Culture : comment une compagnie de danse continue de créer alors que les salles sont fermées

La chorégraphe Raphaelle Boitel et ses artistes sont en résidence à la Méca. Ensemble ils travaillent à l'adaptation d’un spectacle dont la tournée a été annulée. Quatre musiciens font ainsi leur entrée sur scène. L’équipe réfléchit à une éventuelle diffusion télévisée.

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Comment faire ? Comment faire lorsque les avis divergent sur ce qu'est l'essentiel ? La chorégraphe bordelaise Raphaëlle Boitel, après une période de sidération, a repris rapidement le travail. Oubliées les représentations aux quatre coins de la France et à l’étranger. Avec ses artistes, faute de se produire en public, elle travaille sur des créations.

La Méca, lieu d'exposition et de création culturelle à Bordeaux, lui a ouvert ses portes pour une résidence de quinze jours. Avec deux danseurs et quatre musiciens, la chorégraphe travaille sur la musique de cette création en accord avec les danseurs. Ce spectacle existait en effet avec une bande son enregistrée. Mais le compositeur Arthur Bison, a réadapté sa partition pour qu’elle soit jouée sur scène par un quatuor venu de Nancy. Une résidence libératrice qui permet à tous ces artistes de se remettre au travail en attendant de pouvoir repartir à la rencontre du public.

La Meca s'inscrit dans le nouveau quartier Euratlantique © Laurian Ghnitoiu

Rebondir

« Il faut respirer, il faut continuer à vivre et à créer », sourit Raphaëlle Boitel, « mais effectivement il faudrait que cela s’arrête bientôt ». Six spectacles de la compagnie L’Oubliée devraient être en train de tourner sur différentes scènes françaises et étrangères. Elles sont toutes à l’arrêt. La compagnie devait se produire notamment à Broadway à New-York. « Je ne dirai pas toutes les annulations qu’on a eu mais c’est énorme », résume la Bordelaise. « Horizons », que vous aviez peut être aperçu sur les toits de l’Opéra de Bordeaux en juillet 2019 devait rebondir en Dordogne à Lascaux pour les 80 ans de la découverte de la grotte. Annulé.  « Un contre un » est sorti juste avant la crise. Seules deux représentations ont eu lieu à Saint-André de Cubzac et puis plus rien. L’annonce du confinement a été un vrai coup de massue. 

 J’étais dans un état de choc. Plus que de perdre des dates c’est perdre quelque chose qui nous fait vibrer, quelque chose qui  nous fait vivre.

Raphaëlle Boitel

Voyez l'interview de la chorégraphe Raphaëlle Boitel :

"Et  puis à un moment donné j’ai réagi, et puis on a continué aussi des pr

ojets qui étaient lancés", poursuit la chorégraphe. "Donc pendant quatre mois de septembre à janvier, j’ai été en création pour le CNAC (centre national des arts du cirque). C’était une commande pour une mise en scène avec 14 artistes. Donc pendant le confinement on a travaillé ». C’est à Châlons-en-Champagne que cette création s’est faite. Une bulle artistique « qui a fait du bien ». Est né « Le cycle de l’absurde », en résonnance avec l’actualité. Un spectacle qui devrait en ce moment être joué à la Villette à Paris, mais qui n’a finalement jamais rencontré son public. Alors comment faire ? « Je n’ai pas la réponse, mais j’ai des réponses », dit l’artiste. « Il faut être dans l’action et continuer à créer ». En attendant, Raphaëlle Boitel travaille donc sur un autre projet, à la Méca à Bordeaux et avec le concours de l’OARA. L’adaptation musicale de « Un contre Un ».

La danseuse Julieta Salz sur la scène de la Méca le 10 février 2021. © FTV

A la Méca pour une résidence libératrice 

Grace au soutien de l’Office Artistique de la région Nouvelle-Aquitaine (OARA), et à la Méca, Raphaëlle Boitel et ses artistes ont trouvé un refuge pour travailler. Une vraie scène, sans public soit, mais qui permet de peaufiner un travail dans de bonnes conditions. « Ça fait du bien ! », se réjouit la danseuse Julieta Salz.

