureux mais c’est particulièrement compliqué. Depuis le 17 mars, la quasi-totalité des chantiers est à l’arrêt total. C’est du jamais vu. Pour reprendre, la première condition est évidemment la mise en sécurité de nos personnels. C’est la priorité. Ils devront être équipés de masques, de lunettes de protections. 
Marie-Ange Gay Ramos

Des équipements aujourd’hui insuffisants et commandés en grands nombre par les différents acteurs de la filière qui espèrent les recevoir d’ici une quinzaine de jours.

Une facture colossale

Un temps de toute façon nécessaire pour organiser les autres mesures comme la distanciation sociale dans les vestiaires, les réfectoires et tous les bungalows des bases vie sur les chantiers.
Pour cela différentes solutions sont envisagées selon les cas : arrivées décalées des personnels, installer en extérieur salle de réunion, de pause et de repos ou encore privilégier la pratique de la gamelle et du thermos individuels.
Par ailleurs, chaque chantier devra attribuer les outillages de façon individuelle, permettre des lavages de mains fréquents, mettre à disposition des lingettes désinfectantes dans les toilettes et assurer le nettoyage des installations communes toutes les deux heures.
 

De nouvelles règles qui impliquent évidemment un surcoût direct avec l’achat de ces équipements et le nouveau personnel pour la désinfection.
Mais pas seulement.

Les incidences indirectes de ces mesures vont coûter une fortune
Un constructeur bordelais qui emploie une centaine de salariés

« car ces consignes sanitaires vont prendre beaucoup de temps et engendrer une perte de rendement de près de 30%. Le calcul est simple sur un chantier moyen de 60 000 heures cela représente 18 000 heures à trente euros en moyenne. Soit 540 000 euros de surcoût juste pour la main d’oeuvre ! Auxquels vont s’ajouter d’autres frais ! Car si on travaille moins vite, les délais s’allongent et l’on devra garder plus longtemps les grues, les bennes à béton, les bungalows… Tout ce matériel que nous louons et qui représente le poste budgétaire le plus important sur nos chantiers. Déjà, nous recevons les recommandés des loueurs pour payer le premier mois d’immobilisation. C’est impossible pour nous d’assumer seul ces surcoûts de constructions. Nos marges sont de 1 à 2%. Si on reprend dans ces conditions, on perd de l’argent. Autant déposer immédiatement le bilan. »
 

Un constat partagé par Olivier Jaffart, délégué régional du syndicat des entreprises générales de France du bâtiment et des travaux publics : " Il faut répartir ces charges sinon on va vers une catastrophe économique pour les entreprises du bâtiment qui sortent déjà d’une mauvaise année 2019. Et même si on est incapable de dire aujourd’hui combien ça va coûter exactement. Chacun doit prendre sa part. De notre côté, la volonté de redémarrer existe et il faudra trouver ensemble le chemin pour y arriver. "

Ainsi, des accords financiers devraient être signés entre les différentes parties, préambule indispensable à la reprise des chantiers.
« Nous avons de bonnes relations avec l’ordre des architectes » précise Marie-Ange Gay Ramos.
« Ensuite certains clients privés ou publics sont de bonnes compositions et réfléchissent avec nous, d’autres en revanche nous disent : vous n’avez qu’à prendre vos responsabilités et revenir vers nous quand vous saurez ! Cela va se régler au cas par cas. En tout cas une chose est sûre : il est hors de question d’avoir des pénalités de retard ! »

Un avis partagé par Arnaud Roussel-Prouvost, Président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers de Nouvelle Aquitaine. « Nous attendons une décision de l’Etat sur le droit de cas de force majeure. Il en va de la survie des opérations pour que personne à son niveau ne se voit réclamer des pénalités financières suite à cette situation que nous subissons tous. »

Et de préciser sur les surcoûts à venir : « l’arrêt complet n’est pas une solution. Il faudra être souple et intelligent. Chaque chantier est un cas particulier. Impossible d’avoir des règles duplicables. C’est très complexe. Mais tout le monde est impacté et donc tout le monde doit participer ! »
 

Un courrier envoyé aux maires de la région


Et le président de cette fédération qui produit 80% des logements neufs de la région d’alerter sur l’avenir : « La production de logement est en baisse depuis 18 mois avec la période pré-électorale des municipales. Et là on est en train de bloquer les activités de demain. Depuis le confinement, plus aucun permis de construire n’est instruit. Il faut un choc de simplification pour ces dossiers. »
Une volonté que la fédération des promoteurs immobiliers a détaillé avec plusieurs propositions concrètes dans un courrier envoyé vendredi à tous les maires de la région.

Christian Surget, le président de la fédération régionale des travaux publics qui regroupe 700 entreprises (pour 26 000 emplois directs et 3, 4 milliards de chiffres d’affaires en Nouvelle Aquitaine) a lui aussi écrit à ses maitres d’ouvrages (ses clients). «Nous c’est le contraire du bâtiment. On a 80% de commandes publiques et 20% de privé. En majorité, nos chantiers seront plus simples à redémarrer. Je viens de proposer aux collectivité territoriales, à l’Etat et au parapublic une liste par département de chantiers laboratoires (sur des réseaux d’assainissement, de réseaux d’eau, de voieries, d’entretien). Il faut qu’ils activent toute la chaîne pour que l’on puisse reprendre. L’idée c’est de commencer moderato en préservant nos personnels et en regardant les incidences. En toute transparence. Il s’agit de chiffrer le surcoût ensemble ensuite au fur et à mesure. On veut pas passer pour des voleurs mais on veut pas être volé non plus. Les contraintes seront vérifiables. Cette crise nous oblige à rétablir la confiance. Nous on va assumer notre part mais attention il ne faudra pas que les services tergiversent. L’idée, c’est une co-construction de la reprise dans le sens de l’intérêt général ! »
 

L'attente d'un plan Marshall du Covid-19


Une reprise qui pourrait débuter doucement d’ici quinze jours pour les travaux publics. " Cela concernera aussi bien les PME que les grands groupes", précise Christian Surget, " Tous doivent produire pour facturer ".

Notre souci c’est que les trésoreries vont fondre comme neige au soleil.
Marie-Ange Gay Ramos


" À fin mars, beaucoup d’entreprises du bâtiment accusent des retards de paiement du privé comme du public pour des travaux réalisés. Je suis inquiète pour la suite, pas tant pour les deux ou trois prochains mois où nous ferons le dos rond mais la fin d’année va être terriblement difficile sans visibilité de l’activité. "  
Et le syndicat des Entreprises générales de France d’espérer par la voix de son délégué régional Olivier Raffart " un plan de relance en fin d’année. Le public et les offices HLM par exemple, pourraient anticiper des opérations prévues sur 2022 ou 2023 pour relancer et sécuriser l’activité "

Un plan Marshall du covid-19 en quelque sorte. Avant la crise, le bâtiment en Nouvelle Aquitaine représentait 11, 8 milliards de chiffre d’affaires pour 100 000 salariés.
 
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