La chorégraphe Raphaëlle Boitel nous fait un joli cadeau. Sa compagnie périgourdine s'est associée à des yamakasis pour un spectacle unique à voir, depuis la place de la Comédie vendredi et samedi à 20h30. Nous avons pu assister aux spectaculaires répétitions.
Vous les avez peut-être aperçus en passant par hasard. À moins que ce soit le bouche à oreille qui vous ait conduit jusqu'à eux. Depuis près de trois semaines, ils répètent sans relâche "Horizon". Un ballet urbain déployé sur les toits de l'Opéra de Bordeaux. Magique.
Ils sont dix et ont tous une vingtaine d'années. Certains sont circassiens, d'autres viennent de l'univers des yamakasis, et se disent free runners. La compagnie périgourdine "L'Oublié(e)", Parkour 59 de Roubaix, et l'ADDAB de Bruges se rejoignent grâce à la chorégraphe Rahaëlle Boitel.
C'est la mairie de Bordeaux, qui lui a proposé d'investir les toits de l'Opéra, avec carte blanche. L'Opéra, Raphaëlle Boitel, connaît. À seulement 35 ans, la Bordelaise a déjà su se faire un nom. C'est notamment elle qui en 2013 se charge de la chorégraphie de l’Opéra Macbeth à la Scala de Milan, mis en scène par Gorgio Barberio Corsetti. Chorégraphe donc, danseuse, actrice pour le cinéma et le théâtre, l'artiste est née de l’École Nationale des Arts du Cirque Fratellini. Avec "Horizon", elle décide de sortir de l'univers clos du théâtre pour prendre l'air avec de la hauteur. Les passants sont saisis :
"J'ai découvert ce spectacle complètement par hasard, je suis étonné, ça pousse à la curiosité, ça me plait beaucoup, et ça a le côté intriguant et surprise !"
Yamakasis et circassiens réunis
Deux mondes, deux univers. Les circassiens, habitués à évoluer en hauteur, fins, souples, précis. Les Yamakasis ou free runners dont l'art brut est de relier un point à un autre, prennent appui sur le bitume, habitués à évoluer dans l'espace au moyen de leurs corps, mais quel parcours... Ensemble, ils travaillent depuis près de trois semaines cette chorégraphie mélange de danse, de cirque, de théâtre et de runs fous."On a l'habitude de tracer au sol, parce qu'on n'a pas les autorisations de grimper sur des propriétés privées et là, le fait qu'on ait cet accès autorisé, pour nous, c'est de la liberté en plus!"
sourit Mohamed Ayari, free runner. "C'est tapis rouge, on a tout pour nous là, c'est le kiff !"
Mohamed, vient de Roubaix. Et il l'avoue au début, la tentation a été grande de rebondir sur la balustrade entre les muses si emblématiques de la façade de l'Opéra de Bordeaux. "Le premier jour, quand on est arrivés on est directement allés sur les rebords où y'a les statues , on nous a carrément dit non c'est pas possible".
Outre les échauffements qui diffèrent, circassiens et yamakasis ne travaillent pas de la même manière. "Notre sport, c'est du brut et des sauts. Eux c'est plus dans la finesse et la délicatesse, donc on apporte chacun notre manière de bouger et de voir les choses. L'appréhension du vide aussi, nous, on n'a pas l'habitude," explique le Nordiste. "Nous circassiens, on est à 6 mètres en général, mais on est rarement à 6 mètres au-dessus de 12 mètres de vide," raconte Cyril Combes de la Compagnie "L'Oublié(e)". "Donc la difficulté, c'est d'appréhender ce vide-là en étant à l'écoute des neuf autres personnes."
"Savoir se jeter"
C'est à la tombée du jour qu'ils continuent d'écrire leur histoire. Les répétitions débutent vers 19 h. La pierre de l'Opéra recrache alors la chaleur emmagasinée dans la journée. Les artistes souffrent, "une suée" confirme la chorégraphe. Ensemble, ils calculent, réfléchissent, tentent et retentent. Tempo en tête, rythme des corps, et cadence des sauts, tout se cale petit à petit.Des morceaux choisis, travaillés d'abord en studio puis en groupe sur les toits. Raphaëlle est à côté d'eux, là-haut puis elle descend. Et là, depuis la place de la Comédie, elle distille ses conseils. Car c'est depuis la terre ferme que ce spectacle est fait pour être vu. Alors au milieu des passants incrédules elle susurre ses "Fanny descends", "regarde autour de toi..".
"Ca parle beaucoup de la force du mental dans la vie. Je pense que chacun peut s'identifier, car à un moment donné dans la vie, il faut savoir lâcher prise et savoir se jeter" explique Raphaëlle Boitel.
C'est beaucoup de travail, "on répète, je ne sais pas combien de fois des scènes pour atteindre, acquérir un mouvement, un saut" sourit Raphaëlle Boitel. "Le fil conducteur, c'est vraiment cette idée de réussir à atteindre ce saut ultime".
Le spectacle "Horizon" est à voir vendredi 12 juillet et samedi 13 juillet à 20h30 place de la Comédie, dans le cadre du festival Liberté qui dure une bonne partie de l'été à Bordeaux.
Voyez le reportage de C. Olivari, S. Delalot et O. Pallas dans le 19/20 ce soir