« De ne pas s’entraîner toute seule à la maison, être avec des gens et faire notre métier. Ça nous permet d’agrandir et de nourrir la forme qui était déjà créée. Et cela apporte toujours énormément la musique live ».

Julieta Salz

Les quatre musiciens sont venus de Nancy pour cette collaboration. Ils ont eu le plaisir de reprendre la route pour travailler. « Ça fait du bien », avoue Sarah Tanguy. « Ça fait du bien de sortir du spectacle à la maison ! De passer sur scène et d’être vivant. Cela permet de reprendre de l’énergie. Sans ce type de projet cela serait sûrement difficile sur du long terme".

Ecoutez la danseuse Julieta Salz :

Des musiciens sur scène parmi les danseurs

Jusque-là, Raphaëlle Boitel n’avait jamais travaillé avec des musiciens. Des idées de collaboration avec L’Orchestre National de Bordeaux ont été évoquées mais elles n’ont pas encore abouti pour l’instant. Dans « Un contre Un », les musiciens doivent monter sur scène, jouer avec la lumière et se retrouver acteurs parmi les danseurs. Pas évident de trouver des artistes prêts à un tel exercice. Sur scène, ils jouent en « par cœur », c’est-à-dire sans partition. Parfois, ils sont dans le noir. A d’autres moments, la chorégraphe leur demande de se déplacer et de jouer avec la lumière. Un exercice à part entière.  « C’est totalement différent de notre formation, de nos habitudes », explique Sarah Tanguy.

« C’est un vrai moment de grâce pour nous. Mais cela nécessite pour nous d’autres repères. On s’entraîne, on répète jusqu’à ce qu’on y arrive.

Sarah Tanguy

Raphaëlle Boitel et Sarah Tanguy travaillent sur les déplacements que doivent effectuer les musiciens. © FTV

"Après on a tous les quatre quand même quelques habitudes ancrées dans les musiques actuelles et dans d’autres pratiques", précise Sarah Tanguy. "On est quatre, on a un gymnaste, deux « théatreux », deux comédiens, après je déambule dans le milieu de la santé avec le violoncelle déjà, donc on a des habitudes heureusement qui nous aident. Mais là on est vraiment porté pour développer tout cela". « Moi je sors pas trop de ma zone de confort au final vu que je fais un peu de théâtre à côté et puis cela me rappelle de vieux souvenirs de projets collectifs comme cela où il y a un petit peu de tout », ajoute François Goliot. « Donc au contraire ça fait plaisir et c’est très motivant ».

Ecoutez l'intégralité de l'interview des quatre musiciens :

Et maintenant, comment aller à la rencontre du public ?

La Région s’est proposée auprès du ministère de la Culture pour être une « région test ». Il s’agit de rouvrir certains lieux culturels au public sous certaines conditions et en respectant bien sur les gestes barrières et autres consignes sanitaires. Le projet est à l’étude pour l’instant. En attendant, comment se produire ? Comment rendre son travail visible ? « Il y a les réseaux sociaux », dit Eléna Perrain, « mais à part ça pour l’instant je ne vois pas trop à travers quel autre médium on peut exister ».

« Honnêtement il n’y a rien qui remplace le public », ajoute François Goliot.

La chorégraphe est en contact avec de nombreuses institutions. Ensemble ils réfléchissent à des collaborations mais aussi à des outils de diffusion. La télévision en fait partie. « Jusque-là je ne voulais pas le faire », explique-t-elle, « aujourd’hui je suis ouverte mais cela prend du temps ».

 Je ne veux pas faire juste « allez hop on y va on capte tous les spectacles en deux jours" !

Raphaêlle Boitel

"Non, il faut vraiment le penser. Le penser avec le réalisateur ou la réalisatrice. Prendre ce temps-là », explique la chorégraphe cinéphile. L’image se doit d’être au service de la retranscription des émotions pour un public impalpable en cas de diffusion télévisée. Elle envisage donc l’image comme un outil nécessitant là encore une adaptation et non comme un simple support. Plein de projets donc en perspective en attendant de nouvelles dates. En ligne de mire notamment, « La chute des anges » au théâtre du Rond-Point à Paris dès le 1er juin. 

Voyez notre reprortage sur cette résidence à la Méca :

 

